Octobre 2008 – L’énergie du futur s’installe à Mayotte

Cellules Photovoltaïques

30% DE LA PUISSANCE APPELÉE D'ICI TROIS ANS

L'utilisation de l'énergie solaire photovoltaïque croît dans le monde au rythme effréné de 40% par an. Avec un chiffre d'affaires de 24 milliards d'euros en 2007, elle est désormais sortie de la marginalité, même si elle ne représente pour l'instant qu'1% de la production mondiale d'électricité. Mayotte n'échappe pas à l'engouement pour cette énergie propre, d'autant plus attractive qu'elle est parfaitement adaptée à l'insularité et que Mayotte est le territoire le plus ensoleillé de France. EDM et l'Etat ont décidé de soutenir son développement jusqu'à atteindre 30% de la puissance appelée d'ici trois ans, mais à cause du problème de stockage de cette énergie, elle ne pourra pas, dans l'état actuel des connaissances, se substituer au pétrole.

Nous voulons faire de Mayotte le système électrique ayant le plus fort taux de France d'énergie photovoltaïque, à l'horizon de trois ans". Lors de la signature de la charte créant l'Observatoire mahorais de l'énergie il y a moins d'un mois, Augusto Soares Dos Reis, le directeur d'Electricité de Mayotte (EDM), a réaffirmé sa volonté de soutenir les "solaristes" – à Mayotte, ce sont les entreprises SCEM et Tenesol qui se partagent le marché – pour réussir à atteindre le taux de 30% de la puissance appelée d'ici trois ans. Une volonté qui s'inscrit pleinement dans celle de l'Etat, puisque le Grenelle de l'environnement a récemment fixé l'objectif de 20% d'énergies renouvelables en Métropole, mais a préconisé qu'il soit de 50% dans les Dom d'ici 2020.

Depuis l'installation de la première centrale photovoltaïque expérimentale de 5 kilowatts crête (kWc) sur les toits d'EDM connectée au réseau en mai 2007 qui a permis de mesurer qu'en moyenne il y a 1.400 heures d'ensoleillement par an à Mayotte (contre 1.250 h à la Réunion, 1.200 h dans le Sud de la France et 900 h à Paris), les panneaux solaires commencent à fleurir un peu partout sur les toits de l'île. L'entreprise SCEM (Société de conversion d'énergie de Mayotte) a déjà installé 5 petites centrales sur les toits : 53 kW à Mayotte Equipement, 82 kW à la SEBM, 59 kW à la Blanchisserie de Mayotte, 73 kW au magasin Nossi et 59 kW à la SCI Thomas. Aujourd'hui, ces 338 kW représentent 0,2% de l'énergie produite à Mayotte. Filiale de la SCE Réunion créée il y a tout juste un an, la SCEM appartient au groupe français coté en bourse Séchilienne Sidec depuis la fin de l'année 2006. Elle compte 6 salariés pour l'instant et 4 nouvelles embauches sont prévues d'ici la fin de l'année, un personnel qui sera recruté localement et formé par l'entreprise. Et un nouveau concurrent, solide lui aussi, vient tout juste d'arriver, en juillet dernier : Tenesol, dont les 2 actionnaires sont Total et EDF. Une entreprise qui possède une unité de production de panneaux solaires à Toulouse, avec un autre fournisseur en Afrique du Sud. L'agence de Mayotte de Tenesol va embaucher une quinzaine de personnes, des techniciens qui seront encadrés par une équipe de la Réunion pour leur formation. "Nous avons même été sollicités par le GSMA pour apprendre les techniques du solaire dans leur pôle électricité", s'enthousiaste Tony Pistarino, le directeur de l'agence.

