Il a du talent et des idées novatrices qui font la renommée de Mayotte sur le plan national. « Midzo Fly », le dernier concept inventé par Soiyiff Mzé a été primé à Paris par l’Agence Innovation Transport (AIT). Bagages, colis, paquets sanitaires, tout pourra être livré directement aux clients à leurs propriétaires via des moyens de transport appropriés.
Déjà lauréat du « trophée de l’innovation » en août 2023, organisé par l’Agence du développement et de l’innovation de Mayotte (Adim), Soyiff Mzé marque à nouveau un grand coup avec un nouveau projet, « Midzo Fly », qui lui vaut une reconnaissance nationale. Fort de son premier exploit, il a répondu à un appel à projet national lancé par l’Agence Innovation Transport (AIT), regroupant différents services de l’État tels que la direction générale de l’aviation civile (DGAC), la direction de l’environnement, de l’aménagement, du logement et de la mer (Dealm), le ministère de la Transition écologique, pour ne citer que ceux-là. Une candidature qui s’inscrit dans le programme « Propulse » de cette agence. Le manque de disponibilité en matière de transports, et plus spécifiquement de transport de bagages pour les voyageurs, a donné au jeune homme l’idée de concevoir un projet de desserte à l’échelle de tout le territoire. Ce qui n’est pour l’instant n’est qu’un projet sur le papier pourrait se matérialiser d’ici la fin 2024, et vient d’être primé à Paris la semaine dernière, dans la catégorie « multimodal », par les plus hautes autorités de l’aviation civile française, faisant la fierté de son porteur, de ses soutiens et du délégué à Mayotte du ministère chargé des transports.
« Revenu de métropole récemment, je me suis trouvé très chargé à l’aéroport de Pamandzi et contraint de faire appel à un membre de ma famille pour venir m’aider sur place », explique Soiyiff Mzé. Si elle n’est pas traumatisante, cette expérience n’en demeure pas moins un sujet d’interrogations diverses et variées dans l’esprit du jeune homme qui a trouvé anormal qu’un passager ne puisse se déplacer d’un point A (l’aéroport) vers un point B (domicile), ou inversement sans que cela ne soit une véritable contrainte. Certes, des moyens de transports sont disponibles à l’extérieur de l’aérogare (bien qu’il ne s’agisse pas de transports en commun), « mais ici, il fait tellement chaud que la moindre petite valise à la main devient source de transpiration, les roulettes commencent à casser sous les innombrables trous qui marquent la chaussée. C’est de là que m’est venu l’idée de mettre en place un système palliatif au profit de nouveaux arrivants à Mayotte », fait remarquer Soiyiff Mzé. Il rajoute : « en me penchant sur le problème des embouteillages sur l’île, j’ai constaté que tout le monde prenait sa voiture pour aller chaque fois au même endroit, aux mêmes heures pour aller récupérer des personnes générant au passage des blocages sur des routes non extensibles, perdant deux à trois heures en cherchant à prendre la barge ». Il a longuement poursuivi sa réflexion sur cette situation pour arriver à la conclusion que le transport des bagages était la principale source de difficultés pour les personnes désireuses de prendre l’avion.
S’adapter au contexte local
Il lui a paru évident que la récupération des leurs bagages et colis – par une tierce personne – permettrait aux voyageurs (épuisés par dix heures de vol entre Paris et Dzaoudzi) de se libérer de tous tracas pour se rendre plus vite à leur domiciles ou lieux de travail avec l’assurance que leurs effets leur seront livrés plus tard. Le dispositif imaginé à travers ce projet « Midzo fly » repose sur le principe de dépendre au minimum de la route pour gagner du temps. « Il existe de nombreuses possibilités pour cela sur l’île, notamment le lagon très peu exploité en termes de circulation de personnes et de biens. C’est aussi le cas pour l’aérien où il n’y a personne. Ce que je prévois de mettre en place c’est un transport multimodal. En fait, en fonction des commandes de mes clients, je saurai comment procéder et combien de temps cela va me prendre pour livrer les colis, bagages et autres. Il s’agira de recourir au moyen de transport le plus adapté (pas forcément le plus rapide), drones (plus de cent kilos), barques dédiées, des vélos cargo facilement utilisables sur les pistes cyclables en zone urbaine et qui ont le grand avantage d’être électroniques et donc non polluant ».
