Un premier pas pour le tourisme mahorais, ou un énième coup d’épée dans l’eau ?

L’hémicycle du conseil départemental accueillait, mardi matin, une séance plénière. À l’ordre du jour, la relance de l’aquaculture, l’étude des comptes administratifs de l’année passée et surtout, la première étape du schéma régional de développement du tourisme et des loisirs à Mayotte. Si la théorie semble désormais acquise, à voir ce qui suivra dans la pratique. Et rien n’est encore gagné.

« Je crois qu’il manque encore une vraie stratégie », souffle Issa Issa Abdou, vice-président du conseil départemental, sous le toit de l’hémicycle Younoussa Bamana. Mardi matin, plusieurs dizaines d’élus de la collectivité étaient réunis en séance plénière pour voter, notamment, l’adoption du schéma de développement du tourisme et des loisirs à Mayotte. Un dossier qui a nécessité une pleine année d’études, de diagnostic et d’élaboration. L’objectif : créer 150 chambres d’hôtels supplémentaires d’ici cinq ans, et 1.000 nouveaux lits sur les dix prochaines années. Autrement dit, doubler l’offre déjà disponible, et mettre l’accent sur la création d’établissements trois étoiles, au standing international. Rien que ça.

Mais pour développer l’offre touristique, encore faut-il que les touristes soient attirés par la destination Mayotte, ce qui, comme personne ne l’ignore, est loin d’être le cas aujourd’hui. Alors, le schéma régional de développement, une stratégie imposée par la loi NOTRe, adoptée en 2015, mais que Mayotte n’avait à ce jour jamais élaborée, repose sur plusieurs piliers : l’aménagement du territoire avec une appropriation « stratégique » du foncier, une denrée locale rare ; la création d’un observatoire départemental du tourisme ; le développement de la formation autour des métiers du tourisme pour qu’ils deviennent un métier d’avenir aux yeux des jeunes mahorais ; la mobilisation de tous les acteurs et un accompagnement professionnel et financier « fiable », selon les mots de Moiyegue Zoubert, qui s’est fait, mardi matin, le porte-voix du service développement touristique, au sein de la direction du développement économique et de l’innovation du conseil départemental.

Appâter les gros poissons

En 2017, le tourisme ne pesait que 2 à 4 % dans le PIB total de Mayotte, faisant du secteur « un tourisme confidentiel », comme n’a pas manqué de le rappeler Moiyegue Zoubert. Les voyageurs affinitaires représentent à ce jour et à eux seuls 70 % des visiteurs qui atterrissent sur le sol mahorais, les 30 % restants étant essentiellement constitués de touristes d’affaires. C’est pourtant cette seconde catégorie que le conseil départemental entend attirer un peu plus, puisqu’elle incarne un public « plus dépensier », donc largement plus consommateur.

Mais comment dépenser alors que l’offre de loisirs et de service n’en est – depuis des années – qu’à ses balbutiements ? Pour répondre, la collectivité territoriale ne manque pas d’idées : renforcer le « parcours clients », notamment sur la côte est et dans le centre de l’île, via la plongée sous-marine, les sports de plein air et un « plan plages » coconstruit avec les intercommunalités, à qui revient depuis peu cette compétence ; développer la concurrence pour désenclaver le territoire, notamment sur le plan aérien et accentuer le marketing autour de l’image de Mayotte sont autant de pistes qui ont été égrenées, sous le portrait de Younoussa Bamana, dans l’hémicycle du conseil départemental. « Cela pourrait aussi permettre de développer le tourisme pour les locaux, et permettre de mettre en place des excursions pour les croisiéristes et les touristes d’agrément », glisse au passage Moiyegue Zoubert. « L’objectif n’est en aucun cas de viser le tourisme de masse, mais il y a une vraie occasion à saisir avec le projet gazier dans le canal du Mozambqiue », complète à son tour Ben Issa Ousséni, 7ème vice-président du conseil départemental, en charge du développement économique et touristique.

Sur le papier, les idées ne manquent pas, mais les moyens d’action pour les mettre en place semblent, eux, encore chimériques à ce stade. Dans l’assemblée, un élu se lève : « Je souhaiterais que l’on puisse mettre en place un comité de suivi de mise en œuvre du schéma de développement ! », suggère l’homme sous son masque, pendant que ses voisins hochent discrètement la tête en signe d’approbation. Si la remarque n’a pas obtenu de réponse claire, tous les élus ont voté, à l’unanimité et sans abstention aucune, l’adoption de ce schéma régional. Comment ce plan se traduira-t-il concrètement ? L’avenir nous le dira, ou pas.

De l’aquaculture aux finances, d’autres rapports adoptés

Plusieurs autres rapports ont été adoptés dans la même matinée. Parmi les ordres du jour, le schéma régional de développement de l’aquaculture, qui devrait permettre d’attirer plus d’exploitants industriels notamment, et de mieux organiser la logistique sur terre concernant la douzaine de sites fraîchement recensés pour relancer la filière. Puis, changement de domaine, avec la présentation du rapport relatif aux comptes administratifs de l’année passée. Un bilan jugé « positif » par les élus, satisfaits d’annoncer que le Département était en train « de sortir de la situation de crise financière dans laquelle nous étions depuis plusieurs années ». Dans le détail, la collectivité enregistre 306 millions d’euros de recettes de fonctionnement (dont la moitié correspond à des dotations de l’État) pour plus de 200 millions de frais de fonctionnement. Au total, 2,3 millions d’euros, générés par l’octroi de mer, ont été transféré aux communes de l’île, qui affiche un excédent d’investissement de 51 millions d’euros. « Nous avons des marges disponibles pour aller vers de nouveaux emprunts », ont estimé les conseillers départementaux qui ont tout de même fait état de « facteurs de faiblesse », comme les 45 millions d’euros de créances non remboursées. Concernant les dépenses imprévues liées à la crise sanitaire, « elles seront remboursées par les fonds européens », a assuré le président du conseil, Soibahadine Ibrahim Ramadani.

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