Mars 2008 – Emeutes – La fuite de Mohamed Bacar embrase Mayotte

Ces manifestants exigeaient l’extradition du dirigent anjouanais vers Moroni pour qu’il puisse répondre de ses actes devant la justice comorienne. Le trafic aérien avec l’extérieur a été interrompu toute la journée, de même que les déplacements maritimes entre Petite et Grande Terre.
La question de l’immigration clandestine incontrôlée en provenance des Comores voisines prend une dimension nouvelle cette semaine. Mayotte s’est réveillée ce jeudi matin avec un pied dans le bourbier militaro-politique intra comorien, conséquence directe de la fuite sur son sol du dirigeant déchu de l’île autonome d’Anjouan, le colonel Mohamed Bacar et plusieurs membres de sa garde rapprochée. Une fuite très prévisible qui place la France en porte à faux vis-à-vis de son ancienne colonie, qui la soupçonne depuis plusieurs mois de jouer un double jeu dans cette affaire.
Depuis l’affaire de l’hélicoptère tombé en pleine nuit au dessus du territoire anjouanais la semaine dernière, une tension palpable se lisait dans la très nombreuse communauté des immigrés comoriens à Mayotte, qu’ils soient réguliers ou irréguliers. Ils redoutaient en effet une exfiltration du chef rebelle que l’on disait irretrouvable malgré les recherches entamées par les troupes conjointes de l’Union africaine (Tanzaniens et Soudanais) et des Comores parties le déloger dans son île.
Certains immigrés clandestins n’hésitaient pas à veiller sur certaines parties du littoral mahorais, à l’affût du moindre indice pouvant étayer cette thèse. Ce qui est certain – confirmé par le préfet de Mayotte au cours d'une conférence de presse ce jeudi après-midi à Dzaoudzi – c'est que Mohamed Bacar serait arrivé dans le sud de Mayotte mercredi aux environs de 18 heures, à bord d'une embarcation de type kwassa transportant au total 23 personnes : des membres de sa garde rapprochée, un de ses frères médecin militaire de son état, une sœur et d'autres personnalités dont la préfecture n'a pas souhaité divulguer l'identité.

 

L'aéroport fermé, les barges interrompues

Un des commissaires de police comoriens présent à l'aéroport a lui confirmé la présence du ministre des Finances nommé Mahamoud Duclin. Toutes ces personnes se seraient rendues dès leur arrivée à Mzoizia, au domicile de Daniel Bacar, son jeune frère de nationalité française (celui-là même qui avait défrayé la chronique en 2006 lorsque les Chatouilleuses ont voulu le déloger de la CSSM où il travaille), résidant dans cette localité.
Le colonel rebelle aurait spontanément déclaré sa présence à la brigade locale de gendarmerie qui en a référé à sa hiérarchie. Le colonel de la gendarmerie et le directeur de cabinet du préfet se seraient alors rendus sur place pour constater le fait. La diaspora anjouanaise à Mayotte a très vite eu vent de cette présence encombrante, et un attroupement s'est rapidement formé devant le domicile de Daniel Bacar, faisant craindre pour la sécurité de ses visiteurs.
Les autorités ont ensuite décidé de l'exfiltrer par bateau vers Pamandzi, via la plage de Ngouja, pour éviter les nombreux barrages érigés sur les routes menant à Mzoizia. Il aura juste fallu que Radio Mayotte annonce la présence du colonel Bacar tôt jeudi matin, pour qu’une foule immense se jette dans les rues de la capitale pour manifester sa colère, avec la ferme intention de se rendre en Petite Terre pour essayer d’empêcher son transport annoncé – par avion miliaire – vers l’île de la Réunion.
Devant la tension déjà perceptible et la marée humaine qui bloquait le quai de Mamoudzou, l’équipage de la barge de 7h25 a été contraint de rebrousser chemin vers Dzaoudzi pour ne pas mettre en danger la vie des passagers. Le préfet de Mayotte, Vincent Bouvier, a alors pris la décision de faire interrompre la circulation maritime entre les deux îles jusqu’au départ effectif de Mayotte du chef rebelle. Cette décision a eu pour effet, de perturber la circulation sur l’axe Dzaoudzi-Pamandzi, mêlant manifestants comoriens et travailleurs résidant en Petite Terre qui ne trouvaient pas de moyens de locomotion pour retourner chez eux.

"Rendez-nous Mohamed Bacar, il appartient aux Comoriens qui doivent le juger pour ses crimes !"

Un attroupement s’était déjà formé devant la caserne de gendarmerie de Pamandzi, où des dizaines d’hommes et de femmes originaires d’Anjouan criaient de tous côtés, demandant que Mohamed Bacar leur soit livré pour répondre des actes de violence, de tortures et de viol qu’il aurait ordonné à ses troupes durant cette crise. Les manifestants ont rapidement fait mouvement vers l’aéroport de Pamandzi, où les forces de l’ordre les attendaient de pied ferme, bloquant les différentes issues de l’aérodrome. Des embarcations de la police et de la gendarmerie étaient visibles sur le lagon, à hauteur de la piste d’aviation.
Les manifestants, dont les rangs ont grossi progressivement, ont installé des barrages sur la chaussée pour empêcher le circulation automobile et gêner dans le même temps l’arrivée d’éventuels renforts de gendarmerie. Au bout de la route nationale, au portail permettant d’accéder à une partie du tarmac de l’aéroport, un face-à-face a longtemps opposé immigrés clandestins et gendarmes.
Aux jets de pierres des premiers, les deuxièmes répondaient par l’envoi de grenades lacrymogènes, sous un soleil de plomb. "Mohamed Bacar assassin !", "Mohamed Bacar criminel !", "La France complice des ennemis des Comores", scandait la foule. Des petits caïds ont constitué des cagoules de fortune à l’aide de leurs vêtements pour ne pas être indisposés par les fumigènes et défiaient les gendarmes de manière sporadique, avec des galets qu’ils jetaient dans l’intension de causer des dégâts à leurs véhicules.
Pendant ce temps, la violence est montée de plusieurs degrés chez d’autres manifestants dans les rues de la capitale – visiblement contrariés par le fait de n’avoir pu concrétiser leur projet de se rendre à l’aéroport de Pamandzi – où ils ont mis le feu à des véhicules et s’en sont pris à des citoyens innocents.

 

L'ambassade de France à Moroni prise d'assaut

Des sources policières ont confirmé l’importance de ces dégradations commises sur des véhicules, des bâtiments, obligeant les forces de l’ordre à faire usage de la force pour mettre un terme à ces actions. Comme dans la capitale de l’Union des Comores, Moroni, où des exactions auraient été commises, les anti-Mohamed Bacar s’en sont pris aux intérêts de la communauté métropolitaine. On signale notamment l’incendie des locaux de la Caisse Française de Développement (AFD) et une tentative d’attaque des bâtiments de l’ambassade de France qu’un cordon de militaires comoriens aurait réussi à protéger de la colère d’une foule haineuse. Un regroupement de ressortissants français est également annoncé en vue d’un éventuel rapatriement dans l’Hexagone si cela s’avère nécessaire.
A Pamandzi, la gendarmerie a du faire face à un deuxième front de manifestants vers 11h30, aux abords du lycée, sur le boulevard du général de Gaulle. D’apparence pacifique, cette foule qui s’était massée aux abords de la voie d’accès aux installations aéroportuaires avait cherché, elle aussi, à faire usages de cailloux contre les gardes mobiles, interdisant tout mouvement vers les bâtiments dont celui abritant le chef rebelle anjouanais et ses proches.
Le commissaire de police Hanifi, un des trois officiels comoriens dépêchés dans notre île depuis décembre 2007 pour veiller à ce qu’aucune personnalité anjouanaise recherchée par l’Union africaine ne contourne l’embargo imposé contre Anjouan, a déclaré à la presse que le sort du colonel Mohamed Bacar se jouait à Paris, en haut lieu. L’Union des Comores tentait de négocier avec la France une éventuelle extradition des rebelles vers Moroni.

"La France est un Etat de droit"

Un suspens levé par le préfet au cours de sa conférence de presse : "nous ne méconnaissons pas les lois comoriennes et les accords passés l'année dernière (à Dzaoudzi) sous l'égide de l'Union africaine, mais M. Bacar a demandé l'asile politique. La France est un Etat de droit, nous nous devons d'examiner cette demande. La Constitution française nous oblige à nous pencher sur cette question."
Poursuivant la chronologie des évènements de la journée, Vincent Bouvier a annoncé l'arrivée de renforts par avion : 2 pelotons de gendarmes (46 militaires), 1 compagnie d'intervention de la sécurité publique (30 hommes) et 15 fonctionnaires du GIPN. Les avions sont bien arrivés ce jeudi en fin d'après-midi, transportant également du matériel. Il était 18h40 lorsque Mohamed Bacar et une partie de son entourage ont embarqué à bord du premier appareil militaire arrivé sur l'aéroport à destination de l'île de la Réunion.
Cette décision de transférer l'ancien chef rebelle anjouanais dans le département voisin est expliquée par les autorités préfectorales comme une mesure destinée à faire baisser la tension et à ramener le calme dans l'île. Le représentant du gouvernement à Mayotte s'est voulu rassurant à l'égard de la population, notamment la minorité de M'zoungous qui a été la cible de brutalités, de vols et de prise d'otage de la part de manifestants anjouanais dans la ville de Mamoudzou et à Kawéni. Il a annoncé l'arrestation d'une vingtaine de personnes, dont quelques unes en situation régulière dans l'île et promis des sanctions sévères. "La loi prévoit leur expulsion immédiate."
"Tout sera mis en œuvre pour ramener le calme dans l'île dans les projets jours", a-t-il ajouté. Malgré ce climat insurrectionnel, la première visite à Mayotte du nouveau secrétaire d'Etat à l'Outremer est maintenue pour aujourd'hui vendredi.

Saïd Issouf

 


La fuite de Mohamed Bacar embrase Mayotte
Chronique d’une manifestation aux relents xénophobes

L’information faisant état de l’arrivée de Mohamed Bacar sur le territoire de Mayotte dans la nuit de mercredi a provoqué l’ire de nombreux ressortissants comoriens. Ces derniers ont commencé à se rassembler vers 1 heure du matin dans de nombreux quartiers de la commune chef-lieu. Ils se sont ensuite rendus aux abords de la gare maritime de Mamoudzou tôt dans la matinée de jeudi pour exiger l’extradition immédiate du président de l’île rebelle d’Anjouan vers Moroni.

