Mercredi dernier, Ceta’Maore et plusieurs prestataires nautiques ont pu faire l’observation rare d’une orque qui était déjà venue à Mayotte en 2023. Une rencontre qui va pouvoir faire avancer la recherche scientifique sur cette espèce.
“Je suis avec un groupe d’orques.” Mercredi 9 avril, 17h05, le téléphone portable de David Lorieux sonne lorsqu’un un pêcheur prononce cette phrase au bout du fil. Ni une, ni deux, le coordinateur scientifique de l’association Ceta’Maore prévient Nicolas Chabot, gérant de Lagon Aventure et Denis Fabre, celui de Mayotte Explore, pour organiser une mission d’observation. “Seulement quinze minutes après l’alerte, on partait en bateau de la plage du Faré”, se souvient celui dont l’association a pour but d’étudier et de protéger les mammifères marins. À bord de la navette de Mayotte Explore, l’équipe de reconnaissance se dirige vers le large de la passe en S, où le pêcheur se trouve. Ce dernier ayant perdu de vue les orques, ils craignent d’arriver trop tard. Mais après seulement vingt minutes de navigation, le “miracle” se produit sous les yeux de David Lorieux, à 17h45 : “En cinq secondes, l’orque est apparue à 20 mètres du bateau.” Un véritable coup de chance pour Denis Fabre, qui a ensuite vu un deuxième aileron à 300 mètres de sa navette. “C’est rare. La dernière fois que j’en avais vu, c’était il y a trois, quatre ans”, se rappelle-t-il. L’embarcation a suivi le groupe de femelles vers le nord pendant vingt minutes, tandis qu’elles émergeaient à gauche et à droite, pour le plus grand bonheur des observateurs. “La première qu’on a aperçue nous regardait depuis sous l’eau. On a pu voir son ventre blanc”, se réjouit David Lorieux, qui a pu ajouter un grand nombre de photographies à la base de données de Ceta’Maore.
“On était comme des fous, avec des étoiles dans les yeux”, s’émerveille Nicolas Chabot. La surprise ne s’arrête pas là pour ce dernier. Lorsqu’il observe mieux la tache oculaire blanche de l’animal, il reconnaît trois petites pointes. “J’ai reconnu l’orque, je l’avais déjà vue et prise en photo en octobre 2023”, affirme le gérant de Lagon Aventure. Pour reconnaître un individu, les scientifiques étudient en effet cette tache blanche qui se trouve au-dessus de l’œil du mammifère marin, ainsi que son aileron. Cette reconnaissance vient s’ajouter à la rareté de cette rencontre. “C’est seulement la deuxième ou troisième fois qu’on a un rematch”, explique David Lorieux, après avoir consulté Maeva Terrapon, doctorante qui étudie les orques de Mayotte. “Ça donne espoir de peut-être la revoir”, s’enthousiasme Nicolas Chabot.
Un nouveau pas pour la recherche
Les constatations continuent : cette fois-ci, la tache oculaire de l’orque était très jaune, alors qu’en 2023, elle était blanche. L’équipe d’observation en a conclu que l’individu se trouvait dans les eaux de l’Antarctique il y a seulement quelques semaines. Dans les eaux froides, les orques conservent leur peau, sur laquelle s’accumule une algue appelée diatomée qui donne cette couleur jaunâtre. Dans les eaux chaudes, les orques perdent leurs peaux mortes en quelques semaines et leurs taches retrouvent alors leur couleur blanche. Le coordinateur scientifique de Ceta’Maore a également pu enregistrer les sons des orques à l’aide de son hydrophone. “Des enregistrements clairs d’orques, il en existe peu pour le sud-ouest de l’océan Indien. Cela pourrait être une grande avancée pour la recherche”, explique-t-il. Autant d’éléments qui vont permettre de mieux comprendre le comportement encore mal connu des orques présents dans la région.
En attendant, c’est “une grande joie” pour Ceta’Maore, qui ajoute l’observation d’orques à sa collection, selon David Lorieux : “C’est la première fois que Ceta’Maore observe des orques. Ça devient la 13ème espèce observée par l’association.”
L’orque, une espèce protégée
Suite à cet événement, Ceta’Maore invite les usagers de la mer à lui envoyer toutes informations relatives à l’observation d’orques à Mayotte. En cas de rencontre, il faut envoyer un point GPS, la date, l’heure, et des photos des deux taches occulaires et des deux côtés de l’aileron, ce qui permettra d’alimenter le programme de suivi Wujua mené par Ceta’Maore. Ce projet a pour but de collecter des données sur les mammifères marins présents dans les eaux de l’archipel, à travers le travail des observateurs en mer de l’association. Toute nouvelle observation pourra aider à mieux comprendre les comportements des orques. David Lorieux rappelle néanmoins que les orques sont protégées, et que comme avec les autres cétacés de Mayotte, il faut rester à distance et ne pas se mettre à l’eau avec ces animaux sauvages.
Journaliste à Mayotte depuis septembre 2023. Passionnée par les sujets environnementaux et sociétaux. Aime autant raconter Mayotte par écrit et que par vidéo. Quand je ne suis pas en train d’écrire ou de filmer la nature, vous me trouverez dedans.