Loi Mayotte 2 : « La convergence sociale, c’est la volonté de tout le monde »

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Patronne des Transports Baltus, Carla Baltus est la présidente du Medef (Mouvement des entreprises de France) de Mayotte).

Alors que les syndicats souhaitent que la convergence sociale soit incluse dans la loi Mayotte et effective dès 2026, la présidente du Medef, Carla Baltus, revient sur les efforts qui devront être faits par les entreprises. Pour elle, une convergence rapide ne pourra pas se faire sans un accompagnement fort de l’État.

 Flash Infos : Comment travaille actuellement le Medef (Mouvement des entreprises de France) de Mayotte sur la question de la convergence sociale ?

Carla Baltus : On a été au ministère des Affaires sociales, avec des techniciens que nous avons rencontrés concernant les études d’impact. Actuellement, on essaye de suivre ces études, les propositions. On fait nous-mêmes des propositions. Le 22 avril, au Medef, on a fait un séminaire des adhérents. Donc nous avons tous pris conscience collectivement, collégialement, qu’il était important de faire des efforts pour atteindre cette convergence. Nous avons jusqu’à 2036 pour atteindre cette dernière, mais nous avons tous pris conscience depuis un moment que c’était trop lointain. On comprend les salariés qui ont hâte d’une convergence beaucoup plus proche, en 2026 (voir par ailleurs). C’est pour cela qu’au Medef, on a toujours prôné une date médiane, 2031. Maintenant, si on a tous les accompagnements nécessaires, on fera tout pour l’atteindre à la date la plus proche.

F.I. : Vous parlez de propositions. Quelles sont-elles ?

C.B. : Les annonces fortes qu’on voudrait faire, sans forcément donner de dates, c’est de voir tous ensemble comment rattraper le Smic en net. Je dis bien en net, c’est important de le préciser. Car l’aligner en brut aujourd’hui n’aurait aucun sens, puisque nous ne cotisons pas comme à l’extérieur. Il faut aussi garder une relative progression, car demander des efforts aux entreprises du jour au lendemain provoquerait une inflation sur tout le territoire. Car les prix risquent de suivre les salaires. Cela reviendrait certes à augmenter les salaires, mais le pouvoir d’achat, lui, pourrait diminuer. Il faut éviter cette inflation macro-économique.

F.I. : La question des retraites est également importante dans la voie de la convergence sociale. Que propose le Medef sur ce point ?

 C.B. : On est totalement conscient qu’il faut faire un gros effort sur les retraites. Il faut voir comment imaginer les retraites pour les salariés d’aujourd’hui, car pour les salariés du passé, c’est trop tard. Il faut imaginer pour un jeune, ou quelqu’un qui vient de l’extérieur et qui cotisait jusque-là normalement, et qui voudrait venir à Mayotte, comment il pourrait mieux cotiser pour dans dix, vingt, trente, quarante ans. On doit aussi aborder le sujet des retraites complémentaires, car la retraite tout court, ce n’est pas suffisant. C’est important pour les salariés de Mayotte d’avoir les retraites complémentaires pour qu’ils puissent aussi bénéficier de la solidarité nationale pour toucher des minima de retraite. Donc on va avoir des réunions là-dessus bientôt.

F.I. : Quels efforts sont en capacité de faire les entreprises ?

C.B. : Tout ça est conditionné bien sûr aux aides, à l’accompagnement de l’État, comme on l’a toujours dit. Notamment en maintenant le CICE (N.D.L.R. crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi), ça c’est très important. Et non seulement en le maintenant, mais en le révisant. Aujourd’hui on a des exonérations de charges patronales, donc c’est important de maintenir ces dispositifs, mais le souci est que c’est un dispositif qui s’applique aux bas salaires, donc dès que vous décrochez du 1,4 Smic, vous perdez toutes les exonérations de manière très rapide. Cela veut dire qu’il faut pouvoir exonérer les salaires plus élevés que le salaire minimum, puisqu’on va déjà faire des efforts pour l’augmenter. Là, ça nous ferait entrer dans un autre dispositif, LODEOM (N.D.L.R. Loi pour l’ouverture et le développement économique de l’Outre-Mer), qui permet d’avoir plus d’exonérations de charges patronales. Il faudrait que Mayotte l’adopte puisqu’il peut aller jusqu’à 2,7 Smic dans les zones d’activité renforcées, comme en Guyane. Cela permettrait aux entreprises de rapidement rattraper l’alignement des charges, des plafonds sociaux pour que les gens puissent toucher leur retraite, le chômage, etc. Et d’autre part, augmenter les salaires pour atteindre le Smic en net au niveau national. Donc c’est toute cette équation-là qu’il faut résoudre. Il faut qu’on arrive à trouver un juste milieu, la bonne formule, les bons ingrédients pour permettre aux entreprises d’avoir des salaires « gelés », où, in fine, ça ne leur coûterait pas beaucoup parce qu’elles auraient beaucoup d’accompagnement.

F.I. : Les syndicats souhaitent que la convergence soit mise en place avec la loi Mayotte, le plus rapidement possible, en 2026. Ces derniers ont l’impression que l’Etat écoute davantage le patronat que les salariés. Que leur répondez-vous ?

 C.B. : J’ai déjà entendu un syndicaliste dire qu’on pouvait aller au-delà de la date de 2026 pour certains sujets. C’est pour ça que nous, on maintient qu’on est à l’écoute des salariés, car quand on dit qu’on veut faire des efforts pour augmenter rapidement le Smic en net, ce n’est pas incohérent avec ce qu’ils demandent. Ils disent 2026. 2026, c’est demain. Après, nous, on le propose en 2027. Si les accompagnements de l’État permettent de vraiment faire un effort avant 2027, pourquoi pas, on ne va pas s’y opposer. On demande un maximum d’efforts pour que nous puissions faire mieux. Il faudra aussi que les salariés comprennent que, quand on va tout aligner, eux aussi devront faire un effort. Car dans les dispositifs d’exonérations de charge, ce sont toujours des charges patronales. Est-ce qu’ils sont prêts à sacrifier 200 à 300 euros pour cotiser pour leurs droits ? C’est pour ça que je veux faire une réunion début juin avec toutes les organisations syndicales, salariales et patronales. Il faut mettre sur la table tout ce qui n’existe pas à Mayotte, et qu’on priorise les choses. Il faut prendre tout l’environnement en compte, l’impact de l’insécurité sur les dépenses des entreprises aussi. Par exemple, certaines entreprises doivent payer des gardiens pour leur chantier, ce sont des frais. C’est pour cela qu’on a alerté le gouvernement, car on nous demande de faire des efforts, mais les entreprises à Mayotte en font déjà beaucoup. La convergence sociale, c’est la volonté de tout le monde. Il y a des choses qu’on pourra faire plus vite que d’autres, comme le Smic : on ne va pas attendre 2031, mais on ne pourra pas faire tout, tout de suite, car l’État ne prendra jamais tout en charge.