Selon la CGT, depuis Paris, « on veut faire taire la classe ouvrière à Mayotte »

La grève des salariés de Bourbon Distribution Mayotte ne faiblit pas depuis le 20 juillet. Salaire minimum inférieur à celui de leurs homologues réunionnais, 14ème mois, prime de transport, égalité homme-femme, les sujets de discorde sont nombreux du côté des salariés. Les répressions aussi, à en croire un courrier transmis mardi aux ministres de l’Intérieur et du Travail par la CGT – nationale et non départementale – qui envisage même de mener une action à Paris. Secrétaire général de la fédération commerce et services, Amar Lagha évoque un véritable « scandale », à la veille d’une grève générale prévue par l’intersyndicale dans tout le territoire national, et suivi à Mayotte, ce jeudi. Entretien.

Flash Infos : Qu’est-ce qui vous a motivé, depuis Paris, à interpeller le ministre de l’Intérieur et la ministre du Travail à propos de la situation à Mayotte ?

Amar Lagha : Ce n’est pas le premier courrier qu’on leur envoie, mais le troisième ! Nous sommes régulièrement en lien avec nos camarades de la CGT Mayotte. Ils nous ont interpellés et nous avons décidé de nous entraider pour porter leurs revendications jusqu’à Paris. Depuis mi-juillet, ce qui se passe à Mayotte est un scandale. Ce que nous exigeons à travers ce courrier, c’est que le gouvernement traite Mayotte comme n’importe quel autre département français. Nous n’avons pas peur de le dire : si ce conflit avait éclaté en métropole ou sur une autre île, nous n’en serions pas là aujourd’hui. Ça aurait été réglé depuis longtemps, et largement. Mayotte ne doit pas être une zone de non-droit et la police ne doit pas y devenir une milice, ni entraver le droit de grève des salariés.

FI : En effet, votre courrier évoque une « répression virulente », des « agressions physiques et verbales de la part des figures d’autorité », des « exactions » à l’encontre des grévistes. De quoi s’agit-il exactement ?

A. L. : Nous avons reçus plein de vidéos, qui sont sur le site de la CGT et sur celui de la CGT Mayotte, où nous voyons des policiers et des gendarmes refuser de porter un masque, avant de gazer des grévistes en plein visage ou même de les frapper, nous avons les preuves ! Il y a même un camarade blessé qui a dû être évacué par le Samu au mois de juillet. Certains agents de sécurité d’une société externes s’en sont aussi pris aux grévistes, alors qu’ils n’ont évidemment pas le droit de le faire. Il y a aussi beaucoup d’intimidations : certains se sont vu mettre la pression par des membres de leurs propres familles pour qu’ils reprennent le boulot. On menace le cousin, parfois même le mari, pour que leur femme, leur mère ou leur cousine rentre à la maison au lieu de faire grève. Ce sont des méthodes dignes du XVème siècle, qui sont précisément appliquées parce que 80% des grévistes sont des femmes, des mères de famille qui se battent pour pouvoir nourrir leurs enfants. Nous prônons l’égalité homme-femme, mais quand quelqu’un demande à un homme de faire en sorte que sa femme reprenne le travail, ça pose un gros problème.

FI : Les négociations entre les syndicats et la direction sont dans l’impasse depuis deux mois. Comment, alors, la situation peut-elle s’apaiser ?

A. L. : Le préfet de Mayotte a une grosse part de responsabilité sur ce qu’il se passe. Nous sommes face à un gouvernement qui se cache derrière la distance qui le sépare de Mayotte. C’est un peu « loin des yeux loin du cœur » en quelque sorte. Il y a un taux de pauvreté très élevé, mais Mayotte n’est pas la Martinique ou La Réunion, il n’y a pas de tourisme, donc ce n’est pas une vitrine, alors nous laissons pourrir la situation ! Si vous faites une action sur les Champs Elysées, tout le monde en parlera. Mais à Mayotte… C’est malheureux, mais c’est la vérité aujourd’hui. Et ça arrange bien le gouvernement. La ministre du Travail nous a garanti que le préfet réagirait, mais je crois qu’il n’a pas bien compris ce que nous attendions de lui, c’est-à-dire qu’il joue un rôle de médiateur pour créer les conditions nécessaires à l’apaisement et au dialogue, pas comme la dernière fois où le patron et les agents de sécurité ont menacés les salariés, dont certains ont été arrêtés par la police. Ce n’est pas comme ça que nous réglerons ce conflit. Aujourd’hui, nous disons aux ministres de l’Intérieur et du Travail : « vous ne pouvez plus fermer les yeux ! » Nous ne verrons jamais en France ce que nous voyons aujourd’hui à Mayotte. Et ça, ça nous pose un gros problème démocratique. Mais nous avons beaucoup d’interrogations quant au silence du gouvernement, et nous n’allons pas passer nos journées à lui écrire. Alors nous sommes en train de réfléchir à une action devant le ministère du travail, à Paris, pour défendre la situation de Mayotte.

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