Mayotte détient le triste record du département français au plus fort taux de déforestation. Si les services de l’État s’efforcent de préserver les forêts publiques, force est de constater que la question préoccupe peu les collectivités locales et la population mahoraise en général. Pourtant, la préservation du couvert forestier est vitale pour assurer au territoire un approvisionnement en eau potable. Dominique Paget, le directeur de l’office national des forêts à Mayotte (ONF) a présenté au public la forêt mahoraise et les enjeux de sa préservation au cours d’un « café naturaliste » qui s’est déroulé mardi soir au restaurant La Croisette.
Mardi soir au restaurant La Croisette, situé derrière le comité du tourisme de Mamoudzou, une petite trentaine de personnes est venue écouter Dominique Paget, le directeur de l’office national des forêts de Mayotte. Il a présenté les spécificités des forêts du territoire, les enjeux de sa préservation et le rôle de sa structure. Si la préservation des forêts est un enjeu capital pour l’avenir du 101ème département, notamment concernant la question des ressources en eau, la population mahoraise s’intéresse peu à la question. Le public de ce « café naturaliste » n’était d’ailleurs constitué que de métropolitains. Un fait que n’a pu s’empêcher de déplorer Michel Charpentier, le président de l’association des Naturalistes, qui organisait l’évènement. « La déforestation intensive ne fait pas réagir la population mahoraise. La préservation du couvert forestier est pourtant une solution naturelle au problème des ressources en eau. Si on n’arrive pas à préserver au moins les forêts publiques, l’île court à la catastrophe ! », alerte-il.
Les forêts publiques se répartissent entre le Département (pour les deux tiers environ) et l’État (le tiers restant). Si une réserve naturelle des forêts a été créée il y a un an, elle est toujours en attente de l’affectation d’un gestionnaire et des moyens afférents. La spécificité de Mayotte est qu’elle est principalement constituée d’agro-forêt, soit un mélange d’arbres forestiers et non forestiers, ce qui lui confère un statut particulier au sein du code forestier. « 90% des forêts du territoire sont des forêts secondaires, c’est-à-dire détruites et reconstituées avec des espèces introduites », explique le directeur de l’ONF. « À Mayotte, la difficulté est de définir ce qu’on entend exactement par forêt, une question qu’on ne se pose jamais en métropole car c’est évident », ajoute-il. La direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF) a estimé qu’on entendait par « forêt » une étendue d’espaces boisés d’au moins un demi-hectare, de plus de cinq mètres de hauteur et possédant un couvert forestier de plus de 50%.
Les rôles de l’ONF dans la préservation des forêts
Les forêts d’État sont gérées par l’ONF et ce dernier aide également le département dans la gestion des forêts qui lui appartiennent. En revanche, les mangroves et les forêts du littoral sont gérées par le conservatoire du littoral. « Ces dernières années, on a pu constater une forte hausse du déboisement en forêt publique », déplore Dominique Paget. Beaucoup d’habitants de l’île pratiquent une agriculture illégale sur des terrains qui appartiennent à l’État ou au Département. L’un des rôles de l’ONF est donc la surveillance de ces forêts. Toutefois, avec seulement trois techniciens armés et assermentés, sa marge d’action est bien faible même s’il est aidé par les douze gardes et six agents de la DAAF. « La police municipale est également compétente pour verbaliser les infractions liées au code forestier », précise le directeur tout en reconnaissant qu’elle a souvent « autre chose à faire ». En outre, les spécificités du code forestier à Mayotte complexifient les actions de surveillance. « Par exemple, les défrichements de moins de quatre hectares sont exemptées de dérogation sur le territoire. Par ailleurs, les incinérations ne sont pas interdites, mais soumises à déclaration de juin à décembre », souligne Dominique Paget.
Les actions de reboisement des terrains défrichés illégalement impliquent de détruire les anciennes cultures, ce qui provoque toujours l’ire des cultivateurs. « C’est très difficile, on doit venir avec la police et s’y prendre à plusieurs reprises avant de pouvoir agir », révèle le directeur. En outre, le reboisement est très cher, il s’élève à 30.000 euros par hectare. « Ce prix est dû notamment à la faible mécanisation et au manque d’entreprises sur l’île », précise-t-il. Si les activités humaines sont les principales responsables de la destruction des forêts, les espèces envahissantes les menacent également et l’ONF est chargé de lutter contre. « Les écosystèmes insulaires sont très sensibles à cela et les espèces endémiques sont menacées », souligne Dominique Paget.
Outre la question des ressources en eau, les forêts de Mayotte permettent de lutter contre l’érosion et sont un réservoir de biodiversité participant à la richesse naturelle du territoire. Menacées par la forte pression démographique, les forêts sont en grave danger sur l’île et accroître les actions de protection est un enjeu majeur. « L’une des solutions serait de classer les espaces boisés dans les plans locaux d’urbanisme », préconise le directeur de l’ONF. En tout cas, Michel Charpentier nous prévient : « Si la déforestation continue à ce rythme, dans dix ans il sera trop tard ! » Une prise de conscience s’impose donc et vite !