M. Kamardine : 43 questions au gouvernement pour ne plus dire « On ne savait pas »

Entre le 18 août et le 6 octobre, le député LR Mansour Kamardine a posé une ribambelle de questions aux 43 membres du gouvernement Castex. Par cette action, le parlementaire met les ministres et les secrétaires d’État devant leurs responsabilités. Tous seront amenés à se pencher sur la situation de Mayotte, puisque tous les sujets sont abordés : social, travail, santé, éducation, enseignement supérieur, écologie, économie, développement, infrastructures, justice, armée, culture, famille, enfance, agriculture, collectivités, eau, Europe, entreprises, relations internationales, sécurité, immigration, port, logement… Débriefing. 

Flash Infos : En un mois et demi, vous avez interpellé les 43 membres du gouvernement. Cela ressemble à une véritable prouesse parlementaire, même si à ce jour, seul le ministre de la transition écologique vous a répondu… Pourquoi les avoir tous sollicités ?  

Mansour Kamardine : D’abord, il faut savoir qu’en tant que député, nous avons un quota de questions à poser chaque année. J’ai donc utilisé ma liberté de parlementaire ! Les sujets posés sont extrêmement importants et participent à l’édification de Mayotte dans la France. Je souhaitais réaliser cette démarche pour sensibiliser chaque ministère à l’existence de Mayotte. Contrairement à ce que nous pensons, Mayotte n’est pas très connue à Paris, certains ministres oublient l’existence du 101ème département par moment… C’est une action de sensibilisation. L’esprit général qui a justifié le dépôt de ces 43 questions était de faire en sorte qu’aucun membre du gouvernement ne puisse dire : « Ah, je ne savais pas ». J’ai horreur de cette expression !

Après, bien sûr que j’aurais aimé que les réponses viennent assez vite. Autant le député a la liberté de poser les questions, autant le gouvernement a la liberté de répondre dans un certain délai… Souvent, les sujets de notre territoire sont méconnus, donc le gouvernement cherche à comprendre et à instruire la question pour apporter des réponses concrètes. Je ne peux pas encore crier au loup alors qu’ils sont dans les délais.

FI : Certaines de vos questions reviennent régulièrement sur le devant de la scène, à l’instar de la construction des écoles et du dimensionnement de la base navale à Mayotte. N’avez-vous pas le sentiment de parler dans le vide lorsque vous évoquez l’île aux parfums ? N’y a-t-il pas la possibilité de fédérer davantage votre groupe parlementaire pour appuyer vos revendications ?

M. K. : Si j’étais fatigué, je ne me serais pas engagé dans cette bataille. Si je me suis présenté, c’est pour continuer l’action de nos aïeux. Mayotte est française parce qu’elle est perspicace et qu’elle a des convictions. Je ne suis que le prolongement des revendications de mes prédécesseurs. Je suis totalement engagé et déterminé pour faire entendre la voix de Mayotte, j’ai été élu pour cela. Et j’assume cette charge jusqu’en juin 2022 !

Je ne suis pas dupe, quand nous regardons ce qui a été fait, il est des questions où le gouvernement répond tardivement, expliquant que telle ou telle chose n’est pas envisageable chez nous. Mais à force de conviction et de détermination, nous arrivons à nos fins. Quand j’ai interrogé le gouvernement sur le rectorat de plein exercice, il a été décidé de sa création trois mois plus tard. Idem pour l’Agence régionale de santé et la piste longue. Aujourd’hui, le gouvernement nous demande de réfléchir sur le bilan de la départementalisation. Je ne désespère pas qu’avec cette réflexion, la priorité sera mise sur les chantiers structurels que nous connaissons tous ! Il ne faut pas se désarmer au premier rejet, il faut toujours remettre le pied à l’étrier.

Concernant mon groupe parlementaire, vous n’avez pas été sans remarquer que des collègues ont pris la parole en mon nom lorsque j’ai été testé positif au Covid-19. J’ai cette fierté d’appartenir à un groupe qui soutient Mayotte dans sa quête vers une intégration plus importante.

FI : Selon vous, quels ministres peuvent réellement faire bouger les choses et avoir un impact concret et immédiat sur le territoire ? 