Place du marché de Mamoudzou, 7h00 du matin. De nombreux ressortissants anjouanais soutenus par quelques grands comoriens prennent possession de la gare maritime de Mamoudzou, arborant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : "Nous voulons son retour aux Comores" (Mohamed Bacar, ndlr) ou en alors "Nous luttons contre la corruption, le racisme et l’esprit satanique de France".
Objectif principal : se rendre en Petite Terre à la préfecture pour demander au représentant de l’Etat le transfert de Mohamed Bacar à Moroni. Devant cette cacophonie, la direction du service des transports maritimes (STM) prend la sage décision de suspendre la rotation des barges afin d’éviter tout incident, empêchant ainsi un certain nombre de travailleurs de se rendre sur leur lieu de travail.
La foule s’amasse de plus en plus et les esprits s’échauffent. Animés d’une réelle volonté de nuire, certains manifestants commencent par bloquer la circulation du rond-point de la place du marché à une heure où la circulation est dense. Aucune intervention des forces de l’ordre n’est perceptible à cet instant. Certains Mahorais s’énervent, déplorant l’inertie des autorités de l’Etat. "Quand il s’agit d’une manifestation de Mahorais, les gardes mobiles interviennent immédiatement", lâche un jeune chef d’entreprise. "Il faut que les autorités françaises arrêtent de jouer un double jeu", martèle une jeune femme excédée de voir la capitale livrée aux "voyous".
Vers 9h00 du matin, la situation prend une autre tournure. Un collègue journaliste de RFO qui cherche à recueillir des informations est pris à partie par les manifestants. Son péché : avoir simplement essayé de faire son métier. Il devra son salut à l’intervention des clients d’un bar restaurant de la place. Le ton monte, les insultes racistes et xénophobes fusent, les poubelles s’envolent. Les voitures garées aux abords de la rocade de Mamoudzou sont saccagées, les pare-brises détruits. La circulation reste coupée. Une fourgonnette de la gendarmerie qui essaye de se frayer un passage sur le rond-point a eu les vitres littéralement explosées à coups de pierres. Pour éviter tout saccage, les commerces et les bureaux la place baissent leurs rideaux vers 9h30.

 

Sale temps pour les Mzungus

La situation vire à cet instant au cauchemar. Les assaillants déterminés à en découdre s’en prennent à tous les Mzungus qui circulent sur Mamoudzou et ses alentours. Toujours aucune intervention des forces de l’ordre à l’horizon. La capitale est sous le contrôle des clandestins. Un jeune métropolitain est passé à tabac à la rocade de Mamoudzou. Son scooter est traîné jusqu’à la devanture de la BFC avant d’être brûlé. Une jeune femme qui aborde la descente du Caribou en moto est également attaquée sans comprendre pourquoi. Elle se fait elle aussi lyncher à son tour. Sa moto est écrasée à coups de galets avant d’être brûlée. Les sapeurs pompiers viendront à sa rescousse.
Des manifestants armés de barres de fer et de cailloux crient "A mort les Mzungus !", "Les Mzungus dehors !". C’est la panique totale dans la capitale. La foule qui s’est amassée aux alentours crie au scandale. "Le préfet doit prendre ses responsabilités", clame un jeune cadre du conseil général. "Si personne ne réagit, la situation risque d’avoir des conséquences dramatiques", renchérit un autre.
Vers 10h00, les forces de l’ordre décident d’intervenir. Trois fourgonnettes de la police font leur apparition sur la place du marché. Les bombes lacrymogènes commencent à pleuvoir comme une pluie torrentielle en période de Kashi kasi. La foule se disperse. Les gens courent dans tous les sens. Certains, plus fragiles, tombent évanouis. En quelques minutes à peine, le rond-point de Mamoudzou se vide, laissant la place à l'épaisse fumée noire des deux motos carbonisées.
Les policiers procèdent à une dizaine d’interpellations. Des poches de résistance se créent de parts et d’autres. Le rond-point de Kawéni ainsi que celui du Baobab sont bloqués. Un militaire du GSMA de Combani à bord d’une fourgonnette s’est fait débarquer manu militari de son véhicule avant d’être molesté devant la caserne des sapeurs pompiers. Sa voiture sera ensuite renversée au milieu de la route et brûlée. Les forces de l’ordre en sous-effectif sont rapidement débordées par les événements.

"Après les Mzungus on s’en prendra aux Mahorais"

La psychose règne dans zone industrielle de Kawéni, poumon économique de l’île et fief des clandestins. Les entreprises ferment boutique et renvoient leur personnel à la maison, quand c'est possible, mais souvent le personnel se terre dans les magasins, les bureaux. La circulation devient quasiment impossible. L’économie de l’île est paralysée à cause d’un groupe d’individus sans foi ni loi dont la seule motivation est de nuire aux intérêts de l’île.
Un groupe de jeunes passablement éméchés se dirige vers la station-service de Kawéni pour y mettre le feu. Heureusement, les forces de l’ordre informées à temps arrivent sur place et mettent en place un cordon de sécurité pour éviter la catastrophe. Au même moment, de l’autre côté, au carrefour de M’tsapéré, un autre métropolitain a été contraint de se mettre à genoux avant de vider ses poches. "Après les Mzungus on s’en prendra aux Mahorais", clament les manifestants.
Un jeune mahorais témoin de la scène monte au créneau, suivi par quelques copains. La tension monte, les coups partent dans tous les sens, pendant que dans la rue du stade une autre voiture, avec toujours un métropolitain, reste bloquée au milieu le pare-brise en éclat.
Les échauffourées ont continué sur Kawéni toute l’après-midi de jeudi opposant les gardes mobiles et les jeunes de Kawéni, bloquant ainsi la circulation sur la route nationale.
Positionnés devant la caserne des pompiers, les forces de l’ordre ont arrosé les hauteurs de Kawéni à coups de bombes lacrymogènes pendant que plusieurs métropolitains restaient cloîtrés, certains chez eux, d’autres chez des amis, craignant de circuler sur un territoire qui est le leur.

Soldat
 

Communiqué du président du conseil général, Ahamed Attoumani Douchina

Au regard des événements très graves survenus ce matin sur Petite Terre et dans la commune de Mamoudzou, j'ai décidé en urgence de réunir cet après-midi l'ensemble des conseillers généraux disponibles. Après un échange d'information sur les graves incidents de ce jour, unanimement nous condamnons de tels agissements qui déshonorent leurs auteurs et portent atteinte à la paix sociale de notre île. La République ne doit pas tolérer que des individus attisent les tensions entre les communautés et tentent de déstabiliser Mayotte.
Par ailleurs, l'administration du CG a fait en sorte de protéger ses biens, ses agents et les usagers notamment du transport maritime.
Enfin, il appartient aux services de l'Etat de rétablir le plus rapidement possible l'ordre public et la protection des biens et des personnes afin que la stabilité et la paix publiques règnent sur notre île.


"Je n'ai pas vu un seul policier pendant tout ce temps"

Nadia* travaille chez un opérateur de téléphonie mobile à proximité du rond-point de Kawéni. Pendant toute la journée de ce jeudi, elle a pu voir des Anjouanais en colère s'en prendre aux Wazungu qui s'aventuraient aux abords de ce passage stratégique, incontournable, vers le nord de l'île. "C'était la plupart du temps des gamins armés de bâtons. Dès qu'un Muzungu passait, ils essayaient de le faire tomber en lui lançant des projectiles s'il était à deux roues ou de casser son véhicule s'il était en voiture. Ils s'en sont pris à une dame qui conduisait sa voiture, ils l'ont faite sortir de son véhicule, et ont commencé à le casser. Heureusement des passants l'ont sauvée en la mettant à l'écart. Du côté de la Poste, ça été la même chose, ils ont fait descendre un Muzungu de sa voiture et l'ont frappé, les pompiers sont intervenus. Le plus étonnant, c'est que depuis ce matin, sauf une fois, je n'ai pas vu un seul policier ni gendarme. Tout le monde a fermé les rideaux et tout le monde a peur."


Tribune libre

La présence physique de Monsieur Mohamed Bacar, ancien dictateur de l’île autonome d’Anjouan, sur le sol de Mayotte a entraîné des réactions de violence condamnables de la part des ressortissants comoriens.
Si les accusations de violation des droits de l’homme portées à son encontre sont fondées, Mohamed Bacar ne doit pas être le bienvenu sur le sol français. Le devoir de la France est de le remettre à une justice équitable pour qu’il réponde de ses actes.
Pour autant les débordements auxquels se livrent certains ressortissants comoriens à Mayotte en ce moment sont inacceptables : je les condamne avec la plus grande fermeté.

Ibrahim Aboubacar,
conseiller général
 

Témoignages
Noémie, d'origine anjouanaise de la commune de Ouani, fief de Mohammed Bacar.

Je travaille sur les hauteurs de Kawéni. J'ai pu voir un gendarme (ndlr, un homme du GSMA) se faire agresser. Il a été sauvé par les pompiers. Une voiture a aussi brûlé, le conducteur a reçu un pavé sur la tête. Les magasins de la zone ont été caillassés. J'ai vu une pierre me passer à deux centimètres de mon visage. Je suis d'accord avec les manifestations qui se déroulent à l'aéroport, même si elles devraient être mieux organisées. Nous devons revendiquer notre droit à voir Mohamed Bacar traduit devant la justice. J'ai des membres de ma famille qui ont disparu. Nous devons obtenir des réponses. Mais nous pouvons manifester avec des banderoles. Casser ne sert à rien. Pourquoi s'en prendre aux Blancs, c'est une affaire entre deux gouvernements et non pas entre des Comoriens et des Blancs. L'amalgame est nauséabond.
De toutes manières, il s'agit de bandes de jeunes qui ne représentent pas la communauté anjouanaise. Ces bandes récupèrent le mouvement. Ils ne comprennent même pas la situation. Si la France ne livre pas Bacar, il existe un risque d'aggravation.

