Mayotte : une visite ministérielle pour faire le bilan… et régler les différends ?

En visite surprise à Mayotte pour deux jours, la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, a pu faire le bilan avec les élus et les directeurs d’administration, des mesures prises pour faire face à la crise liée au Covid-19. Sans toujours répondre à leurs questions.

C’est ce qu’on appelle un passage en coup de vent. La ministre des Outre-mer Annick Girardin a atterri à 7h ce mardi sur le tarmac de Pamandzi, en Petite-Terre, après qu’une rumeur, rapidement confirmée, avait enflé la veille sur les réseaux sociaux, au sujet de cette visite officielle surprise. Las, en plus d’être inattendue, cette excursion jusqu’au 101e département ne s’étalera dans le temps : la ministre ne sera sur place que deux jours, avant de s’envoler à nouveau pour Paris. De quoi toutefois faire un rapide bilan des mesures prises pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 à Mayotte.

“Je suis venue pour être aux côtés de ceux qui se battent en première ligne depuis le premier jour”, a expliqué Annick Girardin devant les caméras à la sortie de l’avion. “Je pense aux soignants, mais aussi à tous les autres, ceux qui sont en charge de la sécurité, de l’éducation, Monsieur le préfet, la directrice de l’ARS, et aussi les élus du territoire, les maires, le président de la collectivité, et les parlementaires”, a-t-elle poursuivi. Une visite officielle, qui vise donc aussi à montrer le soutien de l’État, alors que l’île aux parfums est durement frappée par la crise. Avec 1.419 cas confirmés ce mardi, Mayotte, le département d’Outre-mer avec le plus de contaminations, et le seul encore confiné, attire les regards depuis la métropole alors que le pic épidémique ne semble toujours pas atteint.

Un voyage et des renforts

Mais alors, pourquoi un tel mystère ? “Tout s’est décidé il y a seulement trois jours, et nous devions attendre les résultats de nos tests avant d’embarquer”, a justifié la ministre. La petite équipe a pu profiter d’un fret de l’avion présidentiel, venu ravitailler Mayotte en renforts matériels et humains. Ce sont donc aussi les 850.000 masques attendus du conseil départemental, mais également neuf respirateurs supplémentaires et un nouvel automate destiné aux tests qui ont débarqué à l’aéroport ce mardi. Ainsi que, comme convenu, les seize militaires et personnels de santé de la réserve sanitaire, et les deux épidémiologistes venus prêter main-forte aux équipes du CHM et de l’ARS. “C’est un renfort que nous attendions, et ces dix-sept respirateurs sont indispensables pour faire face à l’évolution de l’épidémie ici”, a salué Dominique Voynet, la directrice de l’ARS. La ministre a également annoncé qu’un deuxième avion devait arriver demain avec un million de masques supplémentaires.

Mais Annick Girardin est surtout venue rencontrer les acteurs qui luttent au quotidien contre l’épidémie et la crise sociale et économique qui en découle. À ce sujet, elle avait rendez-vous dès 9h au lycée de Mamoudzou-Nord, avec les directeurs d’administration et les élus, dont elle a remercié la réponse à une invitation tardive. Tour à tour, l’ARS, le CHM, la préfecture, la gendarmerie, le rectorat, la Dieccte, sont venus présenter un bilan de leurs actions depuis la mise en place du confinement et les différents enjeux sanitaires, sociaux, économiques, scolaires, et sécuritaires.

“Volonté d’en découdre”

Sur la sécurité, le chef de la gendarmerie, le général Philippe Leclerc, n’y est pas allé par quatre chemins : “Le couvre-feu a permis de donner un nouveau prétexte à la défiance de la jeunesse, basée non pas sur une revendication sociale, mais une volonté d’en découdre.” Annick Girardin s’était attirée les foudres d’une partie de la population mahoraise après ses propos la semaine dernière devant l’Assemblée sur une baisse de 45 % des faits de délinquance depuis trois mois. Si elle n’est

pas revenue sur son chiffre, elle a profité de cette visite pour redire qu’il y avait une incompréhension entre la statistique, son explication, et le vécu quotidien des habitants. “Mais il n’y a pas un matin sans que je ne tique sur la note qui m’est remontée de Mayotte, et qui me tient au courant des faits de violence sur l’île.” Pour autant, la ministre n’a pas semblé encline à accepter de nouvelles demandes de renforts. “Derrière cette violence, qui a eu lieu ces derniers jours et heureusement s’est tassée, c’est l’ennui. Ce n’est pas de plus de forces de l’ordre dont ce territoire a besoin, c’est de développement économique”.

Des élus sans réponses

Économie, rapatriements, tests… Les élus ont profité de cette visite pour monter au créneau. Roukia Lahadji, la maire de Chirongui, a interpellé la ministre sur l’importante hausse du chômage qui guettait le territoire alors que les mairies auront justement besoin de gonfler leurs effectifs. Dans l’éventualité d’un déconfinement, il faudra du personnel, ne serait-ce que pour rappeler les gestes barrières et garantir la distanciation des enfants dans les écoles, a soulevé l’élue du sud, en demandant davantage de contrats aidés (CEC). Plusieurs élus ont aussi évoqué la question des Mahorais, coincés loin de leur île, en métropole ou à l’étranger. Une dizaine de personnes attendent en effet toujours à Dubaï, tandis que des étudiants en métropole ont vu la date de leur quatorzaine pour un possible retour à Mayotte repoussée. “Oui, je sais que c’est dur de leur demander cet effort supplémentaire”, a répondu la ministre, qui est en train d’étudier les solutions pour rapatrier ces différents groupes. “Mais je vous annonce déjà qu’un vol jeudi va prendre des passagers en grande quantité, entre La Réunion et Mayotte, pour ramener des Mahorais et des Réunionnais chez eux.” Une réponse que le député Mansour Kamardine n’a visiblement pas jugé satisfaisante. L’avocat, un brin provocateur, en a profité pour en remettre une couche, sur les Mahorais de Dubaï, la création d’un hôpital en Petite-Terre, la pauvreté, le nombre de tests, et même sur l’hydroxychloroquine. Car, après tout “si un chef d’État de la première puissance mondiale en prend, je ne vois pas pourquoi ma mère n’en prendrait pas”.

 

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