Les trésors du lagon mahorais nourrissent la recherche scientifique. C’est le cas des cônes marins, un coquillage des fonds qui a des pouvoirs thérapeutiques et cosmétologiques importants. Des chercheurs du centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement (Criobe) et de l’Institut de Biomolécules Max Mousseron (IBMM) les étudient.
Enterré au fond de la mer, le cône marin attend tranquillement le passage de sa proie pour lui injecter son venin. « Elle est alors paralysée et le mollusque peut l’ingérer », explique Nicolas Inguimbert, professeur de chimie à l’université de Perpignan, au sujet de ces cônes de quatre à dix centimètres qui se nourrissent de vers, mollusques et poissons.
Le chercheur est membre du Criobe, le centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement. Implanté à Perpignan, celui-ci a aussi une antenne en Polynésie française et depuis 2023 à Mayotte au sein du Pôle d’excellence rurale (PER) de Coconi. Ce coquillage, dispersé dans tous les océans chauds du globe, se retrouve notamment dans l’océan Indien et le Pacifique, et existe sous plus de 1.000 espèces différentes.
Un pouvoir anesthésiant
Concernant les cônes marins, ce qui intéresse les scientifiques, c’est son venin. Celui-ci est composé de peptides, dont les constituants sont des acides aminés. « Ce sont des molécules de communication ou des hormones qui permettent la régulation des fonctions physiologiques comme la régulation de la pression artérielle et peuvent servir dans certains cas de médicaments », explique le chercheur. Il cite l’insuline comme exemple de peptide.
Alors qu’ils ramassaient ces mollusques, des humains ont pu être piqués. « Lorsqu’ils sont piqués par le Conus magus, un type de cône marin, on observe une anesthésie de la zone piquée, les gens disent par exemple, je ne sens plus ma main », relate Nicolas Inguimbert. Des chercheurs ont isolé de façon individuelle chaque peptide du venin et les ont testés, un cône peut en produire jusqu’à 100. « Parmi eux, un a été mis en évidence pour provoquer cette anesthésie, c’est le prialt. » Pour traiter les douleurs très violentes, ce peptide est 1.000 fois plus puissant que la morphine. « Il est utilisé pour les douleurs réfractaires à la morphine et contrairement à celle-ci il ne provoque pas d’accoutumance. »
Deux doctorants mahorais sur ces travaux
Désormais, la recherche continue à étudier à quoi servent tous les peptides contenus dans le venin et à comprendre lesquels pourraient être intéressants pour la santé humaine. Deux doctorants mahorais travaillent au sein du Criobe avec Nicolas Inguimbert et Sébastien Dutertre*, Yazid Souf et Zarmina Ratibou. Le premier est chargé de la synthèse des peptides et la deuxième étudie la composition du venin.
Ce dernier peut aussi être utilisé à des fins cosmétologiques, un type de peptide est notamment utilisé dans les formulations cosmétiques pour prévenir l’apparition des rides. Les peptides des venins de cônes pourraient également avoir des applications dans le traitement de certaines maladies neurodégénératives.
Créer l’institut venomique de l’océan Indien
Depuis la création d’une antenne du Criobe à Mayotte, des missions de terrain ont lieu sur l’archipel, puis les cônes sont ramenés en métropole pour les étudier. Une fois en laboratoire, les coquillages sont stimulés pour qu’ils piquent afin d’avoir accès à leur venin. Mais le voyage en avion est dangereux pour les cônes, 50% d’entre eux en meurent. « Nous aimerions avoir un lieu à Mayotte pour les mettre dans des aquariums après les avoir ramassés. Puis après avoir prélevé le venin, les relâcher dans l’océan », explique Nicolas Inguimbert qui aimerait créer au sein du PER, l’institut venomique de l’océan Indien. « L’idée, c’est d’attirer des chercheurs de La Réunion, de Madagascar, du détroit de Mozambique pour qu’on partage les connaissances et les ressources biologiques sur les cônes. »
L’institut n’étudierait pas seulement les venins de ces mollusques, mais également ceux de certains coraux ou encore celui des scolopendres. Le Criobe a d’ailleurs déposé un projet au Département qui est en cours d’examen.
* Biologiste à l’Institut des Biomolécules Max Mousseron (IBMM).
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Journaliste à Mayotte Hebdo et à Flash Infos Mayotte depuis juin 2024. Société, éducation et politique sont mes sujets de prédilection. Le reste du temps, j’explore la magnifique nature de Mayotte.