Mars 2007 – Éducation – La vie des étudiants mahorais en Métropole

900 lycéens et étudiants

 

Ils sont près de neuf cent étudiants et lycéens mahorais à partir chaque année pour la métropole pour poursuivre leurs études, courtes ou longues. Cette forte augmentation est liée à une condition sine qua non pour ces jeunes mahorais en quête d’un diplôme et d’un avenir meilleur plus tard. Quitter son pays et partir vers l’inconnu, surtout pour quelqu’un qui n’a jamais quitté sa terre natale, n’est point chose facile. Comme dit l’adage, celui qui veut voyager loin ménage sa monture.
Ainsi, les étudiants comme les lycéens ont pour obligation de constituer un dossier de logement et de bourses nationale et locale, faire des demandes d’admission auprès des universités et lycées… la totale, comme l’exige la direction des Affaires sociales et universitaires avant même de partir pour l’Hexagone. Seulement voilà, pour la plupart de ces étudiants, le bonheur est de courte durée. Une fois l’euphorie du départ passée, ils se rendent rapidement à l’évidence que là-bas la réalité est toute autre. Gestion de leur budget, installation, adaptation, autonomie, études… Les difficultés s’accumulent, le choc est important pour certains et beaucoup échouent.

 

Cela fait déjà quelques années que le vice-rectorat et la Dasu travaillent de concert afin de persuader certains étudiants de rester à Mayotte, au moins pour les deux premières années de leurs études supérieures et par la suite aller continuer leurs études ailleurs. Mais les jeunes bacheliers rechignent devant des formations proposées sur place et optent pour l’Hexagone. « Les orientations ne sont pas diversifiées dans l’île. Du coup on n’a pas l’embarras du choix. En métropole, tu as toute une panoplie de formations et heureusement pour nous les Mahorais car ça nous permet de poursuivre les études qu’on a toujours rêver de faire ».
Beaucoup de jeunes mahorais tiennent ces mêmes propos, mais est-ce la seule raison qui les incite à plier bagage ? « En métropole, il y a cette liberté que nous n’avons pas chez nous. Les parents ne sont pas là pour nous surveiller. Nous avons le champ libre. Mais à côté de ça, nous n’essayons pas d’oublier que nous sommes-là pour les études. On n’a pas à se priver du divertissement, mais les études priment avant tout », avancent certaines étudiantes, plus sérieuses que d’autres.
En effet, les études priment avant toute autre chose. Mais les résultats des étudiants et lycéens mahorais restent catastrophiques par rapport à ceux de leurs homologues ultramarins ou hexagonaux. Les étudiants mahorais sont les plus mauvais élèves de l’Outremer. Comment expliquer cela ? Est-ce l’adaptation au climat, les retards dans le versement de la bourse, ce trop plein de liberté soudaine, le fait de squatter chez un compatriote à défaut d’un logement ou encore le niveau scolaire au départ… qui seraient à l’origine d’un taux d’échec alarmant ? Autant de questions qui méritent des réponses. C’est l’objectif de ce modeste dossier et à travers quelques portraits, on distingue des problématiques communes, des pistes pour essayer d’améliorer cette situation.
Heureusement, devant ce constat et comme une lueur d’espoir, une frange de ces étudiants, même si elle est minime, arrive à tirer son épingle du jeu. Malgré les conditions parfois difficiles en matière budgétaire, malgré une adaptation brutale et ces 10.000 km qui les éloignent de leurs proches, ils ne baissent pas les bras et se reposent sur l’espoir d’aller jusqu’à la consécration de leur objectif : décrocher le sésame, le diplôme qui leur permettra de travailler dans le domaine escompté. Des réussites brillantes sont là pour témoigner.
Certains n’hésitent même pas à partir à l’international, dans le cadre d’un programme Erasmus, pour approfondir les langues et pourquoi pas rester là-bas et y travailler. L’Espagne, le Royaume-Uni, le Canada et les Etats-Unis ont la côte à l’heure actuelle. Pour ceux qui n’ont pas les moyens ou plutôt cet engouement pour l’étranger, qu’ils aient réussi ou pas, ils préfèrent soit rester en métropole pour quelques années encore, soit retourner au pays pour apporter, à leur tour, leur pierre à l’évolution de Mayotte.

