Manque d’eau à Mayotte : “Nous ne sommes pas encore tirés d’affaire”

Ces trois jours de pluie intense marquent-ils l’arrivée de la saison des pluies et nous permettent-ils, de fait, d’être rassurés quant à une éventuelle pénurie d’eau ? Pas tout à fait, nous répond Laureynt Floch, le directeur de l’antenne locale de Météo France. Si plusieurs signaux tendent vers une entrée dans les normes, “ce n’est pas pour autant que nous allons pouvoir rattraper notre retard”, explique-t-il.

Flash Infos : Avec les épisodes de fortes pluies que nous avons pu observer ces derniers jours, peut-on enfin dire que la saison des pluies tant attendue a signé son arrivée ?

Laurent Floch : La saison des pluies débute de manière plutôt arbitraire. Nous pouvons grossièrement dire qu’elle commence en octobre et se termine en avril. Mais en réalité, nous ne pouvons pas vraiment dire qu’il y a exactement deux saisons à Mayotte. Il y a un effet de seuil et donc une intersaison. Chez Météo France, nous considérons que la véritable saison de recharge court plutôt sur les trois mois de janvier, février et mars. Et ces trois mois là sont encadrés par deux intersaisons. En ce moment, nous nous inscrivons donc dans l’intersaison du printemps austral. Et nous ne pouvons pas dire que nous soyons entrés dans la saison des pluies malgré l’épisode de précipitations relativement intéressant que nous avons connu ces derniers jours.

FI : Ces pluies ne seraient donc pas un épisode qui aurait tendance à s’inscrire dans la durée et qui permettrait d’éloigner le spectre de la pénurie d’eau ?

L. F. : Il s’agissait véritablement d’un épisode. Ce sont près de 100 millimètres qui sont tombés sur l’île ces derniers jours, ce qui correspond à la moyenne annuelle de ce mois. Il est donc tombé en trois jours ce qu’il pleut en moyenne sur le mois d’octobre. Mais c’est un épisode orageux, il y a certaines années où cet épisode passe à côté de l’île et d’autres, comme celle-ci, où il vient s’abattre sur cette petite terre dans ce bassin de l’océan Indien qu’est Mayotte. Nous avons eu de la chance mais les prochains jours seront beaucoup plus secs. Nous nous trouvons dans la période de la pluie des mangues pendant laquelle il n’y a rien d’étonnant à voir des petits épisodes pluvieux mais a priori, nous n’observerons rien de comparable avec ce que nous avons connu ces derniers jours. Nous ne sommes pas du tout dans le Kashkazi installé comme nous pourrons vraisemblement l’être au mois de janvier.

FI : L’inquiétude est donc toujours de mise quant aux réserves d’eau ?

L. F. : Nous attendons tout de même une saison beaucoup moins sèche que ce que nous craignions il y a encore quelques semaines. Certains paramètres sur lesquelles nous nous appuyons, comme le dipôle de l’océan Indien – qui était alors dans une tendance fortement négative, ont tendance à revenir vers la normale. Ce qui concorde avec nos prévisions saisonnières qui donnent les trois derniers mois de l’année plutôt vers la normale. Nous ne devrions donc pas être sur une année exceptionnellement sèche, mais nous ne sommes pas pour autant tirés d’affaire. La terre est sèche, les végétaux ont soif et ces deux éléments vont d’abord se servir au passage. Nous avons eu de la chance d’avoir une centaine de milimètres, néanmoins, pour que les pluies soient efficaces, il faut que les sols aient été préparés par des pluies comme celles-ci. Il faut attendre trois à quatre semaines pour que les sols soient prêts à accueillir des pluies efficaces.

FI : L’inquiétude est moins prégnante mais nous ne sommes pas encore tirés d’affaire, c’est en substance le message que vous livrez aux autorités qui supervisent la gestion de l’eau ?

L. F. : Tout à fait. Ce n’est pas parce que nous sommes dans une saison normale que nous allons pouvoir rattraper notre retard. C’est la première chose. La seconde c’est que l’efficacité des pluies est moins grande sur un sol qui est assoiffé comme c’est encore le cas. Ils boivent donc une grande partie de ce qui tombe et les bassins versants ne vont alors pas tout rendre au niveau des différentes retenues. C’est normal mais cela veut dire que nous ne pouvons pas nous appuyer sur ces premières pluies. Il ne faut donc pas crier victoire, loin de là. Et je ne crois pas du tout que ce soit le message de la préfecture.

FI : Il y a un mois de cela, l’inquiétude était grande du fait de la tendance négative que prenait le dipôle de l’océan Indien mais aussi par so association aux effets du réchauffement climatique. Si cette première donnée semble se stabiliser, qu’en est-il de la seconde ?

L. F. : La saison ne sera pas obligatoirement différente cette année, mais cela n’empêche pas que les signaux du réchauffement climatique soient bien là. Nous allons, de manière générale, vers un assèchement du dernier trimestre de l’année. Comme il y a une variabilité interannuelle très forte, il n’est pas étonnant de voir de la pluie cette année comme nous pouvons grandement en manquer d’autres années. C’est une moyenne qui montre une tendance vers l’assèchement. Il faut faire une différence entre les moyennes et les observations sur une saison, c’est d’ailleurs la différence entre la climatologie et la météorologie

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