Dans la nuit de lundi à mardi, la commune d’Acoua a été violemment frappée par un orage, qui a provoqué inondations et coulées de boue. Des scènes impressionnantes qui ont notamment poussé l’évacuation de plusieurs habitations. Si une chaîne de solidarité s’est rapidement mise en place, cette nouvelle catastrophe naturelle pose la question de la résilience urbaine.
Une nuit de terreur qui aurait pu se finir en drame. Vers 1h du matin mardi, un orage d’une rare violence s’est abattu sur Acoua. « On pensait que c’était une simple pluie comme on en vit depuis quelques semaines déjà avec le Kashkazy. Mais c’était vraiment inhabituel, ça dégueulait de partout ! Heureusement que ça n’a duré que 1h30 sinon ça aurait pu très mal finir », rembobine Fofana, le rédacteur en chef du site web d’informations, Acoua info. En à peine quelques minutes, la grande majorité des quartiers, particulièrement ceux en contrebas, se sont retrouvés envahis par les eaux et surtout par les coulées de boue. « Jusqu’aux genoux », dessine d’un geste Zouhourya, venue immédiatement prêter main forte à sa famille. « Certains habitants ont tout perdu (électroménagers, ustensiles de cuisine, vêtements, etc.) et se retrouvent en très grande difficulté. »
Une catastrophe naturelle qui n’est pas sans rappeler le cyclone de 2014. « Même Hellen était moins pire », ajoute Fofana. qui évoque le pont de Mroni Popo, comme point névralgique des inondations et des glissements de terrain. « Et encore, il n’y avait pas de grande marée », précise Nafissa Bacar, la gérante de La Marine, au moment de remettre en ordre son restaurant. « Je remercie le bon Dieu, je n’ai perdu que deux ou trois chaises. » D’autres n’ont pas été aussi chanceux, comme cette voisine d’origine malgache qui gère une petite boutique dans le quartier. « Il y a tout à mettre à la poubelle, elle est dans une détresse pas possible, elle est sous le choc », raconte encore la restauratrice.
« Il ne faut pas que ce soit dans 50 ans »
Une fois n’est pas coutume, la nouvelle a fait réagir en haut lieu, dès les premières lueurs du jour. Le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, a indiqué via Facebook que « les services de l’État » étaient « mobilisés auprès des sinistrés » et préparaient « le dossier de catastrophe naturelle ». Même son de cloche du côté de la préfecture qui a annoncé le lancement, dès la finalisation des études de diagnostic nécessaires et avec le soutien financier de l’État, de travaux visant à renforcer les infrastructures de la commune afin de mieux prévenir le risque d’inondation et la requalification du site et le déplacement des habitations les plus exposées au risque d’inondation. Reste à savoir combien de temps cela prendra. « Le projet est sur la table depuis un petit moment… Encore une fois, on nous en parle, mais il ne faut pas que ce soit dans 50 ans », prévient Zouhourya.
Un mouvement de solidarité s’est tout naturellement mis en place tout au long de cette effroyable journée. « Toute la population a apporté sa contribution », souligne Said, dont l’habitation située plus en hauteur a été épargnée. « Je suis rentré dans certaines maisons pour essayer de sauver ce que je pouvais. J’ai fait de mon mieux… » Une paire de bras parmi tant d’autres. À l’image de l’envoi de 40 militaires du Détachement de la légion étrangère de Mayotte et d’une équipe du Régiment du service militaire adapté en fin de matinée pour déblayer les routes. Un renfort de poids qui s’est greffé aux services techniques des communes d’Acoua, de M’Tsangamouji et de M’Tsamboro.
Pas d’infrastructures adaptées pour reloger
Entre les voitures encastrées les unes contre les autres se pose la question du devenir de cette centaine de familles sans toit. « Il n’y a pas de relogement d’urgence. Les opérations de nettoyage font que les habitants n’ont pas souhaité aller vivre ailleurs. Soit ils restent dans leur maison, soit ils se rendent chez des proches. Contrairement à ce qu’on aurait pu craindre ce matin, il n’y a pas eu de demandes d’évacuation en masse », déroule Laurence Carval, la directrice de cabinet du préfet, sur les lieux dès 8h avec le délégué du gouvernement. Un mal pour un bien puisque la ville ne compte pas « d’infrastructures adaptées pour répondre à un tel événement, comme un gymnase », souligne Fofana.
Malgré tout, un appel aux dons a été lancé sur Internet (au moment où nous écrivions ces lignes, la cagnotte comptabilisait près de 1.000 euros). « Les familles ont tout perdu », se désole Zouhourya. Pour les épauler une cellule de crise a été installée à la mairie dans le bureau du centre communal d’action sociale pour répertorier tous les dégâts. « Même si aujourd’hui, on arrive à dégager le maximum, ça va prendre du temps pour tout nettoyer à fond. » De simples dégâts matériels qui relèvent d’un miracle à la vue des vidéos.
La résilience urbaine, l’une des priorités de la commune d’Acoua
À la suite du passage du cyclone Hellen en 2014, Acoua décidait d’intégrer dans son plan d’action 2017-2020 la notion de résilience urbaine pour ses habitants et ses biens. Une décision matérialisée par la signature en février 2019 avec l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte. Deux ans plus tard, où en est-on ? « 2020 a mis du plomb dans l’aile [à sa concrétisation] entre le Covid et l’entre deux-tours des élections municipales », confie Clément Guillermin, directeur de la stratégie et des opérations à l’EPFAM. « Nous espérions finir cette réflexion l’an dernier, mais au final, nous la terminons seulement maintenant. » L’idée majeure est de définir avec les élus en poste le schéma d’ensemble pour les 15 ans à venir grâce à une série de fiches projets et d’identifier les actions opérationnelles qui peuvent être exposées aux risques naturels.
En premier lieu : la protection des populations les plus gravement atteintes, dans les secteurs situés en bas de la commune. « Ce sont des zones où les rivières débordent. » Pour éviter un drame, il apparaît essentiel d’envisager le déplacement de certains habitants ou l’adaptation de certaines constructions pour les prémunir contre les catastrophes. Autre réflexion : la réduction de l’ampleur des phénomènes. Pour cela, il semble indispensable s’intéresser aux dégradations réalisées dans le haut d’Acoua pour le compte de l’agriculture vivrière. « Le déboisement sur le bassin versant participe à l’accélération de l’érosion des sols. Ce n’est pas uniquement la faute des caniveaux et des bouches d’égoûts. Cela se joue aussi en amont. Il y a des sites à renaturer. »