 

Souraya Hilali

 

 


 

Aides de la CDM

 

Les étudiants mahorais ne sont pas démunis

 

Les études c’est cher, personne ne vous dira le contraire. Mais curieusement, si le revenu des familles mahoraises et très souvent inférieur à celui des métropolitains, les lycéens et étudiants mahorais eux s’en sortent plutôt bien. Les aides octroyées par la Collectivité, en plus de la bourse nationale et éventuellement des APL, assurent à nos jeunes étudiants loin de chez eux un budget qui peut sembler suffisant.

 

Quitte ou double, c’est à peu près de cette façon que se joue le financement les études d’un jeune mahorais en Métropole ou à la Réunion, mais c’est plus souvent double que quitte. Première étape, à partir du mois de janvier, la demande de bourse nationale, auprès du Crous pour les étudiants et du ministère de l’Education nationale pour les lycéens. Si la bourse est attribuée, et elle l’est pour la majorité des Mahorais compte tenu des revenus de leurs parents, ceux-ci obtiennent automatiquement le droit aux aides du Conseil général.

 

Les aides aux lycéens

 

Pour les lycéens, la Dasu verse une allocation d’études de 1.830€, ainsi qu’une aide au loyer de 2.562€, une aide de 290€ pour la caution et l’assurance, 60€ pour les frais de transports à l’arrivée et une allocation vacances de 442€ pour ceux ne bénéficiant pas du billet d’avion pour Mayotte. Enfin, les primo partants obtiennent 732€ en supplément. Au total 4.742€, soit 395€ par mois, sans compter l’allocation vacances. Ceci à ajouter à la bourse nationale qui varie entre 120 et 400€ selon les revenus des parents, assortie d’une prime d’installation de 250€ et d’une prime pour les formations technologiques d’environ 350€. Enfin, les APL versées par la Caf prennent en charge une partie du loyer.
L’allocation de la Dasu est versée chaque trimestre. Tout lycéen peut obtenir un billet aller/retour pour Mayotte pendant les vacances d’été, la demande doit être accompagnée d’une attestation de l’organisme bailleur du logement, indiquant que le lycéen est à jour du paiement de ses loyers.

 

Les aides aux étudiants

 

Pour les étudiants, la bourse de la Dasu est de 2.136€ pour l’année, augmentée d’une indemnité d’habillement de 457€ pour les primo arrivants. La bourse nationale est beaucoup plus conséquente que celle des lycéens. A l’échelon le plus haut, qui correspond à la majorité des revenus mahorais, elle est de 3.661€ pour l’année, c’est-à-dire 400€ par mois, d’octobre à juin, sachant que les étudiants ultramarins ont droit au « quatrième terme », le versement des mêmes mensualités pendant les grandes vacances, même s’ils bénéficient d’un billet d’avion pour Mayotte. Au total donc environ 580€ par mois toute l’année. Les APL permettent de payer un loyer d’une centaine d’euros par mois au maximum. Grâce au Passeport mobilité, les étudiants ultramarins bénéficient également d’un billet aller/retour tous les étés.
Précisons que la bourse nationale est soumise à l’assiduité des étudiants, contrôlée par les universités. En cas d’absentéisme trop prononcé, la bourse s’arrête, de même que les aides de la Dasu.

