La semaine dernière, deux hommes, pris sur le fait, avouaient avoir massacré une tortue en Petite-Terre pour revendre sa chair. Pourtant, ils ont tous les deux étés relâchés pour vice de procédure. Pendant ce temps-là, le nombre de tortues tuées ne cesse de grimper depuis le début du confinement.
Regrettable retournement de situation. Mercredi matin, deux hommes comparaissaient devant le tribunal de Mamoudzou pour braconnage d’espèce protégée. La veille, ils avaient été interpellés à leur descente de la barge, après que plusieurs agents du STM aient remarqué l’odeur de putréfaction qui se dégageait de leurs lourds sacs. En cause : la soixantaine de kilos de chair de tortue qu’ils transportaient avec eux, découverts plus tard par les policiers de l’office de la biodiversité. À raison de cinquante à soixante euros le kilo vendu dans les circuits clandestins, cette viande aurait pu leur rapporter plus de trois mille euros.
Immédiatement placés en garde à vue, les deux suspects reconnaissent avoir massacré, la veille, une tortue verte venue pondre sur la plage de Papani, en Petite-Terre. Dépecée sur place, la dépouille de l’animal a ensuite passé la nuit dans un sac dissimulé dans un champs, afin d’être récupéré le lendemain. Alors que les enquêteurs soupçonnent l’existence de deux complices, les braconniers assurent avoir agi seuls et sont appelés à comparaître quelques heures plus tard. Une bonne nouvelle pour les associations environnementales qui se sont constituées partie civile, alors que depuis le début du confinement, les audiences ont été limitées.
Les témoignages sont là, les preuves aussi, pourtant, les deux braconniers présumés seront relaxés pour vice de procédure. En cause, l’absence d’un avocat pendant leur garde à vue. Un “quiproquo” selon Camille Miansoni, procureur de la République, qui pointe du doigt la suspension des activités du barreau pendant la crise sanitaire. En effet, il y a encore une dizaine de jours, “les avocats avaient suspendu toute participation à l’activité judiciaire”, rappelle le magistrat. “Or, vendredi 24 avril, la bâtonnière nous a indiqué qu’à compter de cette semaine, le barreau envisageait de reprendre.” Problème : le tableau des permanences avait été diffusé la veille, avec la mention de la suspension des activités des avocats. En conséquence, l’enquêteur en charge n’a pas reçu l’information à temps, l’officier de police judiciaire n’a pas fait la démarche de contacter l’avocat une fois les deux individus placés en garde à vue.
“On ne s’est en aperçu qu’à la fin de la garde à vue, mais entre-temps, les deux intéressés avaient reconnu les faits”, retrace encore le procureur. “La question de la garde à vue a été soulevée lors de l’audience, elle a donc été annulée”, et avec elle, toutes les auditions faites précédemment. Les aveux ne valent plus rien, le tribunal ne peut plus les utiliser. Sur conseil de leurs avocats, les jugés gardent le silence tout au long de l’audience. Dès lors, plus rien ne peut leur être reproché. Le parquet décide de faire appel, pendant que l’avocat de la partie civile suggère de nouvelles poursuites pour recel. “Ce n’est pas sans complication juridique”, répond Camille Mianosni. “Il faudrait déduire le délai de la garde à vue déjà effectuée, et vu qu’elles sont limitées à deux fois 24 heures, ça serait un peu hasardeux. Mais nous sommes aussi désolés que les associations face à l’issue de cette affaire.”
“Un permis de braconner en toute impunité”
Au sortir du tribunal, les Naturalistes de Mayotte, l’organisation Oulanga Na Nyamba et Mayotte Nature Environnement dénoncent “un permis de braconner en toute impunité”, alors que chaque condamnation pour des faits similaires dissuade, au moins pendant quelques mois, les autres braconniers d’agir. D’autant plus que depuis le début du confinement et donc la désertion des plages, la recrudescence des massacres de tortues s’observe à l’échelle de tout le département. Uniquement sur Petite-Terre, 40 de ces animaux ont été braconnés en seulement cinq semaines, dont 28 à Moya. Une plage qui, habituellement, ne compte “que” trois ou quatre braconnages à l’année, a confirmé le Remat, réseau d’échouage mahorais de mammifères marins et de tortues marines, chargé de recenser les cadavres. Et si les dépouilles qui se dévoilent à ciel ouvert sont particulièrement nombreuses sur cette plage de Petite-Terre, c’est en partie dû au retrait des agents départementaux chargés des patrouilles depuis la crise sanitaire. Mais face aux récents chiffres, la collectivité territoriale les a redéployées sur certains sites de pontes depuis le 24 avril. Ils étaient d’ailleurs présents la nuit du braconnage, mais sur une autre plage. “Il y a une vraie difficulté à couvrir l’ensemble des sites”, reconnaît le monde associatif. Pour l’heure, seules Moya et Saziley font l’objet d’une surveillance institutionnelle, pendant que les associations environnementales sont tenues de suspendre leur activité
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