En mai dernier, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a été saisi par la Direction générale de la santé (DGS). Dans le contexte de pénurie d’eau que connait l’île de Mayotte, cette dernière a demandé au HCSP d’évaluer l’opportunité de réaliser des campagnes de vaccination contre le choléra, la fièvre typhoïde, l’hépatite A et la poliomyélite.
Afin de répondre à la saisine de la Direction générale de la santé, le HCSP a mis en place un groupe de travail composé d’experts membres ou non de son instance. Dans le cadre de cette enquête, l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte a également été auditionné (voir encadré). Les experts ont rendu leurs conclusions dans un rapport, accompagnées de leurs recommandations. De son côté, Santé publique France, dans son point d’épidémiologie en date du 27 juillet 2023, note que l’absence d’eau ou la mise en place de coupures d’eau prolongée, comme cela a déjà été observé lors de la crise de 2016-2017, « pourrait générer des flambées épidémiques : infections gastro-intestinales et maladies hydriques endémiques à Mayotte telles que la fièvre typhoïde ou les hépatites A, pour lesquelles des foyers de contamination sont détectés régulièrement sur le territoire ».
D’après le dernier bulletin de l’OMS du 1e juin 2023, sur la situation du choléra en Afrique et dans le monde, de nombreux cas sont toujours rapportés dans plusieurs pays ayant des connexions avec Mayotte (Madagascar, pays d’Afrique de l’Est…). Depuis le début des années 2000, aucun cas de choléra n’a été notifié sur l’île. Induit par les mouvements de population, « le risque de réintroduction et d’épidémie de choléra à Mayotte peut être considéré, à ce jour, comme faible », selon les experts. Cela étant valable également dans le contexte actuel de sécheresse et de difficultés d’approvisionnement en eau potable. D’après le rapport, « il n’y a donc pas lieu d’envisager une campagne de vaccination en anticipation contre le choléra de l’ensemble de la population ».
La fièvre typhoïde présente dans le nord de l’île
La fièvre typhoïde est endémique à Mayotte. Entre 2016 et 2020, environ 40 cas de typhoïde ont été déclarés à Mayotte en moyenne chaque année. En 2022, le nombre de cas a augmenté de manière importante avec plus de 100 cas rapportés. « Les cas recensés habituellement, et tout particulièrement en 2022, se concentrent principalement dans certaines communes du nord de Mayotte », complètent les membres de la commission de l’étude. Il faut noter que les incidences les plus élevées ont été observées dans les communes de Koungou et Dzaoudzi-Labattoir (respectivement 152 et 146/100.000 habitants).
Ainsi, le HCSP statut que ni la situation épidémiologique actuelle de la fièvre typhoïde à Mayotte, ni la sécheresse et la crise d’approvisionnement en eau potable qui en découle « ne justifient d’envisager une campagne de vaccination en anticipation de l’ensemble de la population de Mayotte contre la fièvre typhoïde ». Cependant, compte tenu de l’efficacité et de l’innocuité démontrées de compagnes ciblées de vaccination, le HCSP estime que les autorités de santé du territoire pourraient proposer une vaccination anticipée ciblée aux habitants des zones d’habitats insalubres.
Autre maladie endémique à Mayotte, l’hépatite A. L’incidence annuelle y est de 20 cas/100.000 habitants en moyenne. Sur l’île, la couverture vaccinale est « probablement très faible », indique le rapport. Il n’existe pas de recommandation vaccinale contre cette maladie sur le territoire. Comme pour le choléra et la fièvre typhoïde, la situation actuelle à Mayotte ne justifie pas « d’envisager une campagne de vaccination en anticipation de l’ensemble de la population », expliquent les experts. Cependant, le HCSP recommande que les autorités se « tiennent prêtes » à décider rapidement de la mise en œuvre de telles campagnes.
La poliomyélite sous surveillance
En raison de la circulation des poliovirus dans les pays voisins de Mayotte, tels que le Mozambique et Madagascar, et de la couverture vaccinale contre la polio sous-optimale sur ce territoire, Mayotte partie de ces zones à risque. Le HCSP note que « toute surveillance environnementale des poliovirus a cessé sur l’ensemble du territoire français depuis 2018 ». D’après l’institution, cette surveillance pourrait être particulièrement utile sur l’île afin de permettre de typer correctement les virus détectés et de les comparer aux souches qui circulent dans les pays environnants.
En 2017, Santé publique France a lancé une alerte sur les menaces d’épidémie de poliomyélite qui pesait sur Mayotte, en raison de la faible couverture vaccinale des enfants. Au regard de cette insuffisance de couverture vaccinale chez les enfants âgés de 6 ans et plus, l’agence régionale de Mayotte, en lien avec le Rectorat, a initié en 2023 une campagne vaccinale de rattrapage. « Eu égard de la couverture vaccinale élevée contre la poliomyélite dans la population de nourrissons de Mayotte », le HCSP ne recommande pas de campagne de vaccination.
La surveillance environnementale, couplée au maintien et au renforcement de la veille sanitaire en place, permettra de détecter précocement l’apparition ou la recrudescence de cas. Malgré la situation de crise d’approvisionnement en eau potable qui découle de la sécheresse prolongée sur le territoire de Mayotte, la situation épidémiologique de l’île pour le choléra, la fièvre typhoïde, l’hépatite A et la poliomyélite « ne justifient pas une campagne de vaccination en anticipation de l’ensemble de la population de Mayotte vis-à-vis de ces quatre maladies infectieuses », conclut le rapport.
L’Agence régionale de santé rappelle les symptômes
À la suite d’une consommation d’eau non potable, certaines maladies peuvent faire leur apparition, comme l’hépatite A, la shigellose ou la typhoïde. Chacun d’entre elles possède des symptômes différents. Concernant l’hépatite A, les symptômes sont les yeux jaunis, l’urine foncée, des diarrhées, malaise, fièvre et grande fatigue. Ceux de la typhoïde sont des douleurs abdominales, de la constipation et diarrhées, de la fièvre prolongée, de la faiblesse musculaire et de la stupeur. La shigellose, infection aiguë, est associée à un éventail de symptômes comme des diarrhées avec du sang pendant deux ou trois jours, une sensation de brûlures au niveau de la vessie et/ou de l’anus, des douleurs abdominales, fausse envie d’aller aux toilettes et de la fièvre.
Après une coupure, à la remise en eau, celle-ci peut être impropre à la consommation. Pour boire, faire à manger et se brosser les dents, utilisez de l’eau potable. Afin de se protéger des maladies, dites hydriques, l’Agence régionale de santé de Mayotte recommande d’appliquer des gestes au quotidien : se laver les mains à l’eau et au savon, consommer de l’eau potable, laver les aliments à l’eau propre, ne pas se baigner en rivière ou en zone d’eau stagnante, laver les « kapok » tous les jours et utiliser des toilettes pour les besoins.