La préservation de l’environnement est un élément remarquable et séduisant dans ce projet. Pour les déplacements sur route, il est programmé une mutualisation de véhicules hybrides et électroniques. « Notre objectif est vraiment de rester dans le propre en sortant autant que possible de cette dépendance aux axes routiers. Au port de Longoni, il y a chaque semaine plus de vingt véhicules importés. Certes, on ne peut empêcher personne de s’acheter une voiture, mais à un tel rythme, Mayotte ne va pas tarder à connaître de sérieux problèmes de pollution de l’air. On peut se féliciter de l’arrivée prochaine des transports en communs avec le Caribus pour l’agglomération de Mamoudzou et Dembéni, mais il y a la Petite-Terre et les autres régions de la Grande-Terre qui nécessitent une réflexion et des solutions pour leurs cas spécifiques. »
La capacité du projet mahorais à être transposé sur d’autres territoires, régionaux, nationaux et même à l’international fut un élément incontestable dans sa sélection par le jury de l’Agence Innovation Transport. En effet, si Mayotte est un terrain pilote pour tester ce principe de transport multimodal, « Midzo Fly » peut parfaitement prendre forme ailleurs, à Madagascar ou en Tanzanie, d’autres pays d’Afrique centrale partageant des difficultés de transport de marchandises similaires à notre île. Il appartiendra alors au jeune prodige mahorais de monter des partenariats efficaces avec des ressortissants de ces pays, « tout un consensus d’entreprises et de porteurs de projets qui nous permettront de partir un jour à l’export si nous le décidons, tout en sachant que le but principalement recherché est une adaptation à l’environnement local en réponse à un besoin de transport », précise avec fierté Soiyiff Mzé.
Un exemple pour les jeunes Mahorais
Pour émerger, le projet « Midzo Fly » a bénéficié localement d’un accompagnement important signale Christophe Boquen, le délégué à Mayotte de la direction générale de l’aviation civile (DGAC). L’ex-préfet de Mayotte, Thierry Suquet (qui a été séduit par la qualité, l’analyse et le talent du projet), la Dealm, le cluster aérien, l’Adim et Mayotte In Tech l’ont également assuré de leur soutien. Celui-ci est poursuivi jusqu’à Paris où Feyçoil Mouhoussoune et Christophe Boquen ont assisté à la remise du prix à Soiyiff Mzé par Denis Thuriot, maire de Nevers et Président du jury intermodalité et multimodalités du programme Propulse de l’Agence Innovation Transport (AIT).
« Outre cette remise de prix, il va pouvoir participer à un atelier de travail durant lequel il lui sera expliqué le déroulé de l’accompagnement dont il va bénéficier jusqu’à la réalisation de son projet. L’AIT ne lui accordera pas de soutien financier directement, en revanche, des conseils gratuits lui seront apportés pour structurer son projet sur le plan administratif, professionnel et technique. Par exemple, s’agissant des drones, le type précis adapté à ce projet Midzo Fly, ou encore le type de vélo cargo et les autres moyens de transports terrestres », souligne le délégué de l’aviation civile à Mayotte. Il forme le vœu que l’exemple de Soiyiff Mzé soit suivi par un grand nombre de jeunes Mahorais, pour faire émerger parmi eux des idées et des talents susceptibles d’être présentés chaque année au programme Propulse de l’AIT. Pour cela, les différents services engagés dans cette dynamique entendent œuvrer pour inciter au moins une candidature locale chaque année.