Sécurité privée à Mayotte : l’essor et l’adaptation

Deux mois de confinement : un coup dur pour l’économie mahoraise. Mais si presque tous les secteurs sont touchés, l’un d’entre eux parvient à tirer son épingle du jeu. Contexte sécuritaire oblige, la sécurité privée se développe de plus en plus, mais doit s’adapter à une délinquance de plus en plus violente.

La période de crise sanitaire et de confinement aura aussi été, pour Mayotte, une période de crise sécuritaire. Affrontements entre bandes rivales, vandalisme et pillages de magasins ont en effet fait partie de l’actualité du moment. De quoi renforcer le ras-le-bol des habitants et l’agacement des entreprises, cibles idéales des vandales. Pourtant, si l’économie mahoraise a pâti de ces deux mois de disette, un secteur a pu tirer son épingle du jeu, celui de la sécurité privée.

Éprouvé par la période avec plusieurs magasins vandalisés ou volés, le groupe Somaco confirme un « besoin de sécurité très présent », par la voix de son responsable de la sécurité, Manda Rakotoniaina. « Comme tous les autres groupes, nous avons été touchés par ces cambriolages. Cela nous a en effet conduit à renforcer nos systèmes de surveillance », explique-t-il. Le groupe, qui dispose de sa propre entreprise de sécurité, a ainsi procédé à de nouveaux recrutements de vigiles et a investi dans la mise en place de caméra dans ses boutiques ainsi que dans le développement de la télésurveillance.

« Un métier d’avenir »

Mohamed Ousseni est directeur de la société GSPM, pour « gardiennage sécurité privée Mayotte ». En 2014, après 15 ans d’expérience dans le secteur ici, en métropole et à La Réunion, l’homme flaire l’importance que prend la sécurité privée sur le département. Alors, après s’être formé à la direction de ce type d’entreprises auprès de l’École supérieure de la police nationale (ESPN), il lance sa structure en 2014, filiale d’un groupe bi-régional, soutenu par des associés de métropole. Le succès est au rendez-vous compte tenu des besoins immenses.

Aujourd’hui, GSPM assure la sécurité pour des entreprises comme Total, Ewa, le groupe BDM, etc. « Mayotte est un marché très important. Compte tenu de tout ce qu’il se passe sur le département, notre métier est un métier d’avenir », confirme-t-il, soulignant qu’il a reçu des demandes supplémentaires durant la crise sanitaire : « Nous avons eu énormément de demandes pendant cette période. Des grosses entreprises comme Colas ou Total, qui ont souhaité mettre des gardiens en plus. » Et ce n’est pas tout : celui qui emploie 80 salariés sur 21 sites à travers l’île crée actuellement aussi son centre de formation. La raison est simple : « Nos sociétés sont de plus en plus demandées, et elles ont besoin de vigiles et gardiens bien formés, mieux formés. » Mieux formés, car dans une délinquance de plus en plus violente, les agents de sécurité sont désormais aussi pris pour cible.

Patron d’Artemis Technologies, qui œuvre dans le gardiennage et la télésurveillance, Michel Taillefer confirme la tendance générale. Si la crise sanitaire n’a pas amené une hausse fulgurante des demandes en télésurveillance pour son entreprise – au contraire de quelques demandes pour des besoins en gardiennage –, les besoins en sécurité sur Mayotte sont évidemment de plus en plus présents. « La situation devient très inquiétante, constate-t-il. Il y a 40 ans, il y avait peut-être un vol de sous-vêtement sur une corde à linge de temps en temps, mais rien de comparable à aujourd’hui où les délinquants mettent le feu à des cases, brûlent des voitures, violent, etc. Cela va très loin. Autrefois, jamais un agent de sécurité n’était attaqué, ou cela avait peut-être dû arriver deux ou trois fois pour des raisons personnelles. Mais c’est régulièrement le cas aujourd’hui, avec des bandes qui n’hésitent plus à attaquer des dépôts, des édifices, etc., et les gardiens qui s’y trouvent. »

La question de l’équipement de ces hommes devient dès lors prégnante. « Plusieurs entreprises le demandent à poser le débat », reprend Mohamed Ousseni, dont certains agents ont déjà été menacés avec des chombos, attachés ou séquestrés. Il poursuit : « Pour ma part, j’étais mitigé au départ, mais à la vue de ce qu’il se passe sur le département, je pense que permettre aux agents d’être armés d’armes non-létales – sous condition d’avoir suivi une formation – est une bonne idée. »

Une façon de rayonner au régional ?

Au-delà de la question sécuritaire mahoraise, la région porte aussi un certain nombre d’opportunités pour le secteur. Avec des pays d’Afrique de l’Est en plein développement, un vaste projet gazier au Mozambique et une demande croissante à Madagascar et aux Comores, le secteur de la sécurité privée à Mayotte pourrait facilement s’étendre à d’autres horizons. Sans en dire trop, Mohamed Ousseni ne s’en cache pas : « Mes associés regardent en effet chez nos voisins et me demandent d’être de l’aventure. Nous sommes donc en réflexion pour, un jour, nous implanter aussi à Madagascar et en Union des Comores. »

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