Un point de presse a été fait, ce lundi midi, pour faire un état des lieux de la ressource en eau à Mayotte et le renforcement des messages de sensibilisation aux fins de réaliser des économies dans le geste quotidien. Gilles Cantal, le préfet de l’eau, attire l’attention sur la nécessité de poursuivre les efforts engagés par tous sur l’île pour éviter à tout prix la vidange totale des retenues collinaires de Dzoumogné et Combani.
C’est entouré de Françoise Fournial, directrice de la Société mahoraise des eaux (SMAE) et Olivier Brahic, directeur de l’Agence régionale de santé de Mayotte, que Gilles Cantal a rencontré la presse locale au grand complet ce lundi midi, dans les locaux de la préfecture de Mayotte, à Mamoudzou, pour faire un point sur la crise de l’eau dans le département. Malgré les quelques pluies tombées ces derniers jours sur l’île, la situation demeure préoccupante et la ressource peu suffisante. Les coupures d’eau de 54 heures vont se poursuivre pour permettre d’enchaîner 18 heures de distribution un jour sur trois. Une économie indispensable pour éviter un arrêt prématuré des pompages dans les retenues collinaires de Combani (remplie à 4,6% de ses capacités) et Dzoumogné (6,2%) quasiment à sec depuis plusieurs semaines. « Pour le moment, nous arrivons à fournir 25.000 m3 par jour d’une eau de bonne qualité, mais Mayotte consomme encore trop d’eau. Cette surconsommation reste pour nous un point de préoccupation très fort », relève le préfet en charge de l’eau.
Il observe toutefois que malgré ce contexte difficile, des économies importantes d’eau ont été réalisés, à savoir plus de trois milliards de mètres–cubes. Il en appelle à une vigilance absolue de toute la population car les chiffres de la pluviométrie sont encore très faibles. « Nous sommes bien loin de la situation qui prévaut en 2022, au même moment », signale-t-il. La combinaison des faibles pluies de ces derniers jours et des efforts de préservation de la ressource permet de repousser jusqu’au lundi 11 décembre la probabilité d’une vidange des retenues collinaires, une perspective que les autorités veulent absolument éviter, sachant que la saison des pluies pourrait être effective fin janvier 2024. Ainsi, parmi les importants travaux réalisés, une interconnexion permet de basculer des eaux d’une retenue collinaire à une autre, le cas actuel étant de Dzoumogné à Combani.
Pour les forages, c’est la fin des expertises à Coconi, le premier de la sixième campagne tant attendue. Cela faisait neuf ans qu’il n’y avait pas eu de forage sur l’île. Les fuites d’eau dans le réseau initialement entraîneraient une perte de 15% de la ressource et pas 30% comme il était estimé. La préfecture assure que tout est fait pour éviter un arrêt de l’économie locale, en particulier les entreprises utilisant beaucoup d’eau pour leurs activités. Elles participent cependant à l’effort global, rencontre régulièrement les autorités et sont source de propositions utiles.
De son côté, la SMAE, par la voix de Françoise Fournial, insiste sur l’importance de communiquer avec la population pour lui faire adopter les bons gestes. « Éviter de gaspiller la ressource est très important dans le contexte actuel mais également en prévision pour 2024. » Elle réaffirme que l’eau distribuée est bien potable, avec une nuance toutefois : « par mesure de sécurité, il faut éviter de la boire sans la bouillir au préalable, dans les douze heures suivant sa distribution, en raison des risques de pollution consécutifs à la détermination du réseau. Après douze heures, on ne court aucun souci, et on peut la boire sans aucune crainte ».
Réception en cours de l’usine dessalement
Autre message passé au cours de ce point de presse, celui de l’ARS qui rappelle à la population d’éviter de stocker de grosses quantités d’eau, à la fois pour préserver la ressource disponible, « les coupures de 54 heures nous permettent de gagner un bon mois de plus », mais également, « que le trop d’eau stocker constitue un risque épidémiologique important parce que ces réserves peuvent constituer des gîtes larvaires en cette période de pluies », indépendamment du fait que cette eau perdra progressivement sa potabilité. Plus importante que d’habitude en raison du manque d’hygiène due à la pénurie d’eau, la crise de gastro-entérite ne serait plus d’actualité.
Selon Gilles Cantal, les services concernés s’emploient depuis quelques jours à la mise en place une nouvelle forme de pédagogie en direction du public afin de le sensibiliser encore plus à besoin de préserver la ressource en eau. Il s’agit d’accroître la vigilance sur les actes inadmissibles et la mise en place d’un système de réaction immédiate (des nombreux cas de non-respect des arrêtés préfectoraux d’interdiction ont été notés bien que non encore quantifiés), la multiplication des inspections de prix de l’eau en bouteille et de la ressource dans les rivières.
Au chapitre des bonnes nouvelles, les travaux de forages engagés à Soulou vont permettre de bénéficier de 600 m3 quotidiens supplémentaires. Pour rappel, cette enveloppe financière était destinée à l’amélioration de la ressource, sa diffusion sur le réseau et sa préservation.
L’on apprend que les travaux conduits dans l’usine de dessalement de Petite-Terre sont en cours de réception mais font, pour le moment, l’objet des essais techniques. Elle serait en capacité de produire globalement 4.700 m3 (contre 3500 m3/j actuellement). Ce qui permettra à la Petite-Terre d’être totalement autonome en eau et de transférer le surplus donc transféré en Grande-Terre. Ces travaux prendront officiellement fin cette semaine et le réseau gagnerait en puissance dès la semaine prochaine.
D’ores et déjà, tous les quartiers de Petite-Terre, y compris La Vigie, les Badamiers et Oupi ne souffrent plus de problème de pression d’eau dans le réseau. Toutefois, il est à signaler que par mesure de solidarité avec le reste de Mayotte, la Petite-Terre restera soumise aux mesures actuelles de restriction d’eau.
La distribution générale continue
Depuis le lundi 20 novembre, 300.000 litres d’eau sont distribués quotidiennement en bouteille. De nouveaux sapeurs-pompiers sont d’ailleurs attendus la semaine prochaine pour relever une partie des 300 personnes mobilisées par l’État dans l’action de distribution d’eau et dont la base vie a été installée au port de Longoni. Il reste la possibilité de mobiliser davantage de militaires si nécessaire pour aider les différents CCAS (centre communal d’action sociale) en charge de la distribution dans chaque commune. Pour cette dernière, la règle reste d’apporter les bouteilles vides pour récupérer des nouveaux packs. La préfecture annonce que treize conteneurs de bouteilles vides ont été renvoyés dans l’Hexagone la semaine dernière. La commune de Mamoudzou procédera à une opération similaire la semaine prochaine.