Petite-Terre : 2.7 millions d’euros par an pour vivre dans une déchetterie à ciel ouvert

La gestion des déchets est un combat de tous les instants à Mayotte. En Petite-Terre, les habitants s’insurgent des monticules aux abords des routes. Communes, intercommunalité et Sidevam campent sur leur position et se renvoient la balle. 

Guérilla la nuit, parcours du combattant le jour… Décidément, il ne fait pas bon vivre en Petite-Terre en cette période de crise sanitaire. Si les règlements de compte entre bandes de jeunes relèvent de la mission des forces de l’ordre, les monticules de déchets aux abords des routes, à l’image du boulevard du général de Gaulle, emprunté quotidiennement par les collégiens et les lycéens, sont l’affaire de tous. Et sur ce point, les avis divergent. Chacun semble se renvoyer la balle, provoquant un immobilisme et une puanteur irrespirable. “En tant que citoyen, ça me saoule de devoir faire le tour des différents services pour que ma ville soit nettoyée”, fustige un habitant de Pamandzi depuis cinq ans, qui constate une dégradation au cours des deux dernières années. La seule solution à ses yeux ? Relayer cette insalubrité constante sur les réseaux sociaux pour que son ras-le-bol soit enfin entendu. Un message envoyé directement au directeur général des services de sa commune, Charaffoudine Ramadani Toto, en est l’exemple probant. À son réveil le lendemain matin, il constate l’effort réalisé par les autorités, devant sa demeure… Certes, mais quid du reste de la population ? Et à ce petit jeu, tous les interlocuteurs ont leur mot à dire, mais aussi et surtout leurs doléances. “On reçoit très régulièrement des plaintes que l’on remonte à la direction du Sidevam, qui met en œuvre la collecte des déchets sur le territoire”, concède Anissa Aboudou, directrice de l’environnement et de la biodiversité à l’intercommunalité de Petite-Terre. Tout cela, pour la modique somme de 2.7 millions d’euros par an, financée par le contribuable… 

Jeu du chat et de la souris 

Mais pour tenter d’expliquer ce dysfonctionnement, il faut remonter quelques semaines en arrière, et plus particulièrement à l’arrivée du Covid -19 sur le territoire. Confinement oblige, “la préfecture a demandé que nous passions de trois à deux collectes par semaine [sur Petite-Terre] pour protéger nos agents”, rapporte Nicole Menard, en charge de la communication au sein de la structure créée en 2014. Et visiblement, les rouages de ces rotations montrent des signes de faiblesse, comme le souligne Anissa Aboudou. “Actuellement en télétravail, je surveille les ramassages et je peux vous dire qu’ils ne sont pas respectés. Il y a toujours une bonne excuse !” Pour sa défense, le Sidevam pointe du doigt l’absence de tri de la population. “On ne trouve pas que des ordures ménagères dans les bacs.” Face à ces incivilités, impossible pour le syndicat de mener à bien sa mission. Il faut se référer alors aux communes. “Tous les déchets au sol sur la voie publique, c’est de la propreté urbaine, donc ça dépend des communes”, rappelle la directrice de l’environnement et de la biodiversité. Toutefois, la responsable tempère ses propos, en expliquant qu’il ne s’agit que de la conséquence sine qua non de l’inertie de Sidevam. “On assure la collecte des “résidus” qui ne sont pas dans les poubelles dûment dédiées et qui polluent l’espace public”, défend de son côté Charaffoudine Ramadani Toto, qui a publié quelques photos de l’intervention de ses équipes pour prouver la bonne foi des élus de Pamandzi. Avec 299 kg de déchets ménagers par an et par Petit-Terrien (contre 240 en moyenne à Mayotte), les statistiques frisent l’affolement… 

Des solutions existent, mais… 

Que dire alors des déchets verts, les encombrants, la ferraille ou encore les équipements électriques et électroniques ? En 2019, le syndicat prévoit une collecte deux fois par mois pour ces flux dédiés. “Avec le développement de l’épidémie de dengue en début d’année, le syndicat a réussi à mettre en 

place un partenariat avec la Deal, les communes et Enzo Recyclage pour que l’île de Mayotte soit nettoyée des 3E et des pneus qui sont des vecteurs d’accroissement. Et on a libéré le site de l’ancienne décharge de Dzoumogné et organisé un planning de rotations pour que les communes nettoient leurs espaces publiques”, stipule Nicole Menard, qui précise que toutes les collectivités ne jouent pas le jeu… Le premier roulement effectué par l’intercommunalité de Petite-Terre remonte à mardi, avec l’envoi de trois camions de 3.5 tonnes. Une opération qui doit dorénavant se dérouler de manière hebdomadaire selon Anissa Aboudou. Et les machines à laver, les laves vaisselles, les frigos et autres qui pullulent dans tous les sens ? “Lorsqu’une personne réalise un achat dans un magasin d’électroménager, ce dernier doit proposer la reprise de son ancien équipement, car le citoyen contribue à l’écotaxe”, se défend la chargée de communication, qui rappelle aussi le service gratuit d’enlèvement à la demande des déchets verts et des encombrants, dénommé Allô Massaha, même s’“il n’est pas très performant au sein même du syndicat, on ne peut pas nier ces problèmes”. Mais apparemment, toutes ces solutions ne sont pas intégrées par le grand public ! Il suffit de se rendre à proximité du centre de rétention administrative pour découvrir la réalité du terrain. 

Quel héritage pour les enfants ? 

Le problème ne viendrait-il pas des habitants alors ? À l’école de l’association Maounga Dounia, Marie-Jo guette d’un œil averti cette situation, qui inonde les abords de son établissement. Avec son franc-parler, la directrice jette la pierre sur “les gros dégueulasses qui viennent déposer leurs m…” Conséquences directes de ces actes ? “L’école est devenue une HLM de rats, je vais devoir prévoir un budget de dératisation”, s’emporte-t-elle. Alors à son échelle, elle tente de proscrire les mauvaises habitudes dans son enceinte pédagogique, telles que le plastique et la cannette, mais aussi de sensibiliser les parents sur le thème du recyclage lors des kermesses et des comédies musicales organisées par ses élèves. “Il y a 25 ans, le premier geste de chaque habitant était de balayer devant sa porte pour manger par terre, les rues étaient propres alors qu’on n’avait pas la technologie et la logistique d’aujourd’hui.” Et selon elle, la faute est à mettre sur le dos de tout le monde. “Je trouve que les adultes sont hyper égoïstes ? Que vont-ils laisser en héritage à leurs enfants”, s’interroge-t-elle. Et puis surtout, que penser de l’image renvoyée aux voyageurs à peine débarqués sur le tarmac de l’aéroport ? “C’est catastrophique”, souffle Anissa Aboudou…

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