Les magistrats financiers ont rendu leur avis sur le budget de la commune, en redressement depuis 2016. Et la situation ne s’arrange pas vraiment…
Redresser les finances ? À Tsingoni, c’est un peu l’Arlésienne. La commune a de nouveau été épinglée par la chambre régionale des comptes au sujet de son budget primitif, après un premier rapport rendu public le 28 juillet dernier. Code des collectivités territoriales oblige, et au vu du plan de redressement dont la ville fait l’objet depuis 2016, le préfet était tenu de transmettre à la chambre le budget prévisionnel pour 2020. Un mois plus tard, les sages ont rendu leur avis, et leur constat est sans appel : “Les mesures de redressement prises par la collectivité pour résorber partiellement son déficit au titre de l’exercice 2020 sont insuffisantes.” Conséquence : la CRC enjoint le préfet à modifier ce budget primitif pour résorber une partie du déficit au cours de l’exercice actuel.
Déjà, dans son dernier rapport sur les exercices 2015 et suivants, la chambre pointait une “situation financière et budgétaire déjà fragile, (qui) s’est détériorée alors même que la collectivité fait l’objet d’un plan de redressement depuis 2016”. Le déficit avoisinait alors les trois millions d’euros portés par “des charges de fonctionnement en forte hausse entre 2015 et 2018”, supérieures désormais aux produits de gestion. Parmi ces dépenses, les charges de personnel enregistraient une croissance rapide, en passant de 4,7 millions d’euros à 7,3 millions d’euros. Le fruit d’un joli cocktail mêlant sur-rémunération, recrutements importants, manque de transparence dans les procédures, absentéisme…
Déjà 5 agents titularisés en 2020
Or, dans son nouvel avis, la CRC note que “les mesures de redressement proposées par la chambre dans son dernier avis comme dans son rapport d’observations définitives n’ont pas été suivies, notamment en matière de dépenses de personnel”. Seule proposition des élus pour maîtriser le déficit : une hausse de la fiscalité qui a permis en 2019 de colmater un peu le creux, de 2,4 millions d’euros à 1,8 millions d’euros. Or, l’avis souligne également qu’il “est impossible de proposer des mesures susceptibles de réduire le déficit sur l’exercice en cours, celui-ci étant pratique achevé”. Il est donc impératif de contenir les dépenses de personnel en dessous de 7,5 millions d’euros. Le hic ? C’est que la municipalité a “stagiairisé” – étape par laquelle passe un contractuel ayant réussi un concours de la fonction publique avant d’être titularisé – 31 agents en 2019, dont déjà 5 ont été titularisés en 2020. “Il appartient à la commune de supprimer sans délai les emplois sur lesquels elle comptait recruter les agents au terme de leur stage”, avertissent les experts des chiffres.
Vente de terrains et hausse de la fiscalité
Le message passera-t-il cette fois ? Rien n’est moins sûr. “Il n’y a pas de volonté de la majorité actuelle de maîtriser les charges salariales, alors même que des leviers sont actionnables avec les départs à la retraite”, déplore Ibrahima Ambdoulhanyou, candidat malheureux (MDM) aux dernières élections municipales et élu de l’opposition à Tsingoni. “Au contraire, leur vision des choses, c’est de donner de l’emploi dans la commune.” Alors pour parvenir à l’équilibre, la commune “est en train de vendre notre patrimoine foncier”. Une situation que le Mouvement pour le développement de Mayotte dénonçait déjà en août dernier. Un projet de vente de plusieurs hectares de terrain vague pour 48 euros le m2, voté le 27 juillet dernier, à une entreprise dont l’immatriculation ne remontait qu’à juin 2020, avait attiré l’attention de l’opposition qui s’était alors fendue d’un communiqué à la presse. “Ce prix nous paraît dérisoire au regard de la valeur actuelle du foncier dans la commune de Tsingoni qui peut aller jusqu’à 300 euros le m2”, pouvait-on y lire.
L’autre solution, c’est malheureusement le contribuable mahorais qui devra la payer. “Nous avons pu équilibrer le budget avec la fiscalité, et j’ai constaté que celle-ci a presque doublé”, rapporte ainsi Ibrahima Ambdoulhanyou, présent au moment du vote. Un constat partagé par les magistrats financiers, qui concluent leurs observations sur la “pression fiscale” que la collectivité “n’aura d’autre choix que de maintenir au moins jusqu’en 2022”, faute d’une maîtrise des charges de fonctionnement. La facture risque d’être salée…
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