UN MARCHÉ EN PLEINE EXPANSION 

Avec la baisse des droits de douane de la CDM sur les panneaux solaires qui sont passés de 41 à 4% en 2006, et l'engagement d'EDM de racheter l'électricité produite à 40 cents le kWh (alors qu'un particulier paye 10 cents le kWh), le marché de l'énergie photovoltaïque à Mayotte est en pleine expansion. "Toutes les conditions sont désormais réunies pour développer l'énergie solaire à Mayotte. Je suis heureux car cela fait 9 ans que je me bats tous les jours pour ça." Frédéric Lefevre, le directeur de la SCEM, a travaillé à Saur International puis à EDM pendant 6 ans et demi, avant de monter cette filiale le 1er octobre 2007.

Sans l'aide des pouvoirs publics, cette technologie ne peut se développer car les investissements sont beaucoup plus chers : à puissance équivalente, la technologie photovoltaïque coûte 6 fois plus cher que celle de la nouvelle centrale à gasoil de Longoni. Par exemple, une centrale d'1 MW coûte aujourd'hui environ 6 millions d'euros. Mais le photovoltaïque a le principal avantage de réduire la dépendance énergétique au pétrole, comme le souligne Mohamed Saïd, directeur de la Direction de l'environnement et du développement durable (DEDD) du conseil général, pour qui "il y a une volonté réelle des élus pour développer ce type d'énergie, car c'est le plus facile à mettre en oeuvre".

Mais le solaire ne peut pour l'instant qu'être une énergie d'appoint au pétrole car c'est une énergie renouvelable "aléatoire et intermittente" (voir encadré). Tony Pistarino explique que "les panneaux sont très sensibles : dès qu'une ombre est portée sur quelques cellules, la baisse de puissance est reportée sur l'ensemble de l'installation".

Comme l'affirme Hervé Le Trionnaire, chargé de mission développement durable à EDM, "le problème du solaire est que l'énergie produite peut être divisée par 5 en cinq minutes, ce qui affecte le réseau" et peut provoquer une déstabilisation du système électrique, et donc un risque de délestages, voire de black-out si une couverture nuageuse arrive soudainement. C'est pourquoi "il faut se préparer à la gestion de ces 30% : on aura besoin de données météorologiques pour pouvoir anticiper les baisses de production".

UN PROBLÈME DE STOCKAGE INSOLUBLE

Autre inconvénient, l'énergie solaire n'est produite que pendant la journée et le stockage de l'électricité est encore, dans l'état actuel des connaissances, un problème insoluble qui ne peut pas répondre au pic de consommation de 19h. Comme le déplore Hervé Le Trionnaire : "on ne veut pas briser le rêve, mais il y a besoin du stockage pour que cette énergie ne vienne pas qu'en appoint". 140 batteries sont actuellement testées au Japon et d'autres sont aussi présentes aux Etats-Unis, mais comme le souligne Delphine Le Page, chargée de mission énergie à la DEDD, "ces batteries en plomb sont très polluantes. A la Réunion par contre, une batterie d'1 MW en sodium-soufre est actuellement testée par EDF".

Elkaïme Abdou, également chargé de mission énergie à la DEDD, précise que l'énergie produite par les panneaux solaires peut aussi être stockée sous forme d'eau : "La technique de pompage d'eau pourrait aussi être une solution de stockage de l'énergie solaire mais il n'y a pas assez de hauteur ici car il faut au moins 600 m de dénivelé". Dans l'état actuel des connaissances, l'énergie solaire ne peut donc être utilisée à grande échelle que pendant la journée.

Mayotte est ainsi encore loin d'atteindre les objectifs du Grenelle de l'environnement, contrairement à la Réunion où il y a actuellement 40% d'énergies renouvelables, grâce à l'énergie hydraulique, 3 MW de photovoltaïque et 6 MW d'éolien. Pour l'instant, aucune région du monde n'a atteint ces 30% d'énergie solaire souhaitée par EDM, comme le souligne Hervé Le Trionnaire : "La Crête et la Sardaigne ont-elles aussi fixé cette limite à30%, les Canaries entre 10 et 30% et l'Australie est allée jusqu'à 40%".

