Au port de Longoni, les containers remplis de bouteilles d’eau arrivent en masse sur la base vie. Sur place, ce jeudi matin, Philippe Vigier, le ministre chargé de l’Outre-mer, a constaté le fonctionnement du site, avant l’épreuve du feu, le 20 novembre, quand toute la population sera concernée par la distribution.
Comment s’organisera la future distribution ?
La base vie est déjà en place au port de Longoni. Les 18 tentes, les deux machines de désalinisation et les deux groupes électrogènes sont installés. Le lieu accueillera 77 sapeurs-sauveteurs des formations militaires de la sécurité civile (Formisc), 75 sapeurs-pompiers et 18 militaires de l’armée de Terre quand tout le monde sera là. Leur mission est déjà d’assurer la distribution de bouteilles d’eau aux écoles, mais surtout permettre celle prévue « à l’ensemble des 330.000 habitants du département de Mayotte ». Ce ne sera donc plus limité aux personnes vulnérables. « À partir du 20 novembre, toute la population mahoraise pourra bénéficier d’eau en bouteille », annonce Philippe Vigier. « Ça correspond à notre engagement qui était, pendant cette période difficile où les Mahoraises et les Mahorais n’ont pas accès à l’eau courante tout le temps pour des raisons que vous connaissez, d’être en capacité d’apporter cette eau. » Le ministre délégué à l’Outre-mer donne comme estimation « 500.000 litres distribués par jour », sous forme de packs d’eau à récupérer chaque semaine.
Dans quelles écoles s’organise la distribution ?
Elle se fait dans celles qui ne sont pas reliées au chemin de l’eau. Il y en a 123 sur le territoire mahorais. Toutes bénéficient maintenant de cuves, assure la direction de l’environnement, de l’aménagement, du logement et de la mer de Mayotte (Dealm). Toutefois, l’eau y a un usage sanitaire, d’où la livraison de bouteilles d’eau qui servent à remplir les gourdes des enfants. À Trévani, ce jeudi, les 400 élèves (200 le matin et 200 l’après-midi) ont été réapprovisionnés sous l’œil du ministre. Au total, dix écoles de la commune de Koungou sont concernées par le dispositif.
La distribution généralisée des bouteilles signifiera-t-elle la fin de celle dans les écoles ? Le débat n’est pas tranché pour des questions de logistique et de stock disponible. Le préfet de Mayotte, Thierry Suquet, est plutôt favorable au fait qu’elles soient conjointes pour ne pas prendre le risque que des élèves soient sans eau dans leurs gourdes parce que leurs familles n’ont pas pu récupérer des bouteilles.
Que faire des bouteilles une fois vides ?
En parallèle de la distribution généralisée, une autre logistique va se mettre en place. Citéo va reprendre ce que fait le centre communal d’action sociale (CCAS) de Mamoudzou, récupérer les bouteilles vides rapportées par ceux qui viennent chercher celles qui sont pleines. « C’est un énorme défi. Il ne faut pas que le lagon devienne le dépotoir des bouteilles en plastique », concède le directeur par intérim de la Dealm, Jérôme Josserand. Sur chaque futur point de distribution, il y aura un containeur pour les bouteilles distribuées et un autre pour celles jetées. Une masse de 11,6 tonnes est attendue chaque jour. Le tout sera compacté par Citéo avant d’être envoyé en métropole où trois sociétés les récupèreront. En outre, l’association Nayma augmentera ses actions de sensibilisation sur le terrain ou dans les écoles. « On en fait dans la barge par exemple », fait remarquer Galiane Lavisse, responsable d’ingénierie et de développement chez Nayma.
Va-t-on vers des coupures de plus en plus importantes ?