 


Les Comoriens mettent la pression sur la France

L'annonce de l'arrivée, mercredi à 15h à Mayotte du président déchu d'Anjouan Mohamed Bacar, sur qui pèsent des soupçons de tortures et de disparitions d'opposants, a provoqué la colère de la communauté comorienne à Mayotte.
Des manifestations de colère ont explosé à Kawéni, à la barge et au rond-point du Baobab dans la nuit. Elles ont continué toute la journée de ce jeudi. Les Blancs, "symbole du gouvernement français" pour les manifestants, ont été pris à partie de manière très violente. Les motos, scooters et voitures brûlées se multiplient. Des coups et des caillassages ont été perpétrés à l'encontre de citoyens lambda, des forces de l'ordre et aussi des pompiers. Des regroupements de Comoriens étaient recensés dans tous les villages. Ils envisageaient de rejoindre Mamoudzou dans la journée de jeudi.

 



Récit d'une violence

Pendant toute une journée, les professeurs du collège de Kawéni sont restés bloqués dans leur établissement. Ils ont pu voir plusieurs exactions commises contre des Blancs avant d'être évacués à 16h par quatre escouades de policiers anti-émeutes qui ont "nettoyé" les ronds-points de Mega et de SFR à coups de flash ball, cantonnant les émeutiers entre les deux axes. Le pire observé concerne une femme, mère de famille.
A Kawéni, vers 11h30, cette dame vient chercher son enfant en catastrophe lors d'un moment particulièrement chaud. Les enseignants ont essayé de l'en dissuader. Elle a tenté sa chance. Au moment, où elle fait monter son enfant dans la voiture, des gens ont commencé à caillasser la voiture. Les vitres ont explosé alors que l'enfant était à l'intérieur et un chauffeur. Un homme a crevé un pneu arrière à l'aide d'un chombo. Le chauffeur a décidé alors de démarrer en catastrophe, laissant la femme seule devant une meute de jeunes clandestins, prête en découdre. Elle a été tirée par les cheveux, molestée pendant plusieurs minutes. C'est à ce moment là, alors qu'elle tentait de s'échapper vers la station Total, que le personnel de cette société est intervenu. Deux hommes l'ont prise sous leur protection et l'ont emmenée dans station Total. La foule s'est ensuite calmée.

 


Le vice-président de Mohéli désigné pour administrer Anjouan

L'un des vice-présidents de l'Union des Comores Mohéli Ikililou Dhoinine a été désigné pour administrer l'île d'Anjouan dans l'attente de la mise en place d'un gouvernement de transition "d'ici la fin de la semaine", a-t-on appris de source officielle, mercredi à Moroni.
Le vice-président Ikililou Dhoinine représentera l'autorité politique à Anjouan d'ici la mise en place d'un gouvernement de transition sur l'île, révèle la même source. ''Le gouvernement de transition sera mis en place d'ici la fin de semaine", a déclaré sur Radio Comores le porte-parole du gouvernement comorien, Abdourahim Said Bakar, à l'issue d'un Conseil des ministres.
Le vice-président Ikililou Dhoinine, natif de Mohéli (Petite île des îles des Comores) occupe également le poste de ministre de la Santé, de la Solidarité et de la Promotion du Genre.

 


Vendredi 4 avril 2008

Analyse – "La gueule de bois"

Une semaine après le passage éclair de Mohamed Bacar, l’ancien président déchu de l’île autonome d’Anjouan, le Mahorais ne cesse de panser sa plaie, plus morale que physique, mais qui laissera néanmoins des séquelles dans la mémoire collective des habitants de notre île. La zone urbaine de Mamoudzou et Petite Terre est en état de siège depuis les violentes manifestations de jeudi dernier. Les renforts de policiers et gendarmes dépêchés par Paris sont visibles à tous les coins de rues, mais ils n’ont pas réussi à dissiper une peur encore palpable dans tous les esprits des résidents de Mayotte, chacun réalisant être passé tout près du chaos.

L’image de la paisible et idyllique Mayotte a pris un sacré coup à l’extérieur avec le déchaînement de violence que le bref passage de l’ancien dictateur anjouanais a provoqué au sein des populations immigrées anjouanaises vivant sur notre territoire. A l’image d’une personne qui réalise avoir la "gueule de bois" au lendemain de sa première cuite, Mayotte a peur et le confesse volontiers, et si la vie finira par reprendre son cours normal d’ici peu, on peut dire sans exagérer que plus rien ne sera pareil après horrible journée de jeudi 27 mars 2008.
La communauté métropolitaine découvre qu’elle constitue une cible facile dans une île qu’elle croyait pourtant française et francophile, et la population autochtone retrouve intacts ses démons du passé, dont elle croyait s’être définitivement débarrassés en choisissant de demeurer française, contre vents et marrées, il y a une trentaine d’années.
Réflexe compréhensible, une petite partie des résidents métropolitains cède à la panique et quitte le territoire, par crainte d’une complication de la situation au cours des jours à venir. Les investisseurs potentiels paniquent eux aussi, et se demandent s’ils n’ont pas intérêt à aller voir ailleurs, sous des cieux plus cléments. Quand à lui, le Mahorais découvre qu’il est vulnérable sur son propre territoire, que l’ampleur de l’immigration clandestine anjouanaise dépasse de très loin les projections qu’il se faisait, que l’esprit d’humanité qui l’a poussé à accepter vaille que vaille la présence de cette forte communauté immigrée illégale et incontrôlée venait de lui jouer un mauvais tour.
Conscient qu’il ne pourra pas faire l’économie d’une révision de son sens traditionnel de l’accueil et de l’hospitalité, donc de modifier ses propres règles de vie, il s’interroge sur la bonne marche à suivre, fortement tenté il faut le reconnaître à bouter cette menace anjouanaise hors de ses frontières, sans autre forme de procès.
En décidant de fuir les forces tanzaniennes et soudanaises (venues le déloger d’Anjouan sous la bannière de l’Union africaine) et à venir demander l’asile politique à la France en rejoignant le sol mahorais, Mohamed Bacar n’a ni arrangé la situation des victimes de son régime dictatorial, ni les relations déjà très tendues entre l’Union des Comores et la France depuis le début de la crise séparatiste anjouanaise.
Craignant pour leur sécurité et l’avenir du processus de départementalisation de leur île, les Mahorais sont depuis quelques jours tiraillés par une envie de se faire justice et multiplient les réunions dans les quartiers, villes et villages de l’agglomération de Mamoudzou et Petite Terre.

 

Des violences sont à craindre en représailles contre les Anjouanais

Les manifestations d’hostilité à la présence des immigrés anjouanais se multiplient et pourraient déboucher sur une grande marche de protestation, d’autant que les déclarations récentes – imprudentes et provocatrices – du Président de l’Union des Comores, Abdallah Mohamed Saambi, qui s’est félicité de l’heureuse libération de l’île d’Anjouan, avant celle prochaine de Mayotte, n’ont pas été de nature à calmer des esprits forts échauffés par la découverte d’une menace intérieure sous estimée.
Le pire reste donc à craindre, des débordements ne sont pas à exclure dans les prochaines semaines, à moins que les autorités locales ne prennent les devant en décrétant certaines mesures administratives, restreignant les activités des immigrés clandestins. Ces mesures que certains donneurs de leçons ne manqueront pas de qualifier de honteuses et d’inacceptables pour un Etat de droit comme la France, sont – ne leur en déplaise – nécessaires pour ramener la quiétude dans cette île, mise à mal par les conséquences des marchandages de couloir de la diplomatie française, qui n’a jamais voulue être réaliste dans le traitement du contentieux l’opposant aux Comores sur le dossier de Mayotte.
La situation exceptionnelle que la déconfiture de l’Etat comorien fait supporter à Mayotte est dangereuse pour tous et justifie le recours à des moyens d’exception pour éviter une catastrophe à venir. En effet, les violences de jeudi dernier, trop huilées pour être spontanées, ont sans tardé instauré une méfiance entre Mahorais et Métropolitains, ces derniers (et leurs intérêts) ayant été le seule cible des immigrés anjouanais. Des questions fusent de partout, et certains n’hésitent pas à reprocher à l’Etat de ne pas avoir su prévoir et empêcher ce déferlement de violence dans les rues de Mamoudzou, Kawéni et Pamandzi.

 

Ces violences sont la conséquence d’une attitude conciliante de Paris à l’égard des dirigeants comoriens

Dans cette situation, on peut difficilement imaginer que la France, puissance tutrice des Comores, puisse continuer à laisser le désordre politique s’installer durablement dans l’archipel voisin. Ces violences sont la conséquence absolue d’une attitude conciliante de Paris à l’égard des dérives mafieuses des tenants successifs du pouvoir à Moroni au cours des 35 années écoulées. Est-il normal que ce soit toujours Mayotte qui paie le prix de l’inconscience des dirigeants comoriens ? Combien de temps, de drames et de souffrances faudra-t-il encore attendre avant que la France et la communauté internationale ne se saisisse réellement du problème comorien.
Si ces deux parties ne conjuguent pas leurs efforts pour ramener de toute urgence une bonne gouvernance dans l’archipel, toutes les aides financières promises ici et là pour relancer l’activité économique aux Comores, aussi colossales qu’elles puissent être, ne serviront à rien d’autre qu’à accroître un peu plus le malheur des Comoriens. Et avec à la clé, non plus une déstabilisation de la seule île de Mayotte, mais de toutes les îles et pays de la sous-région.
L’encombrant colonel Mohamed Bacar n’est plus là, mais il serait illusoire de croire que son départ en exil (probablement en Afrique du sud d’après ce qui se dit) suffira pour ramener la paix et la prospérité dans l’archipel. Le mal est trop ancré dans une société comorienne qui admire et glorifie depuis 35 ans le pillage de ses deniers publics par une classe politique qui se moque bien du bien-être de ses populations.
Les donneurs de leçons de tous poils qui pullulent à Mayotte ces dernières années feraient mieux de retenir cette réalité et de ne pas se tromper de combat. N’étant jamais mieux servi que par soi-même, le bonheur des Anjouanais ne viendra pas de Mayotte (et des Mahorais), mais des dirigeants comoriens eux-mêmes.