 

« Les plus avantagés »

 

« Les étudiants mahorais sont les plus avantagés. C’est une chance que d’autres n’ont pas de pouvoir rendre visite à nos familles à chaque vacance d’été. » Ces propos sont extraits d’un message déposé par un étudiant mahorais en Métropole, sur le forum de mahonet.org, en réponse aux plaintes de nombreux étudiants contre la bourse de la Dasu.
« Je pense que l’on devrait plutôt prendre nos responsabilités et réaliser la chance que nous avons d’avoir ces deux bourses. Posez la question a un métropolitain ou un étranger quelconque combien il gagne par mois. (…) Nous n’assurons pas du tout dans tous les domaines, les échecs se multiplient tous les ans et au lieu de trouver des solutions, on s’acharne sur la Dasu. Heureusement que la Dasu ne demande pas de justifier de toutes les dépenses parce que ça serait très grave. N’oublions pas que la décision de partir en métropole n’engage que soi-même. (…) Vous vous rendez compte que la Dasu est obligée de menacer de couper la bourse à des étudiants de 20 ans et plus, censés être responsables et surtout quand il s’agit de leur avenir pour qu’ils suivent les cours ? C’est une réalité qui fait honte. »
Ces propos peuvent être opposés à d’autres qui témoignent d’un retard constant des bourses versées par la Dasu, ce qui entraîne de nombreux problèmes de retard de paiements de loyers, d’électricité, de même que l’impossibilité de payer les titres de transports ou la nourriture. Il est indéniable que la Dasu a des torts, cependant les sommes touchées par les Mahorais tout au long de leurs études sont enviables pour de nombreux étudiants métropolitains, qui pour beaucoup travaillent pour payer leur scolarité.

 

Hélène Ferkatadji

 

 

 

Portrait d’étudiants mahorais en métropole
Tsiadino ou la réussite dans l’ambition

 

En métropole, il y a ceux qui « galèrent », avec des soucis financiers grandissants, des problèmes d’adaptation dont les conséquences sont plus que visibles sur le plan des études. Selon certaines sources, près des ¾ des étudiants mahorais sur le territoire national échouent leurs premières années d’étude. On évoque souvent comme cause ces problèmes d’intégration, mais aussi ceux liés à l’orientation, au choix des études. Mais il y a aussi ceux dont on ne parle pas beaucoup, ceux qui réussissent et qui se donnent les moyens de réussir. Parmi ces rares étudiants à qui la chance sourit, il y a par exemple Rakotondrahaso Faneva Tsiadino.

 

Originaire de Dzoumogné dans la commune de Bandraboua au Nord de Mayotte, Faneva Tsiadino entame sa sixième année en métropole et plus particulièrement à la Faculté de droit de Montpellier où il prépare actuellement un master II en droit public financier. Après son Deug AES (administration économique et sociale, ndlr), filière convoitée par beaucoup de jeunes mahorais, Tsiadino a passé avec succès sa licence d’administration et gestion territoriale, puis un DU (diplôme universitaire, ndlr) en droit du sport. Et il ne compte pas s’arrêter là puisqu’il souhaite après l’obtention de son master, tenter sa chance en thèse, « si la motivation subsiste, ou me rabattre sur les concours de la fonction publique en retournant travailler à Mayotte », nous informe-t-il avec beaucoup de motivation.

 

« Malgré quelques lenteurs administratives je n’ai pas de problème avec la Dasu »

 

