Étudiants mahorais en métropole : organiser le soutien aux plus fragiles

Dans un courrier, un collectif de six psychologues mahorais appelle les institutions locales et d’État à agir de manière collégiale pour prévenir la fragilité de certains étudiants natifs de l’île en métropole. Une fragilité qui conduit parfois à des situations dramatiques. Mohamed Zoubert, directeur de la délégation de Mayotte à Paris, explique ce qu’il en est.

Flash Infos : Dans un courrier envoyé aux autorités locales et étatiques de l’île, un collectif de six psychologues demande que celles-ci se réunissent et réfléchissent ensemble pour prévenir l’isolement que connaissent certains étudiants mahorais en métropole. À l’origine de cette initiative : le décès d’une jeune femme dans son appartement situé en résidence universitaire, la semaine dernière. Que pensez-vous de leur demande ?

Mohamed Zoubert : Une précision pour commencer : la jeune femme qui est malheureusement décédée ne s’est pas suicidée comme initialement envisagé, mais est décédée de mort naturelle. Cela a été confirmé par les résultats de l’autopsie en début de semaine. Des examens complémentaires sont faits pour déterminer si elle avait le Covid ou pas. Si ce n’est pas le cas, son corps pourra être rapatrié, sinon cela sera difficile. Par ailleurs, cette jeune femme avait de la famille dans la région, elle n’était pas si isolée. J’en profite d’ailleurs pour adresser mes condoléances à sa famille.

En ce qui concerne la lettre ouverte, ce collectif en avait déjà rédigé une. C’est une bonne chose que des citoyens prennent à bras le corps ce sujet qui émeut tout le monde et qui est évidemment bouleversant. Mais au-delà de l’émotion, nous sommes tous responsables de cette problématique d’isolement. Et les parents, la famille, le sont aussi d’une certaine manière. Il est donc bon d’interpeller les institutions et les associations, mais il est important d’interpeller aussi les parents.

FI : Cette question de l’isolement revient souvent. Qu’est-ce qui doit être amélioré pour limiter ce phénomène ?

M. Z. : En ce qui concerne le Département de Mayotte, il déploie énormément de moyens consacrés aux aides directes, mais aussi à d’autres soutiens financiers et en termes de ressources humaines dans l’Hexagone. Nous avons 20 à 25 agents ici, payés par le conseil départemental au service des étudiants, une dizaine de médiateurs académiques, deux autres postes qui vont être ouverts sous peu à Dijon et à Lille, ainsi que les agents de la délégation qui sont, eux aussi, au service des étudiants, dont des assistants sociaux.

Le Département s’appuie également sur le tissu associatif, et il subventionne la Fédération des associations mahoraises de métropole (FAMM). C’est une chance, car ce tissu est très actif et très bien organisé, même le ministère des Outre-mer l’a remarqué. Les associations participent à leur manière à accompagner l’ensemble de nos compatriotes mahorais, mais surtout nos étudiants.

Nous avons aussi d’autres relais institutionnels : les Crous, des établissements scolaires et d’autres organismes publics. Ce sont des moyens déjà existants et conséquents. Il ne faut donc pas faire de surenchère en les augmentant encore. Il faut désormais que l’on se pose, tous les acteurs comme le souligne le collectif – publics, associatifs, mais aussi la société civile –, afin que nous nous posions les bonnes questions pour trouver les bonnes solutions. Peut-être faut-il redéployer les moyens qui existent, les corriger, les adapter ? Oui, mais je ne pense pas, en ce qui me concerne, qu’il faille créer encore d’autres structures, il y en a déjà. Il faut s’appuyer sur ce qui existe et se poser, encore une fois, les bonnes questions : que se passe-t-il pour nos jeunes ? Il nous faut mener une réflexion pour comprendre ce phénomène nouveau.

FI : Pour améliorer, par exemple, l’organisation des services et du réseau déjà existants ?

M. Z. : Améliorer le réseau, oui, ainsi que la façon de travailler de l’ensemble des acteurs. Mutualiser nos informations et mieux coordonner nos actions pour être plus efficients et disposer d’un relai plus rapide dès qu’on a un signalement. Il faut mettre en place un process pour fluidifier notre action, car, je le répète, les moyens sont là. L’État dispose de services, le Conseil départemental s’investit aussi, les associations également.

D’ailleurs, je salue l’action de ces dernières dans le cadre du Covid. C’est un travail énorme, et elles se mobilisent bénévolement. Elles ont par exemple distribué plus de 2.000 paniers-repas aux étudiants, les ont accompagnés, etc.

FI : Comment peut agir la délégation ?

M. Z. : Les élus sont très conscients de cette problématique et sont demandeurs de solutions. En ce qui nous concerne, nous avons commencé depuis le début d’année à faire une enquête. Nous travaillons sur le terrain, avec les médiateurs académiques, les associations, etc. Pas plus tard que mardi, j’ai eu une longue réunion avec mes collègues de la FAMM et eux aussi sont en train de faire cet exercice. Nous devons nous revoir dans une dizaine de jours pour faire un premier état des lieux. Il nous faut comprendre ce phénomène d’isolement, assez nouveau, comprendre ce qu’il se passe.

Ensuite, il faudra associer tous les acteurs évidemment, ainsi que les parents et les familles. Le sujet est très complexe et implique diverses problématiques. Nous y travaillons déjà, et nous devons continuer à le faire à nous asseyant ensemble autour d’une table.

Il faut aussi sensibiliser les parents : beaucoup ne souhaitent pas que leurs enfants fréquentent des structures associatives mahoraises. C’est une erreur, car nous avons constaté que ceux qui le faisaient réussissaient plus que ceux qui s’isolent, et que le taux de réussite dans les villes où ces associations sont actives est plus important qu’ailleurs. J’en profite donc pour lancer cet appel aux parents et aux étudiants qui vont venir à partir de l’année prochaine : prenez contact avec ces associations. Elles vont vous accompagner, vous aider à vous insérer dans votre ville, à prendre des repères. J’ai rencontré des étudiants timides à leur arrivée, et parfaitement épanouis quelques mois plus tard. Et il ne faut pas hésiter non plus à les contacter à la moindre difficulté.

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