Said Issouf
 

Reconduite aux frontières pour l'ex-président d'Anjouan

L'ancien dirigeant sécessionniste d'Anjouan Mohamed Bacar, assigné à résidence à la Réunion après avoir été chassé du pouvoir la semaine dernière, a affirmé mercredi qu'une "mort certaine" lui était promise s'il était renvoyé aux Comores par la France.
"Une mort certaine m'attend aux Comores. Un de mes beaux-frères a été tabassé et se trouve dans le coma. Mes frères et soeurs sont pourchassés, ils se cachent dans la montagne", a déclaré à Reuters l'ancien homme fort d'Anjouan, à la Réunion depuis le 29 mars. "Je suis ici pour demander l'asile politique, je préfère la France", a-t-il répondu à une question sur son prochain pays d'accueil.
Mohamed Bacar, 46 ans, s'exprimait en marge d'une audience du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, alors que ses avocats mènent une bataille de procédure pour éviter la reconduite à la frontière de leur client et des vingt-deux hommes qui l'ont accompagné dans sa fuite.
Dans la nuit de mardi à mercredi, le préfet de la Réunion avait signé un nouvel arrêté de reconduite à la frontière, élargissant la possibilité d'accueillir les 23 hommes à tout pays où ils seraient légalement admissibles. "L'administration a reconnu sa grave erreur d'avoir envisagé de renvoyer Bacar aux Comores" dans un premier temps, a indiqué Me Marie Briot, un des conseil de l'ancien dirigeant anjouanais.
Me Briot a d'autre part annoncé qu'elle déposerait jeudi un recours contre le nouvel arrêté préfectoral, ainsi qu'une demande d'autorisation provisoire de séjour pour son client, en attendant la réponse de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à sa demande d'asile politique.
Mohamed Bacar et ses hommes, hébergés sur la base aérienne 181 de La Réunion placée sous la surveillance de la gendarmerie, ont formulé lundi une demande d'asile politique à la France et le préfet de La Réunion a demandé à l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) de l'examiner selon la procédure d'urgence. "Je fais confiance à la justice française", a déclaré à l'AFP l'ex-président Bacar venu assister mercredi à l'audience du tribunal administratif. "La Réunion est une île démocratique, sécurisée, où personne ne pourra attenter à nos jours. C'est aussi parce que nous sommes menacés que nous demandons l'asile politique à la France", a-t-il dit.
Si la procédure d'urgence est adoptée, l'Ofpra disposera de quinze jours pour répondre à la demande de Mohamed Bacar et de ses hommes. Quelques manifestants d'origine comorienne s'étaient regroupés mercredi devant le tribunal administratif. "On n'a pas besoin de la France pour juger Bacar", criait l'un d'entre d'eux.

Avec Le Point et l'AFP
 

Trois proches de Bacar condamnés à la prison

Alors que des manifestations violentes anti-Wazungu ont eu lieu jeudi dernier à Mamoudzou, Kawéni et Pamandzi en marge de la venue puis du transfert du colonel Bacar, des proches de celui-ci continuent à arriver à Mayotte. Trois d'entre eux ont été jugés en comparution immédiate lundi soir au palais de justice de Kawéni.

Chat échaudé craint l'eau froide. Ayant constaté les réactions violentes de manifestants anjouanais furieux de voir Mohamed Bacar arriver à Mayotte puis repartir pour la Réunion, les autorités ont choisi de parer à toute éventualité lundi soir aux abords du palais de justice à Kawéni. Un camion de gendarmes au rond-point de la zone Nel et un autre dans l'enceinte du tribunal étaient chargés d'assurer la sécurité des magistrats et des prévenus qui faisaient l'objet d'une comparution immédiate.
Ceux-ci étaient au nombre de trois et tous proches du président déchu de l'île autonome d'Anjouan, Mohamed Bacar. Vers 18h30, ils sont arrivés à bord d'un véhicule de la gendarmerie et sous bonne escorte. Alignés bien en rang, les gendarmes ont encadré les trois prévenus qui ont fait leur entrée dans la salle d'audience avec un sac en jute sur la tête, pour ne pas qu'ils soient reconnaissables.
Toutes ces précautions n'auront pas trop servi puisque seuls trois journalistes ont assisté à cette audience. Mais vu la pluie de critiques qui s'est abattue sur le préfet Vincent Bouvier sur le manque de forces de l'ordre en Grande Terre jeudi dernier, il valait mieux prévenir que guérir. Après avoir demandé aux journalistes de laisser leurs caméras et appareils photos en dehors de la salle et d'éteindre leurs téléphones portables, le président du tribunal correctionnel Alain Mancini, visiblement tendu, a ouvert l'audience.
C'est seulement une fois à la barre que l'on découvre les visages de Mohamed Soumaïla, gendarme et responsable de l'aéroport de Ouani, Mohamed Ridjali, adjoint au commandant d'un peloton de la gendarmerie et de Ridjali Abdou, directeur de cabinet de Mohamed Bacar.

 

Des prévenus inquiets pour leurs familles restées à Anjouan

Les trois hommes sont partis d'Anjouan dans la nuit du vendredi 28 au samedi 29 mars. Ils ont pénétré sur le territoire français sans document valide (visa) et en possession d'armes de guerre. Le procureur de la République Gilles Rognoni a demandé à leur encontre une peine de 6 mois de prison, dont 4 fermes. Venue défendre les prévenus, Me Lebel a mis l'accent sur le fait qu'ils étaient inquiets pour leurs familles restées à Anjouan.
Par ailleurs, elle a souligné que les armes de guerre détenues par les prévenus ont été directement remises aux gendarmes et qu'il n'y a eu aucune intention de s'en servir sur le sol mahorais. Enfin, elle a plaidé pour la prise en compte du fait que les trois hommes s'étaient comportés correctement depuis leur arrivée sur le sol mahorais. Cette plaidoirie a peut-être porté puisque le juge Alain Mancini n'a pas sanctionné les trois hommes selon les réquisitions du procureur.
Mohamed Soumaïla et Mohamed Ridjali ont écopé de 4 mois de prison dont 2 fermes, alors que Ridjali Abdou n'a été condamné qu'à 2 mois de prison dont un avec sursis. Pour ce dernier, Alain Mancini a estimé que la détention d'armes de guerre n'était pas avérée. Les trois condamnés seront mis en isolement à la maison d'arrêt de Majicavo avant d'être transférés dans une prison à la Réunion. Les trois hommes ont demandé l'asile politique à l'instar de Mohamed Bacar. Mais contrairement à ce dernier, le juge n'a pas retenu de vice de procédure, ce qui devrait peut-être calmer les opposants à Mohamed Bacar qui demandent toujours que les caciques de l'ancien régime d'Anjouan soient traduits en justice à Moroni.

Faïd Souhaïli
 

27 Anjouanais demandent l'asile politique

Outre trois proches du colonel Bacar jugés en comparution immédiate, vingt-quatre autres personnes sont arrivées ces derniers jours à Mayotte depuis Anjouan pour demander l'asile politique. La préfecture de Mayotte dément les rumeurs d'arrivée massive de gendarmes anjouanais sur notre île et précise qu'elle a renforcé la surveillance aux frontières, avec notamment la présence d'un patrouilleur de la Marine nationale et d'un hélicoptère de l'Armée de l'air. Douze personnes étaient en garde à vue mardi et douze autres ont été placées en rétention administrative en attendant que leur demande d'asile soit examinée.

 



Après les émeutes de clandestins jeudi dernier
La riposte des Mahorais s’organise

Après les violentes émeutes qui ont secoué Mayotte dans la journée du jeudi 27 mars, plusieurs villages de l’île ont organisé des manifestations hostiles aux ressortissants comoriens. Après Labattoir vendredi dernier, les habitants de M’tsapéré leur ont emboîté le pas en descendant dans les rues dimanche pour réclamer le départ des ressortissants comoriens, ainsi que la destruction de leurs bangas qui donnent une image hideuse sur la commune chef-lieu.

"Nous ne voulons plus de clandestins dans nos champs ! Kavani Sud, Doujani, Massimoni, Mhogoni, Barazi, dégagez de M’tsapéré !", pouvait-on lire sur les banderoles arborées par les manifestants. Parti de la place publique baptisée "Sénat" vers 11h30 ce dimanche, le cortège de 200 personnes environ sous escorte de la police, s’est d’abord rendu sur le site de Doujani 2 pour déloger les clandestins installés sur les terrains de la Collectivité. Les meneurs de la manifestation ont toutefois réussi à calmer les esprits afin d’éviter toute confrontation.
"Il s’agit aujourd’hui d’une manifestation pacifique en guise d’avertissement", lancera un des membres. "On veut leur montrer que nous sommes chez nous, et leur faire comprendre qu’ils doivent rentrer chez eux car la personne qui les faisait fuir sur leur territoire n’est plus là", poursuit-il. Après Doujani 2, les manifestants ont contourné le quartier avant de se rendre dans la rue du collège de Doujani 1 où un léger incident rapidement maîtrisé les a opposés à des ressortissants anjouanais.
Ce nouveau quartier, peuplé essentiellement d’immigrés clandestins qui ont érigé des constructions anarchiques aux allures de bidonvilles sur des terrains appartenant à la Collectivité, a particulièrement attiré l’attention des manifestants. "Aucun Mahorais n’aurait eu le droit de construire un banga sur ces sites qui offrent une vue splendide sur le lagon", déplore un manifestant. "Ce sont les autorités qui cautionnent ces dérives", regrette un autre.
L’ancien président du syndicat des commerçants de Mamoudzou enfonce à son tour le clou : "Je suis allé voir il y a quelques temps le secrétaire général de la préfecture pour lui demander de prendre des mesures à l’encontre des vendeurs à la sauvette aux abords du marché. Sa réponse m’avait anéanti", a-t-il lancé. "Si je les vire de là, ils iront voler dans les villas", aurait déclaré le fonctionnaire de l’Etat.