Ces fameux 30% de la puissance appelée correspondent en fait à l'article 22 de l'arrêté du 23 avril 2008 qui fixe la limite technique, ce qui veut dire qu'EDM pourra alors refuser de racheter l'électricité produite une fois ce seuil sera atteint. Ces 30% représentent en fait 7% de la production totale, jour et nuit. Et comme la production n'est pas la même partout selon le lieu et l'orientation des panneaux, il y a un coefficient de foisonnement de 70% : si 1.000 W sont installés, on ne produira jamais plus de 700 W car tous les panneaux ne vont pas fonctionner à pleine puissance au même moment. En bref, l'objectif est d'atteindre 8,5 MW d'énergie photovoltaïque d'ici trois ans.

UN BIENFAIT POUR L'ENVIRONNEMENT

"Aujourd'hui, nous avons deux fois plus de dossiers qu'il y en a besoin", constate Hervé Le Trionnaire. Pour Frédéric Lefevre, "L'objectif des 30% est largement réalisable, le quota de plus de 8 MW sera sûrement dépassé en 2010 en théorie. Mais en pratique, la croissance de la consommation de l'ordre de 15% par an nous donnera toujours du travail. De plus, il faudra entretenir ces panneaux, les nettoyer 3 fois par an, vérifier les connectiques et tout contrôler quand il y aura des intempéries."

Tony Pistarino n'est pas tout à fait du même avis : "Il faut aller vite pour l'autonomie énergétique de l'île, mais notre entreprise n'a pas la volonté d'installer de grandes centrales car sinon on n'aura pas créé des métiers pérennes qui feront vivre le solaire longtemps. Saturer le marché en 3 ans, ça me gêne : faire des centrales de 10 hectares, ça ne permettra pas de créer des emplois pérennes, l'activité sera morte. Il faut faire des choses de dimension raisonnable pour faire durer le plaisir. Il faut 1,5 hectare en moyenne pour produire 1 MW : ce serait la bonne taille. Quand certains parlent de projets de plusieurs hectares, ça me dérange un peu". En tous cas, l'énergie solaire semble encore avoir de beaux jours devant elle à Mayotte, et ça ne peut qu'être bon pour l'environnement. Frédéric Lefevre se félicite par exemple que "les 1.280 panneaux bientôt installés à la Sodifram de Kawéni vont permettre d'éviter le rejet de 170 tonnes de CO2 et pourront alimenter l'équivalent de 123

foyers en produisant, d'après les estimations, 225.750 kWh par an". Et pour ceux qui affirment que la pollution engendrée par la fabrication des panneaux solaires est plus importante que son gain pour l'environnement, Hervé Le Trionnaire a un argument imparable : "En 2-3 ans, on a amorti le CO2 dont on a eu besoin pour les produire, et la durée de vie d'un panneau se situe entre 25 et 30 ans."

D'autant que comme le constate Tony Pistarino, "pour le photovoltaïque, il reste encore beaucoup de progrès techniques à faire : aujourd'hui, le rendement est de 17%, mais il y a encore de la marge pour le travail de recherche aussi bien au niveau du rendement, du recyclage des panneaux ou du stockage de l'électricité."

Les chercheurs estiment pouvoir atteindre bientôt un rendement de 30% en perfectionnant l'actuelle technologie du silicium, et même arriver à récupérer 40% de l'énergie incidente grâce aux nanotechnologies (avec les techniques actuelles, les deux tiers des photons du rayonnement solaire atteignant le matériau ne sont pas utilisés).

