Hawa : « Si nous arrivons à mettre deux personnes dans un seul et même véhicule, ce serait déjà une belle victoire ! »

Ce vendredi 1er octobre prend effet l’arrêté de voirie du 17 septembre portant circulation alternée à Mamoudzou ainsi que l’interdiction de déplacement de tous les véhicules âgés de plus de 15 ans. Pour Bruno Brouard-Foster, le directeur d’Hawa Mayotte, l’association agréée de surveillance de la qualité de l’air sur le 101ème département, il s’agit d’une mesure forte qui devrait permettre de réduire les émissions de particules fines. Entretien.

Flash Infos : Comment avez-vous accueilli les deux mesures du maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla, à savoir la mise en place d’une circulation alternée les lundis et mardis pour les usagers extérieurs à la ville chef-lieu et l’interdiction de déplacement des véhicules de plus de 15 ans ?

Bruno Brouard-Foster : J’avais été contacté pour participer à la conférence de presse du vendredi 17 septembre au cours de laquelle j’ai été amené à prendre la parole pour répondre aux questions des journalistes. J’ai été surpris de cette annonce, car je n’étais pas du tout averti ! J’ai informé l’auditoire qu’il s’agissait de mesures fortes, qui sont en principe décidées par les préfectures lors de dépassement de seuil de pollution. En tant qu’association agréée de surveillance de la qualité de l’air sur Mayotte, nous les soutenons, même si nous n’avons pas été consultés sur l’arrêté. Nous avons simplement fourni les mesures à la communauté d’agglomération de Dembéni-Mamoudzou et à la ville chef-lieu.

FI : Sur le principe, vous êtes donc conquis par cette décision…

B. B-F. : La démarche des plaques paires et impaires, ça ne se fait plus. C’est un peu old school… Depuis, il y a ce que nous appelons la vignette Crit’Air, mise en place par le ministère de la Transition écologique. N’importe quel automobiliste peut la réclamer ! Cela permet de gérer les véhicules plus ou moins polluants, en fonction du type de carburant utilisé et des caractéristiques du constructeur. Après, si l’arrêté est bien appliqué et respecté, cela voudra dire qu’il y aura moitié moins de voitures, donc cela va forcément diminuer par deux les émissions : c’est mathématique.

À Mayotte, nous savons que les véhicules neufs ne sont pas très entretenus et dégagent rapidement de la fumée toxique. Donc imaginez les plus anciens, qui sont dans un sale état et qui auraient sans aucun doute des vignettes 4 ou 5. Pour la qualité de l’air, c’est une action qui va sur le principe permettre de réduire la pollution sur les axes routiers. Alors oui effectivement, cela a un impact pour l’économie, mais à un moment donné il faut savoir prendre des décisions impopulaires !

FI : Jusqu’à quel niveau, pouvons-nous envisager une amélioration de la qualité de l’air ?

B. B-F. : Nous avons une station de surveillance à Kawéni Nord qui se situe entre Imprimah et EDM. Nous allons pouvoir mesurer concrètement s’il y a une diminution ou non de la pollution. Lors du premier confinement en mars 2020, nous avons pu noter au cours des trois premières semaines, quand aucune voiture ne circulait, un abaissement de l’ordre de 30% des particules fines PM10. Il faut savoir qu’entre Koungou et Passamaïnty, nous consommons deux fois plus que la normale en raison des embouteillages, soit 13 ou 14 litres au 100… Sans compter la climatisation.

FI : À Mayotte, le défi de la pollution semble perdu d’avance entre le retard des politiques publiques et les habitudes.

B. B-F. : Nous demandons de réaliser en 10 ans ce qui a été accompli en 50 ans en Hexagone. Pour rappel, le covoiturage a mis 30 ans à se mettre en place… Ici, nous vivons à 100 à l’heure la surconsommation. De ce côté-là, nous ne pouvons pas demander aux Mahorais de tout abandonner du jour au lendemain. En sachant que seulement 25% des foyers ont une voiture, contre 80% à La Réunion. Il faut savoir que Mayotte est l’un des départements dans lequel nous marchons le plus. Nous ne sommes pas encore dans la phase de mutualisation des moyens comme en métropole.

Quelles solutions s’offrent à nous alors ? Au Japon par exemple, le prix des contrôles techniques est tellement prohibitif que les habitants préfèrent changer de voiture. À Mayotte, il faudrait dans un premier temps qu’ils soient bien réalisés et respectés… Et ensuite que des contrôles de pollution soient réalisés. En soi, cette interdiction sur les véhicules de plus de 15 ans va surtout toucher de plein fouet une population qui n’est pas aisée et qui n’a pas forcément la possibilité d’investir dans du neuf. Mais ce qui pêche avant tout sur le territoire, c’est le manque d’espace pour construire de nouvelles routes… Alors si nous arrivons à mettre deux personnes dans un seul et même véhicule, ce serait déjà une belle victoire !

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