Octobre rose : « Quand j’ai entendu le médecin, je cherchais un endroit où pleurer »

Selon l’Organisation mondiale de la Santé, moins d’1% des hommes dans le monde serait touché par le cancer du sein. Dhinouraini Mbae dit « Ngouv », un musicien mahorais, en est guéri depuis 2002. Portrait.

« Je veux témoigner, je veux dire aux hommes que ça existe ! », interpelle Dhinouraini Mbae dit « Ngouv ». Lunettes de soleil sur le front, short en jean, sous un tee-shirt délavé, ce Mahorais cache une cicatrice. Elle recouvre la partie gauche de sa cage thoracique. Car, il y a 22 ans, le musicien a subi l’ablation de sa poitrine. Dans un hôpital de Marseille, le cinquantenaire a été opéré du cancer du sein, un fait rare. Selon l’Organisation mondiale de la Santé, 1% des hommes serait touché par ce cancer. Autour d’une cannette d’Orangina, il a accepté de revenir sur son parcours.

« Ngouv » est né à Chembenyoumba, dans la commune de M’tsangmouji, en 1974. Passionné de musique, il a arrêté sa scolarité en primaire. Son sobriquet qui signifie « force » en shimaore lui vient d’une anecdote. « Dans ma jeunesse, j’étais un peu costaud. Un jour, j’avais réussi à porter sept enfants sur mon corps. J’ai fait quelques pas. Je suis tombé et j’ai eu droit à ce surnom », explique-t-il amusé.

« Je n’avais plus espoir de rester vivant »

Alors qu’il est parti vivre à Marseille en 1999, il ressent un jour une douleur. « J’avais un sein plus gros que l’autre, mais sur le gauche. J’avais mal, c’était très aigu. » Il décide de consulter son médecin traitant. Le Mahorais n’apprécie pas la taille de sa poitrine et souhaite l’extirper. Son médecin généraliste l’oriente auprès l’hôpital privé Vert Coteau à Marseille. « Là-bas, ils m’ont opéré, ils ont enlevé une petite boule. Ils m’ont recousu et je suis parti. » Cet échantillon appartenant à son corps sera analysé par les services de l’hôpital. Le patient est rappelé sur son téléphone 48 heures après l’opération. Le patient retourne immédiatement à l’hôpital où il apprend la nouvelle. Il est atteint d’un cancer du sein. « À ce moment-là, je n’avais plus espoir de rester vivant », déclare-t-il. « Quand j’ai entendu le médecin, je cherchais un endroit où pleurer. Je n’ai pas eu ce temps, une femme africaine qui avait tout entendu est venu me parler, je n’entendais pas ce qu’elle me disait. Mais on a fini par rire et j’ai tout oublier, donc je n’ai pas eu le temps de pleurer » ; confie-t-il.

Cinq jours après cette annonce, les médecins l’opèrent une seconde fois : « Aujourd’hui, ça va, je suis complètement guéri » dit-il satisfait. Sa dernière victoire : s’être affranchi du regard des autres. « Au début, je n’osais pas aller à la plage, je ne voulais pas enlever le haut, je me suis demandé : jusque quand j’allais me cacher comme ça ? Alors je m’en suis libéré. Ça fait partie de ma vie », réalise-t-il. Revenu à Mayotte, il y a deux ans, « Ngouv » savoure. Le père de famille est devenu musicien, oubliant la maladie au son de la guitare. « J’aurais pu ne plus être là, c’est un coup de chance, mon médecin n’en savait rien, l’hôpital non plus », fait remarquer celui qui n’a en tête que ses futurs concerts désormais.

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Journaliste, aussi passionné par les paysages de Mayotte que par sa culture. J’ai toujours une musique de rap en tête.

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