D'autres énergies renouvelables sont disponibles à Mayotte (voir encadré) ce qui permet à Mohamed Saïd de déclarer que "dès 2009, un programme d'expérimentations et d'études va être mis en œuvre pour mobiliser les autres ressources à moyen terme, qui existent, mais que l'on n'a pas encore évalué". En attendant cet avenir radieux, le soleil continuera de briller sur l'île au lagon…

JULIEN PERROT

 


 

PETITE HISTOIRE DE L'ÉNERGIE SOLAIRE 

Chaque jour, le Soleil déverse sur la Terre 100.000 milliards de tonnes équivalent pétrole (Tep) alors qu'en 2006, la  consommation annuelle mondiale était de 11,63 milliards de Tep. Ce constat est à l'origine de l'idée séduisante de ne convertir ne serait-ce qu'une petite partie de cette source d'énergie inépuisable. D'autant que sa disponibilité n'est pas son seul atout face aux énergies fossiles dont les réserves se tarissent au rythme de la forte hausse de la demande d'énergie, dopée par l'arrivée dans l'économie de grandes puissances telles que l'Inde et la Chine. Mais ces considérations sont peut-être bien loin de celles qui préoccupaient, à l'origine, le physicien Edmond Becquerel quand il découvrit en 1839, l'effet photovoltaïque, c'est-à-dire le moyen de transformer directement la lumière en courant électrique. Quelques décennies plus tard, le physicien et industriel allemand Werner von Siemens décrit le principe d'une cellule solaire photovoltaïque au Sélénium et exposera en 1875 devant l'Académie des Sciences de Berlin l'effet photovoltaïque dans les semi-conducteurs. Mais il faudra attendre plus de 80 ans avant que des cellules solaires photovoltaïques trouvent une place dans l'industrie. L'industrie spatiale américaine utilisera des cellules solaires ayant un rendement de 9% pour alimenter ses satellites en 1958. Ce n'est qu'à la suite du premier choc pétrolier en 1973 que l'énergie solaire suscite de nombreux espoirs, lui accordant une place privilégiée dans le futur mix énergétique mondial, l'éloignant de son carcan d'élites scientifiques. La première maison solaire, d'origine américaine, alimentée par des cellules solaires photovoltaïques est sortie de terre à l'Université du Delaware en 1973. Si les centrales solaires expérimentales de grande puissance construites à cette époque ne se sont pas avérées rentables comparées aux solutions traditionnelles, les systèmes solaires photovoltaïques ont réellement donné satisfaction pour les petites unités de production, dans les zones éloignées des réseaux électriques traditionnels. Cette technologie de l'énergie solaire trouva donc très rapidement sa place dans de nombreuses applications telles que les télécommunications, le froid, le pompage et l'éclairage. Mais la technologie solaire photovoltaïque ne connaît son véritable essor qu'à la fin des années 1990 avec l'avènement de la connexion au réseau électrique, technologie qui permet d'injecter sur le réseau public d'électricité, l'énergie produite par un générateur solaire photovoltaïque et convertie par un onduleur en courant alternatif. Ce concept de connexion réseau permet une décentralisation de la production d'électricité qui renforce la sécurité énergétique des utilisateurs face à des risques de pannes des centrales de production ou de destruction des réseaux de distribution lors d'intempéries.

Depuis quelques années, certains pays et régions d'Europe engagent des politiques volontaristes visant à accélérer l'accès à l'énergie électrique solaire en proposant des solutions de financement tels que les subventions ou le rachat à un tarif privilégié e l'énergie solaire photovoltaïque par le ou les opérateurs nationaux. La technologie solaire photovoltaïque emble promise à n el avenir si l'on considère la pénurie annoncée des énergies fossiles et la prise de conscience e notre investissement dans le développement durable, car nous ne pouvons pas continuer à détériorer l'environnement qui nous est offert. Mais cette filière ne représente pas que des enjeux importants à long terme. Son développement entraînera des conséquences favorables en matière d'emploi et de développement industriel dans tous les Etats qui auront encouragé activement la création d'industries locales.