La capacité de production d’eau potable, une fois les retenues collinaires vides d’ici quinze jours, devrait être augmentée d’ici début décembre de 7.000 m3 supplémentaires. Un chiffre pas anodin à comparer au volume tiré chaque jour des retenues (6.000m3 à Combani et 1.000 m3 à Dzoumogné) en cette période de coupures de 54 heures. Le syndicat des Eaux de Mayotte et l’État misent ainsi sur les recherches de fuite, les nouveaux captages ou forages, l’interconnexion Petite-Terre/Grande-Terre et la fin des travaux de l’usine de dessalement de Pamandzi (+1.500m3 quotidiens) pour atteindre le niveau de production adéquat. « Vous savez très bien qu’on est liés à un sujet de météo, mais il n’est pas prévu de toucher aux tours d’eau. C’est déjà, me semble-t-il, un délai extrêmement important pendant lequel les Mahoraises et les Mahorais n’ont pas accès à l’eau. Je leur dis déjà merci pour leur résilience et leur compréhension », prévient Philippe Vigier, qui insiste sur la nécessité des nouveaux forages, avec l’annonce en outre d’« une campagne complémentaire ». Il prend comme exemple le premier forage de la sixième campagne à Coconi, le premier à Mayotte depuis 2014. « C’est 500m3 par jour en plus. Si on arrive à avoir une autre foreuse qui arrive rapidement, ça permettra d’avoir des forages. À partir du moment où je creuse et le moment où elle arrive au robinet, c’est deux mois. Alors qu’Ironi Bé [N.D.L.R. la deuxième usine de dessalement prévue en mars 2025], c’est quinze mois », continue-t-il.
Le ministre rencontre des migrants du stade Cavani
Ce jeudi midi, le ministre délégué aux Outre-mer, Philippe Vigier, s’est rendu au camp de migrants africains dans l’enceinte du stade Cavani. Il a entamé une discussion avec quelques-unes de ses habitantes. « On a demandé aux migrants qui sont là pourquoi ils sont venus à Mayotte, mais ils ne nous l’ont pas dit », résume Dhinouraine M’colo Mainty, adjoint au maire de Mamoudzou, à l’issue de cette visite. Montrer la situation de ce camp était nécessaire pour les élus présents sur place. « Aujourd’hui, la Ville de Mamoudzou n’a pas de solution pour reloger ces gens-là, ce n’est pas de notre ressort, donc il va falloir que tout le monde puisse prendre les problématiques des mahorais à bras le corps », explique l’adjoint au maire. La députée Estelle Youssouffa a également tenu à assister à la visite du ministre. « Moi, je fais pression au niveau du gouvernement pour dire : « c’est votre problème, vous les gérer, ils doivent quitter cette infrastructure »», déclare-t-elle, une fois le ministre reparti. « Des migrants en situation irrégulière, qui, pour la majorité d’entre eux, occupent une infrastructure publique au vu et au su de tous dans la capitale administrative, c’est scandaleux », ajoute-t-elle.
Si cette séquence fut brève, Dhinouraine M’colo Mainty estime qu’elle a rempli son objectif : « le ministre connaît nos doléances, la suite est dans son camp ».
Quand et comment sont payées nos factures ?
C’était une annonce de la Première ministre, Élisabeth Borne, qui date du 5 octobre. L’État s’est engagé à payer les factures envoyées aux abonnés de la Société mahoraise des Eaux quand elles concernent les quatre derniers mois de l’année. Depuis, les modalités n’étaient pas claires. « Si la facture est du mois de septembre, octobre, novembre ou décembre, il n’y a pas lieu de les payer », confirme le ministre, qui chiffre la mesure à « douze millions d’euros ». La préfecture de Mayotte ajoute que les abonnés recevront dorénavant des factures avec la mention « pris en charge par l’État », ces documents servant souvent à des démarches administratives. Si des mensualités sont déjà payées pour le mois de septembre, un avoir sera mis en place.
Le ministre présent à Mayotte, ces mercredi et jeudi, n’exclut pas non plus d’étendre la mesure au mois de janvier s’il n’y a toujours pas d’eau au robinet en début d’année.