 

Direction Bonovo, refuge de clandestins

Après un bref arrêt sur le parking du collège de Doujani, le cortège décide de se rendre à Bonovo, un quartier perché sur les hauteurs de M’tsapéré, réputé comme étant un redoutable fief des clandestins. L’agent de police qui escorte la manifestation essaye de dissuader les manifestants de s’y rendre, craignant d’éventuelles représailles. Une demande qui sera rapidement rejetée.
Pour mémoire, un collectif des habitants de M’tsapéré avait saisi le procureur de la République et le commissariat de Mamoudzou il y a quelques mois, pour protester contre les agissements d’un groupe de jeunes en situation irrégulière qui faisaient régner la terreur dans ce quartier en s’attaquant aux femmes et aux enfants avec une meute de chiens. Aucune suite n’a d’ailleurs été donnée à leur requête…
"Bonovo est un quartier de M’tsapéré, personne ne nous empêchera de nous y rendre", clament en cœur les manifestants. "Les familles mahoraises qui habitent dans ce quartier n’excèdent pas une vingtaine", déclare Oiladi. Se rendant compte de la détermination qui anime les jeunes, l’agent de police en tête du cortège contacte rapidement par radio des renforts qui prennent position dans le quartier avant l’arrivée de la foule, afin d’éviter d’éventuels débordements.
Deux camions bondés de gendarmes mobiles armés de matraques et de bombes lacrymogènes étaient stationnés sur les hauteurs. Une présence dissuasive puisque aucun incident n’a été constaté lors de la traversée du quartier, malgré le vacarme tonitruant du mégaphone au message évocateur : "Ne touchez pas à nos mzungus ! Anjouanais rentrez chez vous ! Nous en avons marre !". La manifestation s’est ensuite poursuivie jusqu’au lotissement de Cavani Sud où un nouveau quartier sauvage vient de voir le jour sur les hauteurs. Des constructions illégales érigées sur des terrains en pente à la merci d’éventuels éboulements. Des zones difficilement accessibles qui n’offrent aucune condition de sécurité.
"Il faut qu’ils comprennent que nous n’avons pas besoin d’eux chez nous", lance le jeune Taki, particulièrement remonté, sa femme d’origine métropolitaine ayant failli se faire lyncher dans la journée de jeudi. "Ce n’est pas la première fois qu’ils agissent de la sorte, mais cette fois leur comportement agressif a atteint son paroxysme. Il faut qu’ils rentrent chez eux", conclut-il.

Soldat
 

 

Une délégation reçue par le maire de Mamoudzou et la Préfecture
"Des mesures de fermeté seront prises"

Abdourahamane Soilihi, le nouveau maire de Mamoudzou a fait son baptême du feu lundi en recevant une délégation des habitants de M’tsapéré et Cavani. Objet de cette rencontre : demander au premier magistrat de prendre des mesures pour stopper la cascade de violence et les agissements inacceptables perpétrés par les ressortissants comoriens dans la commune chef-lieu.
Quatre revendications ont été formulées au cours de cet entretien. Tout d'abord le renforcement du dispositif de reconduite à la frontière des personnes vivant sans titre de séjour. Les citoyens en colère ont aussi mis en avant la démolition immédiate des bangas construits illégalement par des clandestins dans la commune de Mamoudzou. Ils demandent à leur 1er magistrat d'interdire à toute personne de laver son linge à la rivière de M’tsapéré qui est dans un état pitoyable à cause des produits en tous genres déversés dedans, et enfin d'empêcher l’accès des vendeurs à la sauvette au marché de Mamoudzou.
Après avoir écouté attentivement les doléances de chaque membre de la délégation, le nouveau maire s’est engagé de manière formelle à prendre des mesures immédiates sur deux points qui sont de sa compétence. La première concernant l’accès à la rivière de M’tsapéré : "je prends un arrêté municipal pour empêcher toute personne de faire sa lessive à la rivière car cela constitue une dégradation de l’environnement", a assuré le premier magistrat.
Pour la seconde – la lutte contre l’accès des vendeurs à la sauvette à la place du marché – le maire a promis "de mettre en place dorénavant une présence permanente des policiers municipaux sur le marché de Mamoudzou", car, dit-il, "ça me sidère de voir les clandestins jouer au chat et à la souris avec les policiers".
Concernant les reconduites à la frontière et la démolition de bangas, M. Abdourahamane Soilihi alias Ladjo s’est engagé à saisir très rapidement le procureur de la République et le représentant de l’Etat afin qu’ils prennent des mesures d’urgence pour régler ce fléau.
Il a cependant exhorté ses administrés à prendre de leur côté leurs responsabilités, car a-t-il ajouté, "tout le monde héberge un clandestin chez soi".
La préfecture a assuré de son côté «que des mesures de fermeté seront mises en place pour lutter contre l’entrée illégale sur le territoire des ressortissants étrangers », en sollicitant "l’aide de la population dans la gestion de cette crise".

Soldat
 

Emeutes du jeudi 27 mars
Le lycée de Kawéni livré à lui-même


Depuis plusieurs années, enseignants et personnels du lycée de Kawéni alertent le vice-rectorat sur les conditions d'insécurité de l'établissement, dues notamment à la quasi absence de clôture. Les émeutes de jeudi, dont le lycée a été en partie le théâtre, ont conduit enseignants et élèves à faire grève pour réclamer une réelle protection. Les travaux commencent.

Jets de pierres sur les véhicules et les personnes, pneus crevés, agressions physiques, un homme blessé à la tête, une femme sauvée in extremis par des Mahorais… Les émeutes de jeudi ? Oui, mais à l'intérieur même du lycée de Kawéni. Mardi matin, enseignants et élèves, unis dans le même combat, étaient rassemblés calmement dans la cour du lycée pour protester contre les conditions de sécurité déplorables que leur offre l'établissement, une situation qui dure depuis plusieurs années.
Premières victimes : les élèves qui suivent des cours dans des locaux extérieurs, que ce soient ceux de l'UFA situés à quelques mètres du lycée même, ou dans les locaux du collège. Ces élèves "sont fréquemment agressés et rackettés depuis plusieurs années", affirment représentants des enseignants et des élèves. Les bandes de Kawéni attendent régulièrement les élèves sur le chemin, particulièrement en fin de journée. Récemment un élève en a été victime et s'est défendu en rendant les coups, la bande en question figurait parmi les casseurs de jeudi, décidée à régler ses comptes.
Car l'insécurité est aussi un problème à l'intérieur : en guise de clôture le lycée ne possède qu'un mince grillage d'un mètre de haut, troué à maints endroits, impossible de savoir qui entre et qui sort, surtout avec seulement trois surveillants. "Certains d'entre nous viennent au lycée avec la crainte de ce qui va arriver, affirme une élève, c'est la banlieue ici, il faut faire quelque chose. Ceux qui sont en TP restaurant se retrouvent parfois à attendre leur bus seuls dehors à 22 heures. Nous voulons être en sécurité dans notre lycée, nous et les prochains à venir."

 

"On nous a abandonné"

Les émeutes de jeudi n'ont fait que mettre en lumière un problème plusieurs fois signalé ces trois dernières années, les violences de la rue se sont déplacées à l'intérieur même du lycée. "Ils sont entrés avec les chombos, les pierres, ont blessé à la tête un des membres de l'administration, plusieurs d'entre nous n'ont du leur sécurité qu'à la protection de leurs élèves, tous unis quelles que soient leurs origines pour défendre leurs enseignants et leurs camarades", racontent les professeurs choqués, qui précisent que la direction a été "exemplaire", le problème vient de plus haut. Ignorants des mesures prises toute la journée par le vice rectorat pour gérer la crise, les enseignants se sont sentis bien seuls.
"Nous avons alerté le vice-rectorat toute la journée, mais ils semble qu'on nous ait abandonné. Alors que le collège de Kawéni était évacué par les gendarmes, nous avons du nous débrouiller seuls toute la journée. Les élèves sont traumatisés, ils ont passé la journée enfermés dans les rares salles qui ont des barreaux, à pleurer." Comble de la journée, le chauffeur d'un des bus qui raccompagnait des élèves à la barge les a fait descendre sur le chemin, exaspéré par leur trop grande excitation. Les jeunes femmes ont fini le chemin à pieds, à 19h, mortes de peur, dans des rues heureusement redevenues calmes.
Décidés à trouver rapidement une solution, les enseignants ont donc écrit un courrier lundi à leur hiérarchie, précisant qu'ils ne pourraient reprendre les cours s'ils ne se sentaient pas, eux et leurs élèves, en sécurité. Le vice-recteur est intervenu dans la salle des profs, son discours n'a fait qu'accroître la colère de ceux-ci, pas assez de promesses et d'actions, qui ont donc utilisé leur droit de retrait et refusé de travailler mardi. Le jour même, un intrus s'introduisait dans le lycée, proférant des menaces. Ceinturé par un professeur, il a réussi malgré tout à fuir les policiers à leur arrivée…

 

Les travaux de clôture débutent immédiatement

"Au départ on voulait organiser une manifestation dehors, pour réclamer des patrouilles de police lors des déplacements d'élèves et aux heures de sortie, et une véritable clôture, racontent les élèves. Les profs nous ont convaincus de faire ça à l'intérieur pour notre sécurité. Nous avons accepté et envoyons certains d'entre nous avec la délégation qui rencontre le vice-recteur." Car mardi le discours a changé. Très tôt le matin, le vice-recteur envoie un technicien étudier les travaux à faire sur la clôture, celle qui devait au départ attendre juillet pour être refaite. Le maire envoie également son adjoint chercher les emplois du temps, pour définir des heures de patrouille des policiers municipaux.
Reçus à 10 heures au vice-rectorat, représentants des enseignants, élèves et parents d'élèves, se sont déclarés "très satisfaits". "Cette fois ci nous avons vraiment été écoutés, et nous avons reçu de vraies réponses, le discours n'était plus le même."
Les travaux de la clôture ont débuté donc dès ce mercredi, les patrouilles de police auront lieu pour protéger les déplacements et les sorties. La carte lycéen, que beaucoup n'avaient même pas pensé à réclamer, servira désormais à trier les élèves des indésirables au portail qui restera fermé. Il aura fallu une émeute et une grève pour que le lycée obtienne gain de cause.