Avec le site internet de Tenesol

 


  

LE PHOTOVOLTAÏQUE, UNE ÉNERGIE RENOUVELABLE "INTERMITTENTE ET ALÉATOIRE" 

Le "kilowatt-crête" est la puissance maximum que peut atteindre théoriquement un panneau solaire, dans des conditions de laboratoire que l'on ne retrouve jamais dans la nature. A cause du caractère aléatoire de l'ensoleillement, la production d'électricité d'un panneau solaire d'1,65 m² d'une puissance de 215 Wc (qui coûte 750 euros à l'achat) peut beaucoup varier. La centrale expérimentale d'EDM a permis de mettre en évidence que le record d'ensoleillement a eu lieu le 19 janvier 2008 : si toutes les journées étaient les mêmes que celle-ci, on aurait 2161 heures d'ensoleillement par an et on produirait 464 kWh par an. Sachant qu'EDM rachète le kWh à 40 cents, un panneau permettrait ainsi de gagner 195 euros par an. A contrario, le record le plus bas d'ensoleillement, qui a eu lieu le 25 janvier 2008 pendant le passage de la tempête Fame, équivaudrait à 234 heures d'ensoleillement par an, et rapporterait donc seulement 21 euros…

 


 

DES PANNEAUX SOLAIRES INTÉGRÉS AU BÂTI, UNE TECHNOLOGIE ENCORE HORS DE PORTÉE

Quand un panneau solaire assure également une fonction technique ou architecturale essentielle à l'acte de construction, les aides de l'Etat sont très conséquentes. Comme le rappelle Hervé Le Trionnaire, chargé de mission développement durable à EDM, "quand les panneaux installées sont intégrés au bâti du toit, c'est-à-dire à la place de la tôle, EDM rachète le kWh à 55 cents" (au lieu de 40 cents pour un panneau solaire classique). Mais c'est une technologie qui est encore hors de portée pour les Mahorais car, comme le souligne Tony Pistarino, directeur de l'agence Tenesol de Mayotte, "il y a plus de solutions en Métropole : certains produits, comme les brise-soleils par exemple, ne sont pas homologués aux normes anticycloniques". Christel Thuret, chargée de mission énergie et déchets à Mayotte de l'Ademe explique qu'"il n'y a pas d'aides de l'Ademe pour le photovoltaïque qui est surimposé sur une toiture car avec le bonus de défiscalisation, la baisse des tarifs douaniers et le tarif d'achat de 40 cents le kWh, ces produits sont déjà très attractifs. Le marché est viable au niveau financier, donc le rôle de l'Ademe s'arrête, alors qu'on avait par exemple financé le premier projet sur les toits de la mairie de Mamoudzou. Par contre, pour le photovoltaïque intégré au bâti, c'est-àdire qui remplace un élément de structure comme une ombrière de parking ou une protection solaire, la technologie est encore en cours de développement, et donc encore un peu chère. Cette technologie nécessite encore des avis techniques du CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment), elle est toujours en phase de développement et à ce titre l'Ademe peut intervenir à hauteur de 1 euro du Watt installé. Par exemple, si on installe un projet de 100 kW, l'aide de l'Ademe peut s'élever à 100.000 euros pour ce type d'équipement". Mais il n'y a pour l'instant aucun projet de ce genre à Mayotte.

 


  