M. K. : Le ministre participe à une action gouvernementale, mais il est vrai que nous pouvons en avoir certains plus engagés et qui ont un poids plus important que d’autres. Je pense, par exemple, aux ministres de l’Intérieur et des Outre-mer. Ils ont une sensibilité politique un peu plus prononcée que leurs précédesseurs. Il y a un espoir, en espérant qu’il ne soit pas déçu… Après, est-ce que le gouvernement entendra les appels unanimes des élus, notamment sur l’affectation de la dotation de fonds européens qui nous est due, à savoir 850 millions d’euros, pour les investissements de Mayotte ? Si le gouvernement accepte de remettre l’autorité de gestion au conseil départemental, nous sentirons une volonté de sa part d’associer les Mahorais dans un esprit de co-construction. Et à ce moment-là, nous placerons les élus devant leurs responsabilités et leurs électeurs. Si l’État accepte de mettre la même somme, nous financerons assez largement ces infrastructures qui permettront de nous asseoir dans le positionnement géographique qui est le nôtre et qui est envié par tout le monde. Nous avons un certain nombre d’hommes politiques au gouvernement qui peuvent nous appuyer. Nous verrons à l’acte parce qu’il n’est pas question de donner un chèque en blanc !

FI : L’attaque du commissariat de Champigny a fait la Une de tous les journaux nationaux. Dans le même temps, de nouveaux affrontements entre bandes rivales se déroulaient à Passamaïnty et Doujani, provoquant des blessés graves et des évacuations sanitaires. N’est-ce pas un aveu de l’abandon de l’État à Mayotte ? 

M. K. : Complètement ! En réalité, Mayotte est devenue française par réfraction. Donc nous n’avons pas senti de 2012 à aujourd’hui une véritable volonté de prendre en compte l’effet départemental à Mayotte. Nous ne pouvons pas imaginer que tous ces actes de violence ne soient pas portés à la connaissance des ministres… Quand la métropole subit un dixième des violences que nous connaissons ici, un ministre se déplace immédiatement ! Peut-être faudra-t-il attendre des morts pour les faire réagir… En attendant, des Français, qui sont des citoyens sur un territoire de la République, sont victimes chaque jour. Nous sommes en droit de nous poser beaucoup de questions ! Ils peuvent ignorer ces faits de violences pour nous décourager. Mais les Mahorais continueront à s’accrocher, comme une moule à son rocher, à la France, notre patrie et notre Nation, car nous avons fait ce choix multiséculaire. Nous considérons être Français, nous ne sommes pas de ceux qui ont deux nationalités.

L’exemple de la tenue des Assises de la sécurité au mois de novembre montre qu’il y a une espèce d’évolution des rapports entre l’État à Mayotte et les élus mahorais. Après son élection, Ambdilwahedou Soumaïla, le nouveau maire de Mamoudzou, a repris à son compte cette proposition que j’ai défendu pendant un an et demi et le préfet a reconnu sa pertinence. Nous pouvons aussi pointer son courage pour interdire la vente à la sauvette. Hier, c’était une mesure inimaginable. Aujourd’hui, tout le monde la salue ! Il faut absoluement que les élus acceptent d’assumer leurs responsabilités aux côtés de l’État pour voir si celui-ci nous accompagne derrière…

FI : Le Garde des Sceaux a par ailleurs annoncé sa volonté de visiter le 101ème département avant la fin de l’année. Celui-ci a proposé que les délinquants soient pris en charge par l’armée. Serait-ce une bonne nouvelle pour lutter contre la recrudescence de la violence selon vous ?

M. K. : Il nous faut un vrai plan de développement de la justice à Mayotte, avec la création d’une cour d’appel et d’un véritable palais de justice. Mais aussi la nomination de magistrats suffisamment expérimentés. Je n’ai pas reçu d’information concernant son éventuelle venue. Plusieurs signaux forts ont été envoyés ces derniers jours, avec la condamnation à six ans de prison ferme du patron de la brigade anti-bac et l’arrestation de trois individus en réponse aux affrontements du week-end dernier. Il faut persister dans cette direction ! Voire même aller encore plus loin et les envoyer à la prison de Koki pour exécuter leurs peines. Cela ferait réfléchir leurs pairs qui ne craignent pas de se faire incarcérer au centre pénitencier de Majicavo…

Quand je repense à Mayotte il y a une cinquantaine d’années, nous n’avions rien. Pourtant, nous n’avons pas versé dans la délinquance car nous avions des parents responsables. Quand nous commettions une faute, tout le village pouvait nous le reprocher. Aujourd’hui, il faut que les parents assument leurs responsabilités. Nous ne pouvons pas imaginer un gamin de 13 ans errer dans les rues à 22h… Le préfet a crié sur tous les toits qu’il allait reconduire aux frontières les parents dont les enfants ont commis des violences. Je n’en ai pas encore vu les résultats ! Il faut arrêter avec les discours et agir. Nous avons besoin d’un centre d’éducation pour mineur. Il faut réfléchir au développement de la capacité d’accueil du RSMA. Mais nous ne réglerons jamais le problème de la délinquance tant que nous n’aurons pas résolu le problème des flux migratoires. Dans l’accord-cadre de juillet 2019 signé avec l’Union des Comores, il est prévu un dispositif de reconduite des mineurs auprès de leurs familles. Il faut que cette action se mette en place très rapidement.

 

 

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