Faire exister l’État à Mayotte

Thierry Suquet, préfet de Mayotte, est arrivé sur l’île alors qu’elle fêtait les 10 ans de sa départementalisation. Surpris par l’ampleur de la tâche, le délégué du gouvernement défend toutefois le bilan de l’État à la tête du tout jeune département, appelant également les Mahorais à plus de recul et de patience.

Flash Infos : Voilà quelques mois que vous êtes arrivé dans le plus jeune des départements français. Que connaissiez-vous de Mayotte et quel a été votre sentiment lors de vos premiers jours ici ?

Thierry Suquet : Ce n’est déjà plus si récent, puisque cela fait cinq mois, et ça compte obligatoirement beaucoup dans la vie d’un préfet. Avant d’arriver, j’ai fait le tour de toutes les personnes que j’ai pu rencontrer. Je suis passé dans les cabinets ministériels à Paris, pour y voir des gens qui connaissaient Mayotte. On m’a fait beaucoup de descriptions, et j’ai constaté en arrivant qu’il y avait un diagnostic assez juste. Ce que l’on m’avait expliqué à Paris est ce que j’ai retrouvé : le climat d’insécurité et de violence, mais aussi les enjeux économiques, et les problèmes de satisfaction quant au logement et à l’eau. Donc je n’étais pas étonné de ces aspects.

Ce qui m’a étonné, même si j’étais préparé, c’est l’ampleur de ces phénomènes à Mayotte, de l’immigration irrégulière, des défis. Ce que je retiens aujourd’hui, c’est que l’on est confronté à chaque fois à des problèmes de masse que l’on ne perçoit pas nécessairement quand on est en métropole. C’est pour cela que j’encourage aujourd’hui beaucoup de missions de voyageurs à venir nous voir, car je pense que même si l’on a une connaissance livresque, ce qui était mon cas, ça ne peut pas refléter la réalité tant que l’on n’a pas mis les pieds sur l’île.

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FI : Nous avons fêté en 2021 les 10 ans de la départementalisation de l’île. Que diriez-vous aux Mahorais, alors que certains d’entre eux se sentent délaissés par l’État français ? Dans une lettre ouverte, l’ancien élu Issihaka Abdillah parle même d’immobilisme…

T.S. : Il faut que l’on regarde les choses avec sérieux et objectivité. Les engagements de l’État, ce sont 269 millions d’euros investis en 2021. Nous sommes présents sur tous les champs d’intervention, en compagnie du Conseil départemental. Nous avons d’ailleurs signé un avenant au contrat de convergence, ajoutant 200 millions d’euros supplémentaires. C’est le signe très fort de l’engagement de l’État à Mayotte.

L’État est présent dans tous les domaines. Et si l’on prend la crise sanitaire liée au Covid, on met 118 millions d’euros sur le fonds de solidarité, 84 millions sur les prêts de l’État, et entre 28 et 29 millions de compensations de l’activité partielle. Mayotte est l’un des départements les plus aidés dans ce domaine. Donc l’État est là.

Ensuite, nous sommes dans un département jeune, à qui l’on demande de faire en 10 ans ce qui a été fait en deux siècles en métropole et un peu plus rapidement dans les départements et les régions d’outre-mer. Effectivement, le décalage est difficile à combler. Mais ce n’est pas parce que l’État abandonne les Mahorais, mais à cause de l’ampleur de la tâche. Je le disais au début de notre entretien, ce qui est frappant à Mayotte, c’est la masse. En métropole, une ville de 20 000 à 40 000 habitants construit un groupe scolaire de 12 classes dans un mandat, et c’est le fait de gloire du maire. À Mayotte, on demande aux villes de même taille de faire la même chose chaque année.

Je dis donc aux Mahorais : Regardez ce que l’Etat fait, regardez comme on progresse. Véritablement, lorsque l’on voit la croissance de l’économie, on se dit que l’on progresse très vite, et qu’on a du mal à prendre conscience de cette progression.

Retrouvez l’intégralité de cet entretien exclusif dans le prochain dossier du Mayotte Hebdo de ce vendredi 24 décembre.

 

269 millions de l’Etat à Mayotte en 2021

Les écoles : 140 millions d’euros

Le logement : 47 millions d’euros

La mobilité : 28 millions d’euros

L’eau : presque 20 millions d’euros

La formation : 17 millions d’euros

L’université : 6,5 millions d’euros

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