DEUX ENTREPRISES QUI NE DEMANDENT QU'À LOUER DES TOITURES

Hervé Le Trionnaire, chargé de mission développement durable à EDM, déconseille aux professionnels d'être propriétaires de leurs panneaux : "Pour les entreprises qui veulent acheter elles-mêmes leurs propres panneaux, c'est une procédure longue et complexe, qui nécessite un regard d'expert". Par contre, les entreprises SCEM et Tenesol proposent de louer les toitures avec un bail de 20 ans, pour le plus grand bénéfice de leurs clients. Tony Pistarino, directeur de l'agence Tenesol de Mayotte explique que son entreprise paye "un loyer pendant 15 ans, puis de la 15e à la 20e année, on partage la totalité des recettes avec le client. Le loyer est calculé en fonction de nombre de m², sur la production théorique en offrant un minimum garanti. On définit un loyer et le bail à partir d'études, par exemple en fonction de l'orientation du bâtiment, du coût du raccordement au réseau ou de la poussière plus ou moins importante selon le passage de véhicules à proximité." Idéalement, la toiture doit être exposée au Nord, avec un angle de 10 à 15 degrés par rapport au soleil grâce aux structures du panneau. Pour la SCEM, le principe est un peu différent : son directeur, Frédéric Lefevre, explique que "le prix du loyer est fixé en fonction du chiffre d'affaires de la centrale : plus on produit, plus l'entreprise ou le particulier gagne de l'argent, d'où l'intérêt d'entretenir la centrale. Le client peut même laver lui-même ses panneaux. Nous sommes propriétaires à 100% des panneaux et c'est nous qui payons les études, le matériel et la pose". Non seulement l'entreprise peut tirer profit d'une toiture qui n'est de toute façon pas utilisée, mais en plus elle fait des économies d'énergie, grâce à l'isolation engendrée par les panneaux qui protègent la tôle ou la dalle du soleil : "Les panneaux font baisser la température du bâtiment, de l'ordre de 5 degrés, ce qui permet de faire des économies sur la climatisation. Les panneaux protègent la tôle de la toiture et pendant la saison des pluies, il y a beaucoup moins de bruit, ce qui est très apprécié par les clients. On amène que du bonheur aux clients !", résume Frédéric Lefevre. De surcroît, cette location permet de développer l'activité de l'économie mahoraise car "pour les gros projets,nous sous-traitons avec des bureaux d'études mahorais, dans 20% des cas environ", précise le directeur de la SCEM, "mis à part la fabrication des panneaux, les centrales sont 100% mahoraises et ça marche !"

 


 

LES FUTURS PROJETS D'INSTALLATION DE PANNEAUX SOLAIRES

Tenesol va installer 350 kW sur le toit du collège de Koungou avant la fin de l'année et 3 autres installations sont prévues en 2009 pour les collèges de Passamaïnty, Dembéni et M'gombani. Ces 4 projets totaliseront 1 MW. Tenesol a beaucoup de contacts dans les administrations : 3 projets de bonne taille et 4 de taille modeste, à la fois sur le sol et sur les toits, sont également en cours d'élaboration. Avant le mois de décembre, la SCEM va installer 150 kW sur le toit de la Sodifram de Kawéni, 224 kW sur le dépôt sec de la même entreprise, 30 kW à Intersport et 90 kW à Mayotte Aluminium. A la fin de l'année, plus de 800 kW seront raccordés au réseau. En 2009, 2 MW seront installés sur la toiture de la maison d'arrêt de Majicavo. Des projets sont aussi prévus pour les collèges de Tsingoni et de M'tzamboro, pour 2 autres dépôts de la Sodifram et pour trois autres hangars dont les noms n'ont pas encore été communiqués car les contrats sont en cours de signature. La SCEM a également le projet grandiose d'installer une véritable centrale dans le sud de l'île, avec 72.000 panneaux au sol qui s'étendront sur 15 hectares et qui totaliseront une puissance de 5 MW.

 

 


 

 

Chauffe-eau Solaire

"ENDIGUER L'IMPORTATION DE CHAUFFE-EAU ÉLECTRIQUES"

 

Fonctionnement d'un chauffe-eau solaireL'Etat et le conseil général ont enfin décidé de soutenir le développement du chauffe-eau solaire à Mayotte. Alors qu'on en dénombre plus de 75.000 à la Réunion, il n'y en a pour l'instant que 150 sur l'île aux parfums… Bonus de défiscalisation, crédits d'impôt pour les particuliers, trois aides cumulées pour les professionnels, autant de mesures incitatives qui devraient faire monter en flèche la demande. L'entreprise SCEM et les différents partenaires ont monté un stand de présentation au public ce vendredi et ce samedi au magasin HD et à la Sodifram de Kawéni les 16, 17 et 18 octobre.

