Vendredi, la délégation Outre-mer de l’Assemblée nationale auditionnait les acteurs impliqués dans la gestion de la crise sanitaire à Mayotte. Parmi eux, les directrices de l’ARS et du CHM, le recteur, mais aussi la députée Ramlati Ali. L’occasion pour la parlementaire de regretter certaines failles apparues dès le début de la crise.
Flash Infos : Le report du confinement a été annoncé vendredi. Votre collègue, Mansour Kamardine, se positionnait contre. Vous, comment accueillez-vous cette annonce ?
Ramlati Ali : Je ne croyais pas à la date du 18 mai. Compte tenu de la circulation du virus sur le territoire et du fait que nous sommes dans la phase ascendante, cela ne me paraissait pas envisageable. Cela correspond d’ailleurs aux critères de déconfinement annoncés par le premier ministre. Je comprends la démarche de Mansour, en ce sens où, avec la poursuite du confinement, le monde économique souffre. Certes, il est moins développé qu’ailleurs, mais nos petites entreprises vont en pâtir et risquent de mettre la clé sous la porte. Sa position est donc compréhensible. Mais d’un point de vue social, de mon point de vue de médecin, je ne peux pas dire qu’il faut déconfiner alors que la circulation du virus est active. Si on ramène le nombre de cas de Covid-19 de Mayotte à sa population, le ratio est plus élevé qu’en métropole. On dit aux gens de rester confinés et ils font le contraire, alors que se passerait-il si on disait qu’il y avait déconfinement ? Ils penseront que tout est rentré dans l’ordre et que la vie peut reprendre comme avant. Rapidement, on en arriverait à une immunité parfaite, car tout le monde serait atteint par le virus !
FI : Lors de votre audition auprès de la délégation des Outre-mer de l’Assemblée nationale, vendredi, vous avez regretté un manque de coopération entre les différents acteurs du territoire en début de crise : État, conseil départemental, élus, etc. Qu’avez-vous regretté ?
R. A. : Actuellement, la coopération est claire entre le conseil départemental et l’État, et je l’applaudis. Mais au début de la crise en effet, nous n’avons pas su nous coordonner. Chacun jouait sa propre partition. Sur un petit territoire comme le nôtre, avec ses spécificités, sa pauvreté, etc., cela n’aurait pas dû se passer comme ça. Mais ce n’est pas une nouveauté.
On prend souvent l’exemple de l’organisation des distributions alimentaires, mais même au-delà, il y a eu confusion. En termes de mesures prises, j’étais par exemple persuadée que, compte tenu de la précarité de la population, le port du masque serait obligatoire dès le début de la crise, au moins pour les personnes vivant dans des habitations insalubres où la distanciation est impossible. Dès le début, j’en ai parlé aux uns et aux autres. Cela se fait aujourd’hui et tant mieux, mais c’est quelque chose qu’il aurait fallu instaurée dès le début. En le demandant tous d’une même voix – parlementaires, maires, Département et préfecture –, nous aurions pu être entendus par Paris, même si le gouvernement n’y était pas favorable. Beaucoup de députés et de membres du gouvernement sont venus à Mayotte durant cette mandature, les spécificités de Mayotte sont connues.
FI : Également, vous avez soumis l’idée que les militaires présents dans le cadre de l’opération Résilience puissent apporter leur soutien aux forces de l’ordre. Avez-vous espoir que la demande soit entendue ? L’union que vous prônez pourrait être utile dans ce cadre-là…
R. A. : Absolument. J’en ai discuté avec les uns et les autres, et je pense qu’à Mayotte, cette solution est nécessaire. Nous avions su le faire dans le cadre de l’opération Shikandra. Nous pouvons le refaire. Face à la montée de l’insécurité, il faut aller plus loin, montrer à ces jeunes que même à
Mayotte, on est sur un territoire de la République. Nous envoyer plus de gendarmes mobiles à chaque crise ? Cela ne marche pas : il y a une accalmie le temps qu’ils sont là, et puis ça repart ensuite. Il faut donc réfléchir autrement. Ces militaires sont là, ils peuvent nous aider. La demande a été faite au ministère de l’Intérieur et je sais que je ne suis pas la seule à l’avoir fait. Nous sommes trois élus de la majorité à nous être exprimés en sa faveur, le député Mansour Kamardine n’y est pas opposé non plus, et je pense que le préfet ne serait pas contre une aide de cette nature. Cela ne peut être qu’un bien pour ramener le calme dans ce territoire.
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