Hélène Ferkatadji
 

Nous nous sommes battus pour le droit à la scolarisation*

Comme toute la population de l'île, nous avons été choqués par la "chasse aux blancs" qui s'est déroulée jeudi dernier. Des dizaines de collègues enseignants nous ont rapporté les agressions insupportables dont ils ont été les victimes. Ces faits sont inadmissibles et nous exprimons notre solidarité à tous ceux qui les ont subis. Nous dénonçons le fait que le collège et le lycée professionnel de Kawéni aient été assiégés durant plusieurs heures et bombardés de jets de pierres. Ces faits ont été commis par des gens se réclamant ressortissants de la communauté anjouanaise.
Nous tenons à rappeler que le Snes, organisation syndicale largement majoritaire chez les professeurs des lycées et collèges, a toujours défendu le droit de toutes les communautés à être traitées dignement, en tant qu'êtres humains. Nous nous sommes battus pour le droit à la scolarisation ou à la santé de tous les habitants de Mayotte. Nous avons toujours combattu tous ceux qui refusaient le principe républicain selon lequel l'école de la République doit accueillir tous les élèves, sans discriminations.
Aujourd'hui nous sommes consternés que des membres d'une communauté s'en prennent violemment à d'autres. Les enseignants de Mayotte, quelle que soit leur couleur de peau, ne sont pas responsables de la présence de Mohamed Bacar sur l'île de Mayotte et s'en prendre à eux sous ce prétexte fallacieux et sous des formes aussi violentes est un acte de racisme insupportable.
Nous tenons cependant à affirmer que notre combat pour la dignité et la tolérance n'en sera pas affaibli pour autant et nous resterons vigilant de manière à ce que ces événements détestables ne soient pas prétexte à la remise en cause des droits fondamentaux à l'éducation pour tous qui continuent, quoi qu'il en soit, à demeurer un principe de base de notre République.

Le Snes de Mayotte
 

Réactions
"Je condamne fermement ces troubles et violences intolérables"*

Les immigrés anjouanais de Mayotte ont perpétré, durant toute la journée du jeudi 27 mars 2008, des violences gratuites contre les biens et les personnes aux alentours de l'aéroport de Pamandzi en Petite Terre et un peu partout à Mamoudzou, le chef-lieu situé en Grande Terre, sous prétexte de protester contre l'arrivée à Mayotte et de réclamer la reconduite à la frontière du colonel Mohamed Bacar, ancien président de l'île d'Anjouan, recherché par les autorités de l'Union des Comores et celles de l'Union Africaine.
De tels inadmissibles troubles à l'ordre public rappellent le douloureux précédent de 2005 qui avait abouti à de graves atteintes à l'intégrité physique de nombreux habitants de notre île et même de certains élus et, surtout, au saccage de la permanence parlementaire du député de Mayotte de l'époque.
L'ampleur des présentes atteintes à la paix publique a été telle que les régulières lignes aériennes de desserte de Mayotte et les rotations de la barge pour relier la Petite à la Grande Terre ont été suspendues.
En ma qualité de représentant de l'ensemble de la population française de Mayotte, je condamne fermement ces troubles et violences intolérables.
Je lance un appel solennel et pressant au Gouvernement pour solliciter un rapide et sérieux renforcement des effectifs de police et de gendarmerie affectés à Mayotte afin de pouvoir prévenir et, en tout cas, remédier plus efficacement à une telle situation à l'avenir.
Je demande aussi instamment à la préfecture de Mayotte de bien vouloir indiquer, à toutes les victimes de violences, les voies et moyens d'obtenir leur juste et effective indemnisation légitimement attendue.

Le député,
Abdoulatifou Aly
 

La Famm condamne les agitations violentes des Comoriens sur le territoire français de Mayotte

La journée du jeudi 27 mars 2008 a été marquée par des manifestations violentes, à Mayotte, par des Comoriens, majoritairement en situation irrégulière. Ces derniers s’en sont pris à la population de Mayotte avec pour principale cible les Métropolitains (Mzoungous en mahorais), ainsi qu’aux biens matériels : voitures brûlées et cassées, magasins saccagés…
La Fédération des associations mahoraise de Métropole (Famm) condamne avec la plus grande fermeté ces agissements haineux et racistes, qui n’ont pas leur place dans un territoire français démocratique comme Mayotte, et espère que le gouvernement mettra tous les moyens pour arrêter les auteurs de ces infractions afin de les traduire en justice pour qu’ils soient sévèrement punis.
La Famm interpelle le gouvernement et lui demande de s’engager dans le respect de ses prérogatives régaliennes afin d’étendre la sécurité de la nation à l’ensemble des territoires français et notamment à Mayotte.
S’il convient de comprendre la frustration de la population des Comores face à l’impuissance de leur gouvernement à instaurer un climat de paix, de stabilité et de développement sur leur territoire, ceux et celles d’entre eux qui ont eu la chance de vivre à Mayotte se doivent de respecter les valeurs de la République et d’être reconnaissant de l’hospitalité mahoraise.
La Famm invite la population mahoraise au calme et l’exhorte à ne pas tomber dans le piège des Comoriens qui n’ont pour objectif que la déstabilisation de l’île française de Mayotte. La Famm condamne également l’attitude de certains dirigeants comoriens qui appellent leurs ressortissants à manifester partout où ils sont. C’est une attitude complètement irresponsable. Enfin, la Famm souhaite un bon rétablissement aux victimes gravement blessées par les manifestants et se rangent aux côtés de leurs familles pour leur apporter son soutien.

La présidente de la Famm
Sitti Binti Moussa Maliki
 


A propos des événements à Mayotte

L’arrivée à Mayotte du colonel Mohamed Bacar et d’une vingtaine de personnes fuyant l’intervention des forces de l’Union Africaine à Anjouan a donné lieu à des scènes de violences et à des exactions inadmissibles et condamnables de la part de certains ressortissants comoriens résidants à Mayotte.
Le Parti socialiste assure les victimes de ces heurts de son soutien et adresse une pensée particulière aux blessés de ces dernières journées.
Il prend acte du transfert de Mohamed Bacar à Saint-Denis de la Réunion, mais constate l’incohérence de l’attitude du gouvernement qui consiste à apporter son aide au gouvernement comorien et à l’Union Africaine pour rétablir l’état de droit à Anjouan tout en "exfiltrant" le principal responsable de la situation; le soustrayant ainsi à la justice comorienne.
Il est grand temps que le gouvernement français clarifie sa position vis-à-vis de la République Islamique des Comores et rompe avec des pratiques coloniales qui relèvent d’autres temps.

Victorin Lurel,
secrétaire national du PS à l’Outremer
 
 

Réactions
Dahilou Nabhane, artiste
Les manifestations qui ont dégénéré la semaine dernière sont à mettre sous la responsabilité du préfet. Cela fait 4 mois que la préfecture de Mayotte prépare l’accueil de Mohamed Bacar, mais à aucun moment on a évoqué les conditions de sécurité. L’Etat français n’avait pas à s’immiscer dans la gestion d’un conflit qui ne le regarde pas. L’hélicoptère qui s’est écrasé au large de Sima à Anjouan en est la parfaite illustration. Ils nous ont fait croire que l’appareil était parti effectuer une mission de surveillance du lagon dans le cadre de la lutte contre l’immigration clandestine.
Mystérieusement, les autorités de l’Etat qui prétendent avoir mis en place un service de contrôle accru sur le lagon n’ont pas vu arriver Bacar et ses acolytes. Il faut arrêter de se foutre des gens. Si on demande le départ des ressortissants anjouanais aujourd’hui, le préfet doit aussi prendre l’avion demain car il a une grande part des responsabilité sur les événements qui ont secoué Mayotte. En montant les Anjouanais contre les Mahorais, c’est une façon de remettre en cause le statut que nous revendiquons depuis des lustres, c'est-à-dire la départementalisation de Mayotte.
C’est vrai qu’au pays des aveugles les borgnes sont rois, mais je ne tolère pas ce que nous venons de subir. Je rends au passage hommage à toutes les personnes qui se sont fait agresser lors de ses émeutes, Mahorais comme Métropolitains, ainsi que ceux qui ont perdu leurs biens. Il faut que les services de l’Etat nous aident à démolir les bangas construits de manière illégale sur les terrains appartement à la Collectivité car nous sommes parfaitement prêts à le faire, mais ce qu’il nous faut c’est leur accord.

Doudou Fire, artisan
J’ai été très choqué et je suis très inquiet par rapport à ce qui s’est passé à Mamoudzou la semaine dernière. Je ne sais pas à qui appartient la défense de ce territoire, mais je ne comprends pas comment se fait-il qu’avec l’effectif en terme de défense dont nous disposons et avec les renseignements généraux présents sur ce territoire, on n’ait pas pu mettre en place un moyen de prévention de ces émeutes au point d’arriver à de tels débordements qui ont duré toute une journée.
Si sur ce point on me dit qu’il n’y a pas eu du laxisme ou du laisser aller, qu’on nous explique clairement comment en est-on arrivé là. Quant à la question des clandestins à Mayotte, je ne connais pas grand-chose dans la loi, mais je crois que ce sont des personnes qui sont sur le territoire sans titre de séjour. Mais je crois aussi que j’ai compris que l’Etat français a mis ou soit disant mis des moyens en radar et en police des frontières qui devraient lutter de manière conséquente contre ce fléau.
Dans les quartiers, on constate que les gens qui sont expulsés reviennent toujours sur le territoire au bout d’une ou deux semaines. Là-dessus aussi je me pose une question. Et pour conclure en ce qui concerne les fameux favelas des clandestins, là-dessus je me pose une question pleine d’inquiétude. Dans nos communes nous avons un grand nombre de décasés, c'est-à-dire des gens qui sont à la rue parce qu’on a démoli leurs maisons pour l’intérêt public, et ils passent en deuxième choix dans les commissions, tout cela en faveur des gens qui sont sur place par occupation illégale de terrains. Tout ça, c’est l’inquiétude des Mahorais.

