Les pompiers ont présenté leurs revendications lundi à la présidente du SDIS de Mayotte. Mais avec toujours leur directeur, le colonel Fabrice Terrien, dans le collimateur, le conflit ne semble pas encore prêt à se résoudre.
Difficile de passer à côté sans les voir. À la caserne de pompiers de Kawéni, les baffles crachent toujours leurs notes dansantes et trébuchantes, tandis que les bannières aux slogans tapageurs flottent encore au-dessus des grillages. Certes, les sapeurs-pompiers, en grève illimitée depuis le 24 août, ont rencontré ce lundi la présidente du SDIS. “Nous avons pu avoir un entretien pour tout lui expliquer dans un climat d’apaisement, et elle s’est montrée à l’écoute”, acquiesce entre deux camions peinturlurés Colo Bouchrani, le président du syndicat autonome des sapeurs-pompiers et du personnel administratif et technique au SDIS de Mayotte.
Qui plus est, l’entrevue a pu se faire, au moins pendant un temps, sans leur directeur, le colonel Fabrice Terrien, qui fait justement l’objet des foudres des soldats du feu. “Il était convenu qu’il s’absente pour que chacun à tour de rôle puisse exposer librement les griefs qui motivaient leur revendication sur son départ”, confirme Moinécha Soumaila, la présidente du SDIS au conseil départemental.
23 revendications en attente ?
Pour autant, cette rencontre apaisée n’a pas encore permis d’obtenir la fin du mouvement de contestation. “On n’arrêtera pas de faire grève tant que nous n’aurons pas obtenu un protocole de sortie de crise”, persiste et signe Colo Bouchrani. Ses collègues et lui n’en démordront pas, et ils espèrent bien obtenir gain de cause sur les 23 points de leurs revendications, regroupés en trois axes principaux : le départ du colonel Terrien ; les conditions de vie dans les casernes ; la sécurité sur les lieux d’intervention et dans leurs locaux. Reste que “du point numéro un, découlent tous les autres”, insiste le représentant syndical.
D’après lui, le problème ne date d’ailleurs pas d’hier. “Le directeur est arrivé à l’automne 2018 et dès février 2019, la présidente recevait déjà plusieurs courriers, car nous avons vite pris la mesure du mépris du colonel Terrien”, retrace-t-il. Les pompiers en grève l’accusent de travailler sans les concerter, voire même de bloquer les avancées sur leurs conditions de travail. La rénovation de la caserne de Kahani, dont l’attaque en mai dernier avait mis le feu aux poudres, et la prime Covid dont ils veulent bénéficier plus largement, sont notamment dans leur collimateur. Alors que de son côté, le directeur assurait la semaine dernière dans nos colonnes, avoir présenté un plan de rénovation des locaux et même la construction d’un centre de formation de sapeurs-pompiers à proximité, à Kahani.
Colère “calme”
Pour autant, conséquence ou non de la rencontre de la veille, l’ambiance semblait plutôt apaisée ce mardi matin à la caserne de Kawéni. Sur le pont depuis 7h du matin, les grévistes échangent les blagues et s’amusent à poser drapeau tendu devant la caméra. “Nous, c’est la colère calme… Enfin, le calme avant la tempête”, souligne tout de même l’un d’entre eux. Objectif de cette journée : faire le compte rendu de l’entretien de lundi et préparer les actions futures. “Mais on ne vous dira pas ce qui est prévu, ce sera une surprise”, lâche, un peu taquin, le président du syndicat. Qui promet toutefois d’organiser dans la journée des groupes de travail sur leurs revendications, pour “être force de proposition à la prochaine rencontre”.
Des accusations graves
Désormais, la balle semble donc dans le camp de la présidente. Pour l’instant, aucune date n’a été fixée pour cette nouvelle entrevue. Moinécha Soumaila a en effet demandé aux syndicalistes le temps de la réflexion, pour vérifier point par point les éléments qu’ils ont amenés au sujet de leur directeur. “Il y a quand même des accusations assez graves dans le lot, donc j’estime qu’il faut faire des contrôles. Et c’est le travail auquel je me suis attelée dès hier soir”, assure la responsable, qui explique se donner au moins une semaine pour procéder à ces vérifications.
Sur le reste des revendications, et notamment les conditions de vie, les deux parties ont en tout cas accordé leurs violons. “Pour moi, la plupart sont légitimes, et en général quand j’ai des retours des réunions du CHSCT, je donne mon feu vert”, poursuit-elle. “C’est pourquoi je ne comprends pas encore très bien ce blocage sur la personne du colonel Terrien, qui semble être devenu la seule motivation du mouvement…”.
Et à Kawéni, les slogans ne font d’ailleurs pas dans la dentelle au sujet du si décrié directeur. “Va voir celui à l’arrière du camion, là, il est bien !”, s’amuse ainsi un syndicaliste, en désignant le “Terrien dictateur dehors”, qui orne les portes rouges et jaunes d’un véhicule prêt à repartir en intervention malgré la grève. Difficile dès lors, de voir le bout de cet imbroglio. Surtout à en croire ce sapeur-pompier, qui lâche, avec un clin d’oeil : “Repasse ce soir, on sera encore là !”.
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