Face aux makis qui ont perdu leurs arbres fruitiers, plusieurs Mahorais ont décidé de se mobiliser pour leur distribuer des fruits, en veillant à respecter une méthode qui perturbe le moins possible leurs habitudes à l’état sauvage.
Malgré les consignes passées par les associations environnementales indiquant de laisser la nature suivre son cours il y a quelques semaines, des citoyens ont décidé de lancer une initiative pour venir en aide aux makis de Mayotte. Bien avant le cyclone, Yazidou Maandhui s’inquiétait déjà pour cet animal, dont l’habitat est menacé depuis des années par la déforestation. Alors quand Chido a soufflé le 14 décembre, réduisant les arbres fruitiers à néant, il était impossible d’attendre et de compter sur la résilience de la nature. « On nous dit de laisser leur sort à la sélection naturelle. Moi ça me fait mal d’entendre ça », indique celui qui, depuis l’Hexagone, a commencé à mobiliser et organiser des bénévoles pour distribuer de la nourriture aux makis. « Si on attend que les arbres fruitiers repoussent, il n’y en aura plus », s’inquiète-t-il.
Parmi celles et ceux qui ont entendu son appel, Warda Bacar. La jeune mahoraise, a réussi à obtenir l’aide de Carrefour afin d’avoir des stocks de bananes pour ces animaux. C’est après l’appel à la mobilisation de Yazidou Maandhui et avoir vu un maki affamé alors qu’elle participait à une distribution de repas par World Central Kitchen qu’elle a décidé de demander de l’aide au supermarché. Le dernier week-end de janvier, elle reçoit un coup de fil pour aller récupérer quatre palettes de bananes. Avec l’aide d’un déménageur qui l’avait aidée quelques temps avant et dont elle avait gardé le contact, ils partent à une dizaine de personnes récupérer les fruits pour les distribuer. « Au moment de trier les bananes, on voyait déjà des makis se jeter sur la nourriture », raconte-t-elle. Ensuite, l’équipe de bénévole est allé disperser en hauteur et au sol les fruits dans des forêts au centre et au sud de l’île, dans l’objectif que les lémuriens puissent garder leurs habitudes de cueillette sauvages.
300 grammes de nourriture par jour
« On ne comprends pas qu’on nous dise de laisser la nature suivre son cours dans ce contexte exceptionnel. Mais on est d’accord qu’il ne faut pas nourrir les makis n’importe comment », développe Yazidou Maandhui. Warda Bacar partage cette opinion : « On a fait cette distribution pour leur redonner des forces pour qu’ils puissent retourner ensuite chercher à manger par eux-mêmes. » Pour eux, les makis sont un emblème de Mayotte et doivent être protégés.
En effet, face au nourrissage de certains makis avec des gâteaux ou du riz, les associations environnementales ont tiré la sonnette d’alarme à la mi-janvier, craignant que ces animaux développent des maladies et perdent ensuite leur autonomie. S’il est décidé de les nourrir, il faut leur donner des fruits, pas à heure fixe et à des endroits différents pour éviter de donner des habitudes « domestiques » aux lémuriens. De plus, ils n’ont besoin que de 300 grammes de nourriture par jour, il faut donc éviter de leur en donner trop et qu’ils se retrouvent gavés, ce qui pourrait endommager leur système digestif. Les associations rappellent également que les makis peuvent se nourrir de feuilles, comme celles qui ont repoussé depuis Chido.
Warda Bacar entend reconduire sa stratégie, en organisant davantage la logistique cette fois, et en espérant mobiliser davantage de monde pour couvrir le secteur Nord.
Des recommandations pour préserver les forêts
Les associations environnementales, parlant d’une même voix sous l’outil de communication « Maoré a dit », ont ait un point sur les forêts après en avoir fait un sur les makis en janvier. Elles rappellent ainsi le rôles vital de ces espaces, représentant 38,6% du territoire, dans la protection contre les inondations et l’érosion, dans la disponibilité de la ressource en eau en favorisant son infiltration, dans la limitation de l’envasement du lagon et dans l’abris qu’elles représentent pour la biodiversité mahoraise. Mais avec les arbres déracinés, le feuillage arraché et les sols mis à nu par Chido, « il est crucial d’agir intelligemment pour restaurer nos forêts sans compromettre notre patrimoine naturel ! ». Elles recommandent ainsi de ne pas raser ni brûler les forêts endommagées, car cela aggrave l’érosion et accélère la destruction des écosystèmes. « Le brûlis est également interdit sur terres agricoles. Les brûlis peuvent devenir incontrôlables et incendier le bois mort et sec de la forêt », précise le communiqué des associations. Il ne faut pas non plus replanter d’espèces exotiques, car elles risquent d’étouffer la flore indigène et perturber l’équilibre naturel. Enfin, il ne faut pas exploiter les terres détruites, car certaines zones subissent déjà des cultures sur brûlis et de la production de charbon, ce qui empêche la régénération naturelle.
Journaliste à Mayotte depuis septembre 2023. Passionnée par les sujets environnementaux et sociétaux. Aime autant raconter Mayotte par écrit et que par vidéo. Quand je ne suis pas en train d’écrire ou de filmer la nature, vous me trouverez dedans.