Ali Abdou, alias Djoe Fils
Je pense qu’instaurer l’anarchie au sein de la République est un acte grave. L’Etat doit prendre des mesures à la hauteur de l’événement. Ce qui s’est passé jeudi dernier est inadmissible, cela a encore souillé l’honneur des Mahorais. Ces événements ont montré l’inertie de l’Etat et l’insécurité qui règne sur ce territoire qui doit être garanti par celui-ci. Cela nous amène à nous poser la question suivante : que recherchent ces gens-là chez nous, viennent-ils pour des raisons humanitaires comme le prétendent les associations de droits de l’homme qui ont brillé par leur silence lors de ces émeutes, alors qu’ils sont les premiers défenseurs des clandestins sur Mayotte.
Des Anjouanais rentraient massivement à Mayotte avant l’arrivée de Mohamed Bacar et continuent toujours d’arriver, même après le départ de ce dernier. Un kwassa a été arraisonné hier après-midi avec à son bord plusieurs militaires et des civils. Cela met au grand jour la proposition de l’ancien secrétaire d’Etat à l’Outremer, M. Christian Estrosi, qui, à mon avis avait vu juste. Cette situation doit être réglée au plus vite pour garantir la sécurité des Mahorais. Si un étranger formule une demande d’acquisition de la nationalité française, que cela se fasse à Paris et non à Mayotte.
Je regrette en outre l’absence de nos élus locaux lors de ces terribles événements qui resteront gravés à jamais dans la mémoire de la population mahoraise et métropolitaine.
S’agissant des bangas construits illégalement, les élus locaux, notamment les maires, doivent convoquer les propriétaires de ces parcelles pour les mettre en garde sur leurs responsabilités et que les terrains appartenant à la Collectivité soient récupérés par celle-ci car il ne faut pas mettre en avant que la responsabilité des Mahorais.
Cela fait la deuxième fois que des événements similaires secouent Mayotte, et je constate avec consternation que la sécurité des Mahorais n’a jamais été à la hauteur, comparée au président déchu de l’île d’Anjouan qui est rentré en kwassa avec une horde de militaires armés jusqu’aux dents et accueillis comme des princes sur notre territoire. Nous avons compris que la France néglige la sécurité des Mahorais. La troisième fois que cela se reproduira, cela risque d’engendrer une guerre civile. Mara rarou mrandoua n’gouyo.

Ali Saïd Saïdina, entrepreneur
En 2001, Abdou Saïd Chanfi alors maire de Sada avait réuni la population de Sada pour les informer des conséquences d'un décret appliqué à Mayotte et concernant les gens qui logent, aident et font travailler des sans-papiers chez eux. Il a exposé les risques d'amendes, de peine de prison, etc. Le soir même, la communauté anjouanaise de Sada s'est réunie sur le front de mer pour se concerter. Les jours suivants, ils ont amené tous leurs effets, lits, bagages, matériel et les ont regroupés sur la place de l'hôtel de ville. Ils ont marché de Sada à Mamoudzou.
À l'époque tout le monde a mis à l'index Sada. A RFO, on parlait de "Sada la honte", les Wazungu nous avaient traités de racistes et de xénophobes. Ce qui s'est passé jeudi dernier, Sada l'avait souligné en 2001.
Aujourd'hui, les clandestins se rebellent et c'est normal. On fait tout pour qu'ils se sentent chez eux, on les emploie dans nos champs, ils construisent nos maisons. Je refuse que l'on rejette la faute de ce qui s'est passé sur le préfet. Est-ce le préfet qui loge ces gens-là ? Chacun doit assumer ses responsabilités, nous aussi Mahorais sommes responsables de ce qui s'est passé. La préfecture doit contrôler les frontières et nous ne pas employer de clandestins. Nous devons tous assumer nos obligations. Les gens qui mettent en cause le préfet me rappellent les Comoriens qui mettent le malheur de leur pays sur le dos de la France. Cela fait plus de 30 ans que le pays est indépendant, plus de 30 ans que tous les présidents sont Comoriens, que les administrations sont dirigées par des Comoriens, que les employés sont Comoriens. Si tout va mal ce ne serait que par la faute des Français ? Il faut arrêter et admettre aussi la responsabilité des Comoriens qui ont mal gérés, pris dans les caisses de l'état, développé la corruption et qui ont conduit le pays à sa situation actuelle.

Saïd Ahamadi dit Raos, président du Parti social mahorais
Aucun chef de parti ne s'est mouillé après ce qui s'est passé la semaine dernière. En revanche quand le ministre est venu, tout le monde s'est exprimé sur la consultation, un sujet que l'on connaît déjà depuis longtemps. Je condamne les débordements qui ont suivi la manifestation des Comoriens contre le président anjouanais. Le PSM s'inscrit dans le respect du droit républicain et a pour devise Mayotte dans la France et non pas dans les Comores.
Malheureusement, toute personne douée de bon sens pouvait prévoir ces événements. Avec des collègues enseignants du collège de M'gombani, nous avons discuté des possibles répercussions sur Mayotte du débarquement de l'armée comorienne à Anjouan. Ni le conseil général, ni la préfecture n'ont pris ces menaces au sérieux. En tant que président du PSM, je condamne ces violences, car elles s'adressaient à tout ce qui est Français. C'est une négation du choix des Mahorais d'être Français. En s'attaquant aux métropolitains blancs, c'est la présence française à Mayotte qui est contestée.
D'ailleurs, le débat des intellectuels comoriens va dans le même sens, je soupçonne une complicité des autorités comoriennes dans ces événements. L'État a les moyens de surveiller les côtes, mais des gens arrivent à Mayotte avec des fusils. Les Mahorais sont victimes de cette situation. J'avais demandé il y a quelques années que les demandes de carte de séjour soient faites à la mairie comme pour les passeports et les cartes d'identité des ressortissants français. Le préfet n'a jamais voulu que les maires aient ces compétences. Du coup les maires ne savent même pas qui est qui dans la commune. Ce serait une manière de sécuriser Mayotte de l'intérieur.
On doit également savoir exactement quels sont les termes de la convention d'assistance militaire liant la France aux Comores. On entend tout et n'importe quoi, le CG n'a aucune information, les parlementaires considèrent le sujet des Comores comme tabou. La coopération régionale doit se faire dans les domaines de l'éducation, de l'économie, de la culture et au niveau social.
La question du visa doit être aussi définitivement étudiée. Le Mahorais aux Comores est vu comme un Comorien, il ne paie pas de visa quand bien même il le souhaiterait, contrairement aux Français blancs. C'est une discrimination, personne ne s'est penché sur cette question. D'un autre côté, il faut de la transparence et expliquer exactement pourquoi certains Comoriens ont facilement le visa pour venir ici et d'autres ne l'obtiennent jamais. Il faut que tout soit clair. Si la coopération, qui est censée être une priorité depuis les Accords de 2000, ne se fait pas, ce seront tous les Français qui seront visés, pas que les Français blancs.
Quant au colonel Bacar, s'il ne décroche pas le droit d'asile en France, il doit être renvoyé aux Comores pour y être jugé. Aucun individu et encore moins Mohamed Bacar ne doivent être au-dessus des lois. Il ne doit pas être envoyé dans un pays tiers, et surtout pas à Mayotte.

Je suis Anjouanaise…*
Je suis Anjouanaise et je fais partie de cette minorité silencieuse qui, parce qu’elle donne l’illusion de la parfaite intégration, se tait pour ne pas déranger si ce n’est pour protéger son petit confort. Mais les émeutes de jeudi dernier nous obligent à sortir de notre réserve.
Car ces évènements sont graves, et pas seulement pour la société mahoraise qui a eu à déplorer vandalismes et agressions de toutes sortes. Je présente pour cela mes excuses les plus sincères, au nom de toute la communauté anjouanaise et comorienne, à toutes les victimes de ces violences. Nous condamnons fermement ces actes intolérables qui vont encore exacerber des relations déjà bien compliquées entre les ressortissants comoriens, qu’ils soient ou non en situation régulière, et le reste de la population mahoraise. Nous osons à peine en imaginer le retour du bâton.
Ces évènements nous interpellent aussi pour une raison toute aussi grave au regard des nombreuses répercussions qu’elle engendre au sein de l’archipel des Comores; il s’agit de la politique comorienne de la France ou pour être plus précis des manœuvres de déstabilisation orchestrées par cette même politique.
En effet, ces événements par leur origine montrent le mépris considérable avec lequel la République française traite son ancienne colonie; sinon comment expliquer les accointances régulières et systématiques entre les tyrans comoriens et les autorités françaises. Faut-il rappeler que le colonel Abed et une bonne partie de ses acolytes, après avoir versé le sang des Anjouanais et vidé les caisses de l’île, ont pu échapper à la justice comorienne grâce à l’aide de Mayotte qui a facilité leur entrée en France métropolitaine.
Comment expliquer qu’un tyran notoire tel que Mohamed Bacar bénéficie d’un traitement digne d’un magnat du pétrole ici sur le territoire de Mayotte ? Sa protection était à ce point si considérable qu’il ne restait plus à Mamoudzou assez de policiers pour assurer la sécurité des Mahorais.
L’accueil, la protection des tyrans comoriens par les autorités françaises est tellement systématique qu’ils en deviennent insupportables. On comprend, aujourd’hui avec le recul, l’assurance affichée de monsieur Bacar qui se savait protégé. Et avant les dictateurs, on jouait du Bob Dénard pour faire ou défaire le pouvoir comorien.
Alors après cela, allez expliquer aux derniers des misérables, précarisés par les agissements de ces mêmes dictateurs, qu’une loi de la République (la même République qui les chasse à coups de triques pour entrée irrégulière) que les responsables de leur misère, eux non seulement peuvent entrer ici par les mêmes voies, sans en être inquiétés, mais qu’en plus, ô cerise sur le gâteau, ils ont droit à un traitement de roi…
La justice et le droit, si souvent évoqués, si ils existent réellement doivent être appliqués à tous et ce sans aucune distinction, autrement on crée une injustice, terreau de tous les désordres.
Monsieur des hautes sphères de la France-Afrique, les Comoriens ont déjà assez maille à partir avec leurs propres dictateurs, ce n’est pas la peine d’y ajouter les affres et la tyrannie de l’impérialisme et du néo-colonialisme; et pourtant si vous tenez absolument à préserver la paix à Mayotte, il serait nécessaire d’expliquer aux dictateurs en puissance qui regardent déjà vers Mayotte comme à une porte de sortie, qu’après leurs exactions, ils doivent se trouver une autre issue de secours. Ayez le courage de mettre fin à ce cynisme, il en va aussi de la sécurité de Mayotte et de toutes les communautés qui y vivent. La France que nous aimons et respectons, celle de Schoelcher et des droits de l’homme vaut bien ce sacrifice. Mais, malgré notre naïveté légendaire, nous n’osons pas nous faire cette illusion.

