Depuis lundi, un arrêté préfectoral impose des restrictions temporaires sur l’eau. Une décision qui fait craindre de nouvelles séries de coupures comme en avait connues le département en 2016-2017.
Safina Soula est une femme préoccupée. Il faut dire que depuis déjà début août, les membres de son collectif constatent avec effroi la baisse rapide de la retenue collinaire de Combani. “Tous les jours, on envoie quelqu’un pour contrôler, et il y a à chaque fois une vingtaine de centimètres d’eau en moins”, s’alarme la vice-présidente des Assoiffés du Sud. Sa plus grande crainte ? Revivre le cauchemar de 2016-2017, et ces fameux “tours d’eau” censés aider le département à supporter la pénurie liée au manque de précipitations pendant la saison sèche. À l’époque, les habitants du sud et du centre de l’île avaient dû vivre deux mois de calvaire, entre décembre et février, marqués par ces mesures de rationnement et ces heures perdues à remplir seaux et bouteilles dès que cela était rendu possible.
Si nous n’en sommes pas encore là, “la situation est quand même assez critique, avec des niveaux dans les rivières et les retenues qui sont assez bas”, confirme Aminat Hariti, la nouvelle vice-présidente en charge de l’eau potable au SMEAM, le syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte. Le niveau des retenues collinaires est en effet à un peu moins de 50% – en 2016, la réserve qui alimentait 84% du sud de l’île était tombée à 20% de sa capacité totale. Des réunions hebdomadaires sont donc prévues avec les nouveaux élus du syndicat, la SMAE et la préfecture pour décider de la marche à suivre.
Des premières restrictions
Pour éviter d’épuiser la ressource trop rapidement, la préfecture a d’ores et déjà pris un arrêté préfectoral qui limite depuis lundi certains usages de l’eau sur le département. Sont concernés le lavage des véhicules, des trottoirs, bâtiments, façades, terrasses, cours, murs et bateaux de plaisance de particuliers, l’arrosage des pelouses, potagers et équipements sportifs ou encore le remplissage des piscines. Des mesures d’économies qui n’empêcheront malheureusement pas les coupures. “Nous n’aurons pas le choix, mais dans un premier temps, nous allons surtout faire ces coupures le soir, et un jour sur sept, puis peut-être un jour sur six si la situation se tend davantage”, explique Aminat Hariti. Le calendrier doit encore être discuté en fonction des localités et de l’évolution des prévisions météorologiques. À moyen terme, le syndicat explore avec l’ensemble des parties prenantes les autres solutions, comme le captage de l’eau en forage et en rivière, tandis que les projets de retenue collinaire d’Ouroveni et de l’usine de dessalement de Grande-Terre peinent encore à sortir de terre.
Une saison des pluies tardive
Des solutions qui ne suffisent pas à rassurer les Assoiffés, qui dénoncent déjà les gaspillages. Dans leur viseur : les rampes d’eau installées par l’Agence régionale de santé pendant le confinement pour permettre aux populations les plus précaires d’accéder à la précieuse ressource. En tout, 12 équipements sont venus s’ajouter aux 63 bornes fontaines
du territoire. Mais “ce ne sont pas les rampes d’eau qui sont responsables des pénuries”, répond Julien Thiria. D’après les relevés hebdomadaires réalisés par les préleveurs de l’ARS, la consommation d’eau aux rampes ne représente en effet que 0,3% de la consommation totale de l’île par jour, et celle aux bornes fontaines 0,5%. Soit moins de 1% de l’eau distribuée qui alimente ⅓ de la population du territoire, sans accès à l’eau dans son logement. “Le problème, ce sont les 6 à 8% d’augmentation des besoins en eau chaque année, une hausse qui provient surtout de la modernisation des ménages”, souligne encore Julien Thiria.
Sans compter que le principal problème réside aussi dans les conditions météorologiques. « Nous constatons depuis quelques années un phénomène de resserrement avec une saison des pluies qui arrive plus tardivement et une saison sèche qui arrive plus tôt », confirme Laurent Floch, directeur de Météo France Mayotte. Les précipitations, qui sont quant à elles plus importantes, notamment au mois de janvier et de février, perdent alors en efficacité car l’eau ruisselle davantage vers la mer. Et les premières prévisions saisonnières laissent présager une saison des pluies tardive, cette année encore.
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