La ministre des Outre-mer, Annick Girardin, et le directeur général de l’agence française de développement, Rémy Rioux, ont lancé lundi l’initiative “Outre-mer en commun”. Dotée d’un milliard d’euros, elle doit permettre aux territoires ultramarins de faire face à l’urgence sanitaire et à la crise économique liées au Covid-19, ainsi que de préparer un plan de relance durable. Yves Rajat, directeur de l’AFD à Mayotte, détaille le dispositif et ses implications pour le territoire.
Flash Infos : Sur ce milliard d’euros, comment sera décidé la somme attribuée à chaque territoire ultramarin ? De combien va pouvoir bénéficier Mayotte ?
Yves Rajat : Il n’y a pas de répartition a priori. Il s’agit en réalité de fonds disponibles a minima, et que l’on pourra ajuster pour répondre aux demandes. Le fait est que certaines géographies sont plus en attente que d’autres, je pense par exemple aux collectivités du Pacifique. C’est pourquoi nous avons d’ores et déjà accordé un prêt d’un montant de 240 millions d’euros à la Collectivité de la Nouvelle-Calédonie. On parle là d’une somme importante, ce qui est rendu possible avec la garantie de l’État. Pour le reste, nous ne pouvons pas tellement dire que nous allons donner tant à tel acteur, mais nous attendons plutôt de recevoir des demandes spécifiques. S’agissant de Mayotte, c’est encore une géographie différente. On l’a vu d’ailleurs avec la dernière note de l’Insee. L’activité économique de Mayotte a sensiblement moins diminué que celle des autres territoires ou au niveau national : -18 % ici, contre plutôt -28 % à La Réunion, ou en Guyane par exemple. Certes, cela s’explique surtout par un facteur structurel, car les services non marchands, qui ont moins été touchés par la crise, pèsent deux fois plus lourd à Mayotte. Et cela ne veut pas dire que nous sommes à l’abri d’une détérioration du climat social. Mais du côté des collectivités en tous cas, la situation sera moins grave ici qu’autre part. Aucune n’a pour l’instant fait de demande de report d’échéances, d’ailleurs, alors que nous le leur proposons ainsi qu’aux entreprises auxquelles nous avons octroyé des prêts dans le cadre de la crise du Covid-19.
Il n’en demeure pas moins que sans mesures de soutien, en réponse aux conséquences financières de la crise liée au Covid-19, les collectivités mahoraises seront exposées à des difficultés de trésorerie* importantes et à une contraction de leur capacité d’autofinancement. Toutefois, compte tenu de la nette amélioration, au cours de ces dernières années, de leur situation financière, seules quelques communes devraient se retrouver sans capacité suffisante d’autofinancement. Pour vous donner une idée, avant la crise, elles devaient avoir une capacité d’autofinancement autour de 10 à 15 %, et aujourd’hui après la crise elles vont peut-être tomber à 4 ou 5 %. Seule une minorité tombera à 0 %. C’est en quelque sorte une petite touche d’optimisme dans cette crise qui nous fait face.
FI : Il y a bien une annonce qui concerne Mayotte dans le communiqué sur l’initiative “Outre-mer en commun” : l’expérimentation, dès le second semestre 2020, d’un dispositif de prêt de préfinancement du fonds de compensation de la TVA (FCTVA) pour les communes. Comment fonctionnera ce dispositif ?
Y. R. : Il s’agit d’une extension d’une offre que nous proposons depuis déjà deux ans et demi à Mayotte, le prêt de préfinancement de subvention européenne ou d’État, et qui a justement permis aux communes de consolider leur trésorerie ces dernières années au profit du paiement des avances et factures des entreprises concernées. Ce produit a connu un franc succès, nous en avons réalisé
une centaine aujourd’hui. Et avec l’initiative “Outre-mer en commun”, nous souhaitons l’étendre au FCTVA. Comme vous le savez, bien que Mayotte ne soit pas soumise à la TVA, elle bénéficie de ce fonds de compensation pour soutenir l’investissement des collectivités. Seulement, cet apport financier n’arrive que deux ans après, et fait donc défaut en matière de trésorerie l’année de la réalisation des travaux. Grâce à notre prêt de préfinancement, les fonds arriveront dès l’année concernée par les travaux, ce qui permettra de limiter les problèmes de trésorerie des collectivités, frappées actuellement de plein fouet par la baisse de l’octroi de mer et les dépenses supplémentaires liées à la crise comme l’achat de masque, de gels ou encore la distribution de colis alimentaires. En tout, ce sont potentiellement 25 millions d’euros d’avance de trésorerie qui pourront être mis à disposition des 17 communes de Mayotte. Ce nouveau produit devrait être pleinement disponible à partir du mois de septembre.
FI : Avec plus de 1.600 cas de contaminations au Covid-19, la tendance est toujours à la hausse à Mayotte. Les ressources du CHM, seul hôpital face à une population de plus de 270.000 habitants nourrissent les inquiétudes, tandis que l’ARS peine à contenir les deux épidémies – dengue et coronavirus – qui frappent le territoire. Dans ce contexte, quel rôle peut jouer l’initiative “Outre-mer en commun” ?
Y. R. : L’initiative porte sur l’urgence sanitaire et économique actuelle. Ensuite viendra un plan de relance durable. Cela va du soutien aux plateformes régionales comme la Croix Rouge, à une meilleure coordination sur des enjeux transfrontaliers, avec les Comores en ce qui concerne Mayotte, par exemple. Un accent est aussi mis sur les réseaux régionaux de surveillance épidémiologiques, pour anticiper l’arrivée d’épidémies telles que celle que nous traversons. Nous avons d’ailleurs déjà pu apporter un financement supplémentaire, d’un montant de 2 millions d’euros sur le projet Réseau de surveillance et d’investigation des épidémies (RSIE), au titre de la gestion de cette crise. Porté par la Commission de l’océan Indien (COI), ce projet vise à mettre en place le renforcement de la capacité de suivi de diagnostic et de prise en charge, et faciliter la transmission d’informations importantes au bénéfice des États membres, de La Réunion et de Mayotte. Ces réseaux de surveillance sont un point clé dans la gestion de l’urgence sanitaire. L’initiative va permettre de faciliter les projets qui vont dans le sens d’un meilleur suivi de l’épidémie. Et nous nous tenons aussi prêts pour participer au plan national de désendettement des hôpitaux lancé par l’État en vue de redonner aux grands établissements ultramarins des capacités d’emprunt pour leur modernisation et le renforcement notamment de leur dispositif de réponses aux pandémies et épidémies. Au niveau du CHM justement, si l’État annule une partie de la dette de l’hôpital, cela permettra d’augmenter la capacité d’autofinancement de l’établissement. Nous savons qu’il y a des besoins majeurs et nous nous tenons à la disposition du CHM pour le financement le moment venu de son projet médical d’établissement voire apporter une contribution technique et financière aux besoins d’expertise dont il pourrait avoir besoin notamment dans la finalisation de sa stratégie d’investissement. Mais nous restons dans un rôle d’accompagnement des politiques publiques. Cela sera au CHM d’exprimer ses besoins.
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