 

 

Ces aides du conseil général, de l'Ademe et d'EDM sont exceptionnelles. Il y a une vraie volonté de développer les chauffe-eau solaires ici". Frédéric Lefevre, directeur de la Société de conversion d'énergie de Mayotte (SCEM) n'en revient toujours pas. En plus de la baisse des droits de douanes de la CDM sur les chauffe-eau solaires qui sont passés de 41 à 5% en 2006, et du bonus de 4% de défiscalisation de la loi Girardin, les particuliers ont désormais la possibilité de bénéficier d'un crédit d'impôt de 50% sur le matériel, hors pose, avec un effet rétroactif pour tout matériel acheté à partir du 1er janvier 2008.

Cette décision du conseil général au mois de juillet de rendre ce crédit d'impôt applicable à Mayotte témoigne de la volonté des élus et des différents partenaires de développer le parc de chauffe- eau solaires de l'île. Comme le résume Christel Thuret, chargée de mission énergie et déchets à l'antenne de Mayotte de l'Ademe, "notre objectif est d'endiguer l'importation et la pose de chauffe-eau électriques, dans une dynamique de substitution".

"CES AIDES SE FONT DIRECTEMENT À L'ACHAT, IL N'Y A PAS DE DOSSIER À REMPLIR"

Les différents niveaux d'aides permettent à tous, particuliers ou professionnels comme les hôteliers, les coiffeurs ou encore des loueurs de gîtes, d'amortir un investissement qui serait sinon trop coûteux par rapport à un chauffe-eau électrique. En plus, comme le souligne Delphine Le Page, chargée de mission énergie à la DEDD (conseil général), "ces aides se font directement à l'achat, il n'y a pas de dossier à remplir".

Par exemple pour les résidences principales des particuliers, un crédit d'impôts de 50% sur le matériel hors pose, auquel s'ajoute une aide exceptionnelle de 500 euros d'EDM pour les 200 premiers chauffe-eau vendus, permet d'acheter et de poser un ballon de 305 litres pour 1.150 euros seulement au lieu de 2.900 euros normalement.

Comme le remarque Tony Pistarino, directeur de l'agence Tenesol de Mayotte, "le chauffe-eau est le premier poste budgétaire dans la facture d'électricité. Sans aides, un chauffe-eau solaire est amorti en 8 ans. Aujourd'hui, le retour sur investissement est réalisé en 5 ans". Et d'autant plus amorti que, comme se plaît à souligner Hervé Le Trionnaire, chargé de mission développement durable à EDM : "un chauffeeau électrique coûte environ 500 euros, mais il a une durée de vie plus courte, 6 ans en moyenne contre 12 ans pour un chauffe-eau solaire". Encore plus avantageux pour un bâtiment neuf, le bonus de 4% sur la défiscalisation permet même de payer deux fois le chauffe-eau solaire…

ElkaïmeAbdou, chargé de mission énergie à la DEDD met toutefois un bémol à ce crédit d'impôt qui "est plafonné à 8.000 euros d'investissement pour un célibataire. Cela veut dire que par exemple, si on investit 20.000 euros, la base de remboursement ne sera que de 8.000 euros, donc on aura droit seulement à 4.000 euros de crédits d'impôt. Pour un couple, ce plafond s'élève à 16.000 euros, auquel s'ajoutent 400 euros pour chaque personne à charge". Mais les particuliers n'ont pas vraiment besoin d'investir autant, à moins qu'ils projettent de louer plusieurs appartements. Christel Thuret ajoute qu'"à Mayotte, l'aide de l'Ademe sur les chauffe-eau solaires a une spécificité par rapport aux normes classiques : il ne faut pas avoir d'appoint électrique car ici le taux d'ensoleillement est suffisant pour s'en passer.

