Si son grade est celui d’un colonel hors classe, il est le général des soldats du feu mahorais. Olivier Neis fête son premier anniversaire à la tête du SDIS de Mayotte, le service départemental d’incendie et de secours, le 6 avril prochain. L’occasion d’une rencontre aux airs de bilan avec celui qui a déjà passé huit années de sa vie sur l’île au lagon.
Mayotte Hebdo : Vous avez déjà passé de nombreuses années à Mayotte, entre 2008 et 2016. Ce n’est pas banal, pour un métropolitain. C’est le fait de participer à la construction de quelque chose qui vous pousse à rester ?
Olivier Neis : C’est le phénomène du hasard. Je suis censé rester à Mayotte jusqu’en 2012. Sauf qu’en 2012, Mayotte est un jeune département, et la départementalisation ne se passe pas comme ça, il faut l’écrire. Et écrire la départementalisation ne se fait pas en un jour. En tant qu’adjoint, je suis dans la préfiguration du passage de SIS en SDIS, prévu pour 2014-2015. Je me lance dans un truc, je ne vois pas le temps passer. On va écrire, alors que l’on vient juste d’ouvrir des casernes, que rien n’est palpable, la construction de quelque chose. Avec un jeune qui vient m’aider, on va planter les piquets sur les terrains et dessiner les contours du SDIS de Mayotte. Je partais de la caserne de Kawéni en voiture, et je chronométrais pour avoir une répartition judicieuse de l’ensemble des casernes. Quand nous passons en SDIS en juillet 2014, un nouveau directeur arrive, je finis ça et je m’en vais début 2016.
M.H. : L’année dernière, vous revenez à Mayotte en tant que directeur du SDIS, avec une cérémonie d’investiture grandiose, place de la République. Comment s’est passé le retour ?
O.N. : J’arrive ici début mars 2021. J’ai un avantage sur tout le monde : je sais comment il faut faire, donc je leur ai parlé à tous. Le premier jour, je débarque de l’avion, je me change, j’arrive en tenue, et je dis : « Allez, on va saluer l’équipage du VSAV qui faisait les évacuations sanitaires pendant le Covid ». J’ai été à la caserne de Petite Terre, sur le chantier, à l’hôpital, tout ça en trois heures. On barge, je m’arrête à Kawéni pour saluer, je viens au SDIS, et tout l’état-major se réunit dans la salle du Conseil d’administration, et je leur dis : « Parlez-moi, j’écoute ». Et là, j’ai eu tout ce qui n’allait pas.
MH. : Les aînés considéraient les sapeurs-pompiers comme de véritables héros, les fameux « soldats du feu ». Avez-vous l’impression que cette conception de sauveurs a changé aujourd’hui ?
O.N. : C’est un phénomène de société. Je dis toujours qu’il y a 95% de la société qui trouvent que les pompiers sont des héros. Il y a 5% qui ne s’y trouvent pas, c’est sans doute ceux qui n’ont pas eu besoin de pompiers ! Non, c’est l’image d’Épinal : le camion rouge, la grande échelle… Oui, on fait un métier difficile, mais qu’est-ce qu’un héros ? Le sapeur-pompier est toujours le métier qui a la plus grande cote de popularité auprès de la population, que ce soit en France ou ailleurs. Voilà pourquoi : quand vous êtes dans une situation difficile, face à un accident, vous pensez à qui ? Les pompiers sont le premier réflexe, parce qu’ils vont toujours vous répondre.
Nous sommes le dernier maillon de la déstructuration d’une société. En Ukraine, il n’y a plus personne dans les immeubles, mais les pompiers continuent d’éteindre le feu. Pourquoi ? Pour préserver quelque chose, parce que c’est leur job, même s’il pleut des bombes. Et c’est aussi le premier maillon. Sur un accident de la circulation, les sapeurs-pompiers vont arriver en premier, extraire la victime de sa position indélicate, l’amener sur un brancard, et passer de cette zone dite sale à la zone propre, le milieu hospitalier. Ce sont ces deux extrêmes qui font que l’on se sent bien. Ce ne sont pas des anges-gardiens, mais ils sont là s’il se passe quelque chose. Nous sommes des citoyens investis, et notre devoir est de tout tenter pour le retour à une vie normale.
Retrouvez l’intégralité de ce grand entretien dans le numéro 993 de Mayotte Hebdo.