 


 

L'Etat indemnise les victimes des manifestations du 27 mars

Mise à l'index par de nombreuses victimes des débordements violents du 27 mars dernier, la préfecture de Mayotte veut montrer qu'elle n'est pas indifférente à la sécurité et aux dommages subis par les habitants de Mayotte. Ainsi, sous certaines conditions, l'Etat indemnise les dommages corporels, matériels ou commerciaux causés par des délits commis dans le prolongement direct des attroupements avec usage de la violence.
Pour cela, il faut apporter la preuve du préjudice et de son lien direct avec les attroupements, évaluer et justifier le préjudice, notamment par des factures ou des photos, prouver que si vous êtes assurés, le dommage ne peut être pris en charge par votre assureur (vous pouvez néanmoins faire payer la franchise à l'Etat). Ces démarches peuvent être effectuées par l'assureur lui-même qui doit adresser une demande de quittance subrogatoire par laquelle l'assuré atteste qu'il confie cette tâche à son assureur. Les demandes des indemnisations doivent être adressées au secrétaire général de la préfecture à l'adresse suivante :
Préfecture de Mayotte – A l'attention du secrétaire général – BP 676 – 97600 Mamoudzou.

 


Déclaration du président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi
Sur le site officiel de l'Union des Comores, le jeudi 27 mars 2008

"Il ne reste plus que Mayotte…"

Le président de l'Union des Comores, Ahmed Abdallah Mohamed Sambi s’est adressé à la nation jeudi 27 mars au soir, en langue nationale, à l’occasion de la cérémonie de Maoulid du Palais de Beit-Salam. "Nous venons de remporter une immense victoire. Ne laissez personne gâcher votre joie, ni voler votre victoire" a déclaré le chef de l’Etat, repris sur le site officiel de l'Union des Comores, jeudi dernier, au soir des graves évènements ayant enflammé Mayotte.

Comme il est de tradition, le chef de l’Etat a d’abord chanté les louanges de Dieu et imploré le salut et la paix pour le prophète Muhammad, sa famille et ses compagnons. Il a ensuite prié pour toutes les Comoriennes et tous les Comoriens, de l’intérieur et de la diaspora avant d’entamer son discours dont nous vous livrons ci-après, la traduction.
"Mes chers compatriotes,
Muhammad, que la Paix et le Salut soient sur Lui, qui fut le meilleur des Prophètes, le meilleur des maîtres, le meilleur des époux, le meilleurs des cadi, le meilleur des éducateurs, la meilleure des autorités, était issu de la meilleure descendance.
Celui pour qui nous nous rassemblons toutes ces nuits, était, de toute l’Histoire, le meilleur, et le plus pur de tous les Hommes. Relater sa vie qui était toute une leçon, demanderait alors plus qu’une nuit, des jours et des mois.
Mais puisque nous venons de remporter une éclatante victoire, puisque Dieu vient de nous prouver son amour pour notre pays, puisque les saints hommes de ce pays, du passé et du présent, viennent de nous prodiguer de leur protection, il convient alors d’évoquer en cette occasion un seul des aspect de la vie du prophète : son attitude et son comportement en cas de victoire.

Mes chers compatriotes,
Nous venons de remporter une immense victoire. Notre armée et nos alliés ont libéré l’île d’Anjouan, consacrant ainsi sa réintégration au sein de la République. Oui, malgré le désir de certains, une grande victoire a été remportée. Plus que la victoire, nous ne déplorons aucun blessé ni aucun mort parmi nos soldats, malgré les armes lourdes déployées et utilisées de part et d’autre. Il s’agit d’un miracle de Dieu.
"Lorsque vient le secours d’Allah, ainsi que la victoire et que tu vois les gens entrer en foule dans la religion, d’Allah, alors , par la louange, célèbre la gloire de ton Seigneur et implore Son pardon. Car c’est Lui le Grand Accueillant au repentir"

Comoriennes, Comoriens,
Je vous demande de ne laisser personne gâcher votre joie, ni voler votre victoire.
Il est vrai que nous ne réalisons pas encore ce grand événement dont il faudra des mois, voire des année pour en mesurer la portée.
Ce qui a été réalisé, nous en avons payé le prix par nos invocations. Tous les Comoriens, à l’intérieur du pays et à l’extérieur, ont en effet prié pour notre armée. Alors ce qu’il convient de faire lorsque Dieu nous a accordé Sa miséricorde, c’est de Lui rendre grâce.
Ce qu’il convient de faire alors, c’est de ne laisser personne voler notre victoire.
Je dis cela parce qu’aujourd’hui même, celui-là qui a ordonné les tortures sur nos compatriotes et qui a humilié le pays, s’est réfugié à Mayotte.
Je dis cela parce que tous les Comoriens ont manifesté leur colère envers les autorités françaises de Mayotte qui l’ont accueilli.
Manifester est un droit et personne ne doit, ne peut vous en empêcher. Alors vous pouvez manifester. Mais nous ne devons en aucun cas encourir des reproches en le faisant. Ainsi, vous pouvez déployer vos banderoles et dire aux Français qu’ils ne doivent pas accueillir un tel personnage. Mais de grâce, pas d’insultes, pas de jets de pierres, surtout à l’encontre de ressortissants étrangers dans notre pays.
Des mandats d’arrêt ont été délivrés. Le gouvernement a demandé l’extradition. Il appartient à la France de tenir compte de ce qui s’est passé à Ngazidja, à Ndzouani, à Mwali, à Maore ainsi qu’à la Réunion et en France. Le gouvernement français doit comprendre que les Comoriens soient mécontents.
On nous rétorque l’existence de la peine de mort dans notre pays. Alors je demande qu’il soit envoyé là il n’y a pas de peine de mort, à Arusha ou à La Haye, mais qu’il soit jugé pour ses crimes. J’ose espérer que ce message sera entendu. J’ai appris que le dossier était à l’étude. Mais aucune réponse ne nous a encore été donnée.
Alors manifestez dignement : ne vous en prenez ni aux personnes ni aux biens. Donnons l’exemple et faisons la démonstration que les Comoriens sont des gens civilisés qui réclament leurs droits. Car certains n’attendent qu’un léger égarement de notre part pour transformer notre victoire en défaite.

Mes frères, aujourd’hui notre espace territorial et aérien est entre nos mains. Il ne reste plus que Mayotte que nous n’obtiendrons pas de la même façon. Notre guerre sera dans ce cas, le droit international et la sagesse. Alors nous serons sûrs d’avoir gain de cause.

Frères Mahorais,
Vous devez comprendre que tous nos malheurs passent par Mayotte pour nous arriver. Or Mayotte est notre territoire, à vous et à nous. Son espace territorial et aérien appartient aux Comores. Mais j’espère que l’occasion nous sera donnée d’aborder ce sujet ultérieurement.
Pour le moment, les Comoriens doivent savourer leur victoire et ne pas laisser œuvrer la "fitna". Ils doivent savoir que l’extradition de Bacar ne rime pas avec le saccage et le vandalisme.
Mes amis, j’ai été agréablement surpris de vous voir tous, pour célébrer l’amour que Dieu a pour nous. Le débarquement nous a rassemblé. La victoire nous a rassemblé. L’exigence de l’extradition de Bacar nous a rassemblé.
Alors nous devons imiter le Prophète en pareille circonstance. Lui qui a été humilié, taxé de folie, subi les pires exactions jusqu’aux tortures physiques, forcé à l’exil, a été contraint à la guerre et eut une dent brisée aux cours d’un combat.
Suivons son enseignement, car "à côté de la difficulté est, certes une facilité". Prenons exemple sur lui et sur son comportement le jour où, par une attaque massive et surprise, il entra victorieux à la Mecque. Il rassembla alors tous ses tortionnaires et les assassins de ses compagnons et leur tint ce langage : "à quoi vous attendez-vous de ma part aujourd’hui ?". Ils répondirent : "que du bien, car vous êtes un noble frère et le fils d’un noble frère". Alors le prophète leur dit : "allez votre chemin, vous êtes des hommes libres".
Ainsi le Prophète a pardonné. Prenons cette leçon car le pardon est un signe d’humanité et de grandeur d’âme. Certes, certains ne méritent pas le pardon. Mais il y a les pions et les responsables. Alors à grande victoire, grand pardon. Ne laissons pas filer notre chance car même au milieu de l’atmosphère de ces derniers jours, des investisseurs arabes sont arrivés dans notre pays.

Pour terminer, je dis grand merci à nos soldats sur qui je vous demande, mes chers compatriotes de prendre exemple et grand merci à nos alliés. Nous sommes fiers de vous tous. Le jour viendra où nous vous exprimerons solennellement la reconnaissance de la Nation. Mais votre salaire appartient à Dieu qui récompensera dans ce monde et dans l’au-delà. D’ores et déjà, je vous annonce que le 25 mars sera désormais célébrée comme la journée de l’Armée Comorienne.
Je remercie les pays alliés et je leur demande de poursuivre l’œuvre commencée, en nous aidant à bâtir notre pays.

Quant à vous, honorable assistance, je vous remercie et je vous demande d’être mes porte-parole auprès de nos concitoyens en général et de nos jeunes en particulier, pour leur dire de refuser la transformation en défaite, de notre éclatante victoire.
Dieu dit "si vous êtes reconnaissants, Je vous augmenterai (ma grâce).
Que la Paix, la Miséricorde et les bénédictions d’Allah soient sur vous.

Sambi en Syrie
Le président Sambi a quitté Moroni jeudi soir après son discours, à destination de Damas où il prend part à la 20ème session du Sommet de la Ligue des Etats Arabes. La situation aux Comores, entre autres, figure à l’ordre du jour de ce Sommet.
Le président de l’Union des Comores qui a été, parmi les dirigeants arabes, le premier arrivé à l’aéroport international de la capitale Syrienne, a été a accueilli par le Président de la République Arabe Syrienne, Son Excellence Monsieur Bashar al-Assad.
Après la cérémonie d’ouverture du Sommet, samedi, le Chef de l’Etat Comorien s’est adressé à ses homologues arabes pour leur parler, notamment, de la victoire que vient de remporter l’Armée Nationale de Développement et les forces de l’Union Africaine à Anjouan et pour en appeler à la solidarité arabe pour la construction du pays.
Le président Sambi n’a pas manqué d’aborder les crises qui secouent plusieurs pays du monde arabe : Irak, Somalie, Soudan et la question palestinien. Le discours du chef de l’Etat, "d’une rare qualité, de part la pertinence des propos et l’éloquence linguistique, émaillée de vers poétiques, a été très applaudi", se félicite son site internet. Sa traduction vous sera proposée sur ce site, dès qu’elle sera disponible.

* titre de la rédaction

Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.

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