Comme la plupart des étudiants mahorais en métropole, Tsiadino est pris en charge par la Dasu (direction des affaires scolaires et universitaires, ndlr) qui lui octroie le fameux complément de bourse s’élevant à 588 euros. Et s’il bénéficie de l’aide de la Collectivité départementale de Mayotte (CDM), c’est qu’il est boursier sur le plan national avec la bourse sur critères sociaux octroyée par le Crous (Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires, ndlr) échelon 1, d’un montant total de 1.355 euros pour l’année universitaire (9 mois), soit une aide mensuelle s’élevant à 150,55 euros.
Et comme tous les boursiers pris en charge par la Collectivité, le jeune chercheur bénéficie également du 4ème terme, l’aide complément de la CDM qui s’élève à 451,65 euros. Cette dernière, correspondant à trois mois de bourses à échelon 1, est versée à la fin de l’année universitaire vers le mois de juillet à ceux qui continuent leurs études. Ce qui fait que Tsiadino, comme tout étudiant mahorais en métropole bénéficiant d’une bourse sur critères sociaux à échelon 1 reçoit une aide annuelle s’élevant à 4.158,65 euros.
D’autres, ceux qui bénéficient d’une bourse nationale à échelon 5 peuvent aller jusqu’à 5.470 euros par an. Il faut aussi savoir que le dispositif Passeport mobilité permet à nos étudiants ultramarins de bénéficier d’un billet d’avion aller-retour chaque année pour rendre visite à leurs familles.
Alors, avec toutes ces aides et celles de ses parents, Tsiadino ne se considère pas comme le plus mal loti car il est évident que certains n’ont aucune aide et se retrouvent souvent dans l’obligation de travailler à côté pour payer des études qui, visiblement, coûtent de plus en plus cher. Et concernant la gestion par la Dasu des dossiers des étudiants mahorais en métropole, Tsiadino pense qu’ »ils font ce qu’ils peuvent avec les moyens du bord. Bien sur, tout n’est pas parfait, loin de là ! Mais ça avance par rapport à nous qui sommes partis depuis longtemps. Je trouve que les nouveaux sont mieux aidés. Par exemple, il y a 6 ans on nous donnait le billet et on nous disait « bon voyage ». Maintenant la Dasu donne quand même une petite enveloppe financière ».
Une enveloppe de plus de 470 euros, donnée aux candidats au départ pour une première installation en métropole. « Sincèrement, malgré quelques lenteurs administratives je n’ai pas de problème avec la Dasu », indique ce jeune étudiant. Chose rare puisque beaucoup d’étudiants se plaignent de la qualité des services dispensés par cette dernière.
Et comme peu d’étudiants mahorais en métropole, Tsiadino vit en cité universitaire, un lieu propice au développement intellectuel. Mais pour lui, « ce n’est pas un choix, je prends ce qui m’est proposé ». Ce qui ne l’empêche pas du tout de sortir et de fréquenter le milieu associatif communautaire comme l’Association des étudiants mahorais de Montpellier (AEMP) qui organise chaque année une journée culturelle pour faire découvrir à leurs compatriotes m’zoungous et autres la culture mahoraise à travers des festivités folkloriques (avec des mbiwis etc.), du sport, une soirée dansante…
Cet évènement s’est même imposé comme le plus grand rassemblement des Mahorais du Sud, voire même de l’hexagone entier. Cette année, la journée culturelle est prévue pour le 24 février prochain et tous les Mahorais sont bien évidemment invités à s’y rendre. Quant à Tsiadino, il regrette que les jeunes mahorais n’arrivent pas à se focaliser sur l’objectif premier : les études. Ca permettrait que « notre taux d’échec soit moins important ».

 

R.T Charaffoudine Mohamed

 

 

 

Les BTS renvoient l’ascenseur

 

Au lycée Jean Moulin, les BTS assistants de direction ont besoin de trouver deux fois six semaines de stage en entreprise durant les deux ans de formation. Pas si simple ! Même si les stages ne sont pas rémunérés*, les entreprises rechignent parfois, hélas, à intégrer des étudiants dans leurs équipes. Les élèves cherchent dans le département des Deux-Sèvres ou chez les voisins dans la Vienne. Le parcours est encore plus rude pour les élèves de Mayotte (Mayotte a été française avant Nice) qui ne disposent pas, sur place, des relations familiales qui permettent d’adoucir les obstacles. Pourtant, ces élèves sont aussi efficaces et dévoués que les autres.
Récemment les étudiants ont remercié les maîtres de stage qui ont bien voulu les accueillir, ceux qui se sont souvenus qu’il faut parfois donner un coup de pouce à la jeunesse. Radhuia Abdou et Nadége Bