La coupe est pleine pour le président du Crefom qui dénonce le peu de considération dont ferait preuve l’État à l’endroit des territoires d’Outre-mer. À tel point que Daniel Dalin et son conseil représentatif des Français d’Outre-mer organisent ce samedi à Paris une manifestation dans l’espoir de voir le regard du gouvernement changer. Ce qui, à l’entendre, ne sera pas une mince affaire tant le « mépris » serait profondément ancré.
Flash Infos : Pourquoi avoir décidé d’organiser cette manifestation ? Quel en est l’objet ?
Daniel Dalin : Ce n’est pas dans la nature du Crefom de mettre les gens dans la rue. Pourtant, année après année, événement après évènement, mépris après mépris, il n’y avait plus d’autres choix. Il y a cependant bien eu un élément déclencheur avec la fermeture de France Ô qui a nous a poussé à organiser cette mobilisation du 28 septembre pour exprimer notre colère face au manque de considération que l’on oppose aux Outre-mer. De manière générale, on observe que la France est en train de finasser sur les principes républicains qui devraient être le socle des territoires d’Outre-mer comme d’ailleurs.
Il y a nécessairement un parallèle à faire avec la Guyane qui est confrontée à un phénomène migratoire d’ampleur sous le regard presque passif des autorités. Très peu ou trop peu est fait pour endiguer le phénomène. Globalement, on retrouve, exception faite des pénuries d’eau, les mêmes problématiques à Mayotte et en Guyane. En Martinique et en Guadeloupe, s’il y a également des similitudes, on fait surtout face à des problématiques sanitaires majeures avec l’arrivée des sargasses sur lesquelles il n’y a aucune politique de santé digne de ce nom. S’ajoute à cela la problématique du chlordécone. Tout le monde sait que la Martinique et la Guadeloupe sont les champions du monde du cancer à cause de cela. Nous, au Crefom, ne sommes pas dans une problématique de réparation, c’est le rôle d’autres associations. Mais nous sommes là pour questionner. Quelles politiques de dépollution ont été mises en place par l’État ? Niet. Quelle politique de dépistage ? Niet. Quelles réparations pour les cultivateurs atteints de chlordécone ? Rien.
Si les problèmes ne sont pas les mêmes, on voit bien que dans tous les cas, l’État ne prend pas ses responsabilités comme il le ferait pour des territoires métropolitains. On assiste à une volonté de nous rendre invisibles. Voilà ce qui nous exaspère et qui nous a poussé à organiser cette première manifestation. Je le dis d’ailleurs d’emblée : ce ne sera pas la dernière. Nous réitérerons l’opération jusqu’à ce que le gouvernement nous entende et nous propose quelque chose de sérieux.
Mayotte Hebdo : Quelle est selon-vous, la cause du sous-investissement chronique dans les Dom ? Est-on face à des relents de l’histoire qui a lié ces territoires et la métropole ?
Daniel Dalin : Ce sous-investissement chronique, effectivement, atteste d’une posture. Postcoloniale ou néocoloniale, comme vous voulez. Car finalement, outre ce que l’histoire a écrit, qu’est-ce qu’une colonie ? C’est un territoire qui à moindre frais apporte les richesses à la métropole. C’est aujourd’hui le cas en matière de biodiversité et en espaces maritimes. Toute la richesse de la biodiversité française est dans les DOM, toute sa puissance maritime est portée par les Outre-mer. Pourtant, on ne fait rien, on refuse de mettre en place des politiques valables pour tirer vers le haut ces territoires. Nous sommes donc là, aujourd’hui, pour dire qu’il va falloir désormais compter sur nous.
Ça ne peut plus durer. Nous ne resterons pas invisibles plus longtemps. Quand on nous dit que nos ancêtres c’étaient les gaulois, qu’est-ce que cela veut dire pour la jeunesse des DOM, connectée au monde entier ? Le résultat est que ces jeunes vont déboulonner des statues. Car toute l’histoire nationale officielle ne correspond pas à la réalité des Outre-mer et de leur histoire, de leur vécu. Rien n’est fait pour que cette jeunesse, et à plus forte échelle ces populations, se sentent partie intégrante de la nation et de son histoire. Cette intégration, la France ne l’organise pas et cela peut conduire les peuples à se détacher, s’organiser, et potentiellement conduire à l’explosion. Oui, ça risque d’exploser. Mais pour l’éviter, nous sommes là, républicains, là pour travailler avec l’État. Encore faut-il que l’État nous entende.
Mayotte Hebdo : Comment expliquer que les Outre-mer soient si mal entendus ?
Daniel Dalin : Le président, dès son arrivée au pouvoir, a oublié les choses qu’il nous avait promises. Là où ça ne va pas, c’est qu’aucun de ses conseillers en charge des Outre-mer n’est spécialiste de ces territoires. Ils ne les connaissent pas, ils y sont peut-être allés dans des conditions très favorables comme en préfecture, mais ils ne connaissent pas le vécu des populations de Mayotte, de Guyane ou de Martinique. En plus de cela, la cooptation est la règle dans leur milieu. Quand ils partent, au lieu de mettre un Ultramarin qui pourrait attirer l’attention du gouvernement sur des sujets concrets, on remet quelqu’un hors-sol. Il y a bien eu Marc Vizy, sous François Hollande, qui connaissait les Outre-mer par cœur pour y avoir vraiment vécu. Pour le coup, il tenait le « cap Outre-mer ». Et pourtant, malgré sa présence, on a pu assister à un détricotage complet de la loi Égalité réelle en Outre-mer que le Crefom avait initié. Elle a été tout simplement vidée de son contenu par l’État avec la complicité de quelques élus de la représentation nationale pourtant issus des DOM.
L’entretien est à retrouver en intégralité dans la prochaine édition de Mayotte Hebdo.
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