Un incident avec un véhicule du service de sauvetage et de lutte contre l’incendie des aéronefs (SSLIA) pendant un exercice a remis sur la table les revendications du syndicat des pompiers, qui critique la logique gestionnaire de l’entreprise Edeis.
Heureusement que les avions se font encore rares sur la piste de Pamandzi. Jeudi dernier, un accident sur l’un des véhicules des pompiers de l’aéroport a eu lieu en plein tarmac. “Nous avons fait un test de véhicule, dans ces cas-là on peut les faire rouler jusqu’à 100 km/h pour voir la performance”, relate Abdallah Bamana, responsable syndical des sapeurs-pompiers de l’aéroport. Tout à coup, le pneu explose. La roue est déchiquetée – et pas qu’un peu, d’après les photos publiées dans la foulée sur la page Facebook de la section syndicale. Il faut alors tracter le camion sur le bitume, et s’assurer qu’aucun débris n’a été oublié. “C’est un engin qui fait plus de 19 tonnes, nous sommes chanceux qu’il n’ait pas fait de tonneau, et qu’il n’y ait pas eu de blessés”, continue le sapeur-pompier.
Plus de peur que de mal, donc, pour les deux agents qui faisaient rouler le véhicule. N’empêche, pour la section syndicale, cette affaire de pneu, c’est un peu la goutte d’eau. Ou plutôt l’étincelle. Car ce pneu avait été signalé il y a trois mois au chef de service du service de sauvetage et de lutte contre l’incendie des aéronefs (SSLIA), en raison de sa surface trop lisse. Sans que rien ne soit fait, jusqu’à ce jour. Pour la section syndicale, c’est une preuve de plus à charge contre Edeis, le gestionnaire de l’aéroport, qu’elle accuse “de jouer sur la sécurité des agents juste pour se faire du profit”.
Réduction d’effectifs
Dans son post Facebook, le syndicat saisit la perche pour revenir sur la fin du détachement de quatre sapeurs-pompiers professionnels, renvoyés prochainement au SDIS, et qui devront être remplacés par trois sapeurs-pompiers volontaires. Une façon de réduire les effectifs et donc les coûts, car, écrivent-ils en citant la DGAC/DSAC : “Les SPP coûtent trop cher.” À la base, la convention qui lie le SDIS de Mayotte au gestionnaire de l’aéroport Edeis permet de détacher des sapeurs-pompiers professionnels pour assurer la sécurité de l’aéronef. En mettant fin à cette ancienne convention, le syndicat s’inquiète de voir débarquer des légions de nouveaux pompiers venus de métropole, à moindre coût. Il faut dire que la question de leur salaire, de 2.500 euros contre 1.500 euros dans le privé, avait déjà fait couler un peu d’encre il y a quelques mois. À ce moment-là, en décembre 2019, la présidente du SDIS avait obtenu un sursis pour prolonger l’ancienne convention jusqu’à fin juin. Mais le détachement des sapeurs-pompiers professionnels à Edeis est toujours sur la sellette. « Les discussions sont en cours pour établir une nouvelle convention, avec la volonté d’aboutir au 1er juillet. Elles devront acter un schéma de décroissance qui soit humainement acceptable », confie le colonel Fabrice Terrien au SDIS.
Mais ce n’est pas là le seul grief des pompiers. Dans leur viseur, aussi, le respect des normes en fonction du niveau de sécurité de l’aéroport. « Déjà, d’après l’arrêté du 18 janvier 2007, nous devrions avoir des moyens nautiques en tant qu’aéroport côtier. Ce n’est toujours pas le cas aujourd’hui, l’État ferme les yeux », dénonce Abdallah Bamana. Mais outre leurs effectifs réduits, ce sont aussi les véhicules qui commencent à manquer pour respecter le niveau de sécurité, minimum de 6, de l’aéroport. « Normalement, nous devons avoir quatre camions minimums, et deux sont HS », vitupère le responsable syndical. Qui n’hésitera pas à intenter une action en justice contre l’aéroport et le SDIS si un autre accident, plus grave, venait à survenir.
Chaque pneu compte
Contactée, l’entreprise Edeis a tenu à remettre les points sur les i. Sur le pneu, d’abord. « Il s’agit d’un incident regrettable, qui est dû en partie au fait que la période du Covid nous a fait prendre du retard sur le remplacement de ce pneu. Mais nous avons tout fait pour que le camion soit réparé, et nous avons un niveau de sécurité opérationnel aujourd’hui », détaille Cyril Godeaux, le directeur de la communication chez Edeis. Quant aux accusations sur la recherche effrénée de profit, elles sont inexactes, pour la simple et bonne raison que « les services des pompiers sont un service régalien. Même si ce sont des salariés de l’aéroport, ce sont des salariés pris en charge par l’État », explique-t-il. Les dépenses dans le cadre de ce service sont examinées à la loupe chaque année, pour déterminer le niveau de sécurité, en fonction des vols effectués sur l’année, et des prévisions pour l’année suivante. « Un camion représente un investissement minimum de 500.000 euros. Et la tendance globale au niveau de l’État ces derniers temps est plutôt à rester proche de ses sous », résume-t-il.
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