UMIH 976 : entre les violences et la crise sanitaire, un monde économique qui suffoque

Par la voix de son président Charles-Henri Mandallaz, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie de Mayotte (UMIH 976) tire la sonnette d’alarme. Les récents événements de violences qui ont frappé l’île et plus particulièrement deux établissements touristiques sont la goutte d’eau pour le secteur CHRD (cafés, hôtels, restaurants et discothèques), déjà rudement éprouvé par les mesures sanitaires liées à la Covid-19. Entretien.

Flash Infos : Deux agressions ont eu lieu le week-end dernier sur des clients d’hôtel, à Sakouli et au Jardin Maore de N’gouja; Quelques semaines plus tôt, c’est l’hôtel Trévani qui subissait des violences. Assiste-t-on là à un nouveau phénomène dans les violences qui frappent l’île ?

Charles-Henri Mandallaz : Plus aucun lieu ne bénéficie de passe-droit. Ces actes de violence ont d’abord visé les résidences personnelles des gens, ensuite les entreprises ont eu droit à leur lot de visites et maintenant, les établissements touristiques n’y échappent pas. D’abord Trévani, visé par une intrusion sur site avec des menaces. Ensuite ces agressions préoccupantes sur deux autres sites avec des blessures sérieuses. Ce week-end, il faut dire qu’il y a eu un vrai cumul dont les réseaux sociaux se sont fait l’écho et sur lequel nous déplorons a contrario le silence de la presse. Ce silence médiatique interpelle notre profession. Nous aimerions que ce sujet devienne le sujet numéro 1. Encore aujourd’hui, en pleine journée, on entend que des bandes rivales s’affrontent entre M’Tsapéré et Mamoudzou. C’est tout le temps, H24, et c’est intolérable pour un département français. Nous n’entendons pas négocier la sécurité, quel qu’en soit le prix, elle nous est due.

Il faut aussi arrêter de se mentir. C’est vrai qu’il y a quelques temps, on pouvait avoir la sensation que tout cela relevait du ressenti. Parce que Mayotte, c’est petit. Parce que tout le monde se connaît, que nécessairement, les nouvelles vont vite. Ce n’est plus le cas. Il faut aussi arrêter de jouer sur les mots : nous n’avons pas affaire à des actes d’incivilité, quand on assène un coup de chumbo à la figure de quelqu’un c’est un crime. Une étape a été franchie. Cela fait une vingtaine d’années que je suis à Mayotte et c’est vrai qu’on a toujours eu comme consigne d’éviter de se rendre seul à certains endroits, comme la plage de Soulou. Maintenant, vous avez des agressions au mont Choungui, à Saziley, au lac Dziani, à la plage du préfet… Aujourd’hui dès que l’on veut se rendre d’un point A à un point B, c’est toute une expédition. Alors les gens ne veulent plus sortir.

FI : Vous l’avez dit, le climat pour cette rentrée est pour le moins tendu. En plus des violences, la crise sanitaire fait planer des doutes sur la reprise des activités. Quel impact cela a-t-il sur votre profession ?

C-H. M. : Le contexte sanitaire pèse bien sûr sur la profession. Mayotte reste en orange, pour des raisons que nous avons du mal à comprendre. Et tout cela a un impact direct puisque de nombreux établissements ne peuvent toujours pas ouvrir ou conservent des interdictions. Les discothèques sont encore fermées, les soirées dansantes interdites. Ajoutez à cela les problèmes liés aux tests Covid, les histoires de septaine ou de quatorzaine à en perdre le fil, les documents à sortir pour effectuer le moindre voyage… Résultat, les séjours s’annulent les uns après les autres. Tout le monde tourne au ralenti forcé, avec au mieux 50% de son activité. Certains de nos adhérents ont cette petite chance d’être conventionnés avec des agents de l’État ou de la gendarmerie, qui assurent un minimum de remplissage. Mais quand vous ne pouvez pas faire le moindre événement, concert, séminaire ! Bien sûr que l’enveloppe du chiffre d’affaires s’amenuise. Nous n’avions donc vraiment pas besoin des images auxquelles nous avons eu droit ce week-end. La clientèle, pourtant forcée à la sédentarité pendant ces vacances 2020 un peu particulières, n’a pas envie de revenir au vu du contexte sécuritaire et nous ne l’avons pas retrouvée, même déconfinée. Quand vous voyez ce qu’on récolte avec un week-end entier de violences entre Majicavo et Kawéni, on ne peut pas vraiment lui en vouloir.

FI : Face à cette situation, quelles solutions envisagez-vous, à l’UMIH 976 ?

C-H. M. : Le gérant de l’hôtel Trévani avait déjà adressé un courrier à la préfecture pour signifier cet événement et dire que la situation était devenue intolérable. Nous lui avons emboîté le pas à l’UMIH début août pour lui apporter notre soutien et rappeler que toutes nos structures étaient susceptibles d’avoir à faire à ce genre d’événements déplorables. Enfin, hier, nous avons adressé un courrier à la Présidence de la République et aux directeurs de cabinet des ministères de l’Intérieur, de la Justice et des Outre-mer pour leur signifier ces derniers états de fait. Et lancer un appel au secours, tout bonnement. Nous n’avons pas encore de réponse, mais nous les attendons de pied ferme. Nous ne sommes pas des décideurs politiques, nous sommes des citoyens qui aimeraient avoir un peu de tranquillité, et des chefs d’entreprises qui souhaiteraient pouvoir évoluer dans un climat serein pour se développer sur le moyen et le long terme. Or, rien n’est moins sûr. C’est une volonté politique qu’il nous faut. Nous n’allons pas nous mettre tous à assurer notre propre sécurité, à devoir payer des services de gardiennage, que sais-je ! L’État est le garant de la sécurité sur l’île, il doit rétablir l’ordre républicain avec des solutions pérennes, pas des dispositifs de quinze jours. Et cela passe d’abord par une réponse sécuritaire pour permettre à tout le monde de souffler et ensuite penser tous les aspects sociaux. Mais là, nous n’avons plus le temps de passer de commission en commission, il y a urgence.

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