" UN PARTENARIAT AVEC UNE BANQUE POUR DES PRÊTS À TAUX PRÉFÉRENTIELS"

 

Pour un particulier, le coût de l'installation, qui elle n'est pas remboursée, dépend de la configuration du bâtiment, comme le précise Tony Pistarino : "Le chauffe-eau pèse environ 400 kg : si on veut l'installer sur une charpente ou des tôles déjà altérées par le temps, une visite préalable est nécessaire".

Les professionnels ou les particuliers qui louent des gîtes par exemple, pourront, pour leur part, cumuler trois aides : une aide du conseil général de 300 euros pour un chauffe-eau de 154 L ou 500 euros pour 305 L, une aide d'EDM de 500 euros quel que soit le litrage, et une aide de l'Ademe de 0,64 euro par kW évités, c'est-à-dire environ 1.000 euros pour 305 L et 400 euros pour 154 L. Ainsi, par exemple, pour un chauffeeau solaire de 305 L, qui coûte 2.500 euros avec une pose à 400 euros, on déduit 2.000 euros, ce qui revient à un chauffe-eau posé à 1.000 euros seulement…

Delphine Le Page rappelle que ces aides sont inscrites dans le Plan local pour la maîtrise de l'énergie et la gestion des déchets (Pled) de 2008-2014 et que dans ce cadre, "les niveaux d'aides seront révisables tous les ans par les partenaires". Les professionnels ont donc tout intérêt à se dépêcher… En outre, un partenariat de la SCEM avec la banque BFC permettra aux particuliers et aux professionnels de bénéficier d'un prêt à taux préférentiel pour l'achat de chauffe-eau solaires.

S'équiper en chauffe-eau solaire est donc désormais une entreprise rentable pour tous ceux qui ont besoin d'eau chaude, que ce soit pour se laver, faire la vaisselle ou pour le lave-linge. Mais c'est avant tout une démarche qui s'inscrit dans le développement durable de l'île, pour maîtriser la forte croissance de la demande en électricité à Mayotte, de l'ordre de 15% par an, et ainsi participer à l'effort de chacun, particuliers comme professionnels, pour que le réchauffement climatique ne soit pas inéluctable. Par exemple, Frédéric Lefevre prouve que "grâce au soutien de l'Ademe, l'hôtel Les Floralies va mettre en place un chauffe-eau solaire collectif qui va permettre d'économiser 67.000 kWh par an, c'est-à-dire l'équivalent du rejet de 48 tonnes de CO2 dans l'atmosphère."

JULIEN PERROT

 

 

 


 

L'ADEME, UN EPIC AU SERVICE DES COLLECTIVITÉS

L'antenne de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) à Mayotte est ouverte depuis le mois d'octobre 2007. Comme le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) ou l'Ifremer (Institut français de recherches pour l'exploitation de la mer), l'Ademe est un Epic (établissement public à caractère industriel et commercial) qui a des activités commerciales comme des formations payantes ou une activité d'édition. Placée sous la tutelle conjointe des ministères en charge de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, l'Ademe est représentée dans chaque région de France dans le cadre des Contrats de plans Etat-Région. Elle intervient dans le cadre des Contrats de projets et se met au service des collectivités. Créée en 1990, elle est issue de la fusion de plusieurs autres organismes liés à la maîtrise de l'énergie, à la qualité l'air ou à la gestion des déchets. En 2007, son budget s'élevait à 346 millions d'euros, dont 97 millions pour le fonctionnement. A Mayotte, le Contrat de projet 2008-2014 a été décliné sous la forme d'un accord-cadre dénommé Pled (Programme local de maîtrise de l'énergie et de gestion des déchets) entre le conseil général, la préfecture, l'Ademe et EDM. Cet accord prévoit un budget de 11 millions d'euros : 6 millions pour les déchets et 5 millions pour l'énergie. L'Ademe bénéficie de 2 millions d'euros dans chacun de ces deux secteurs, ce qui lui permet de financer par exemple la filière des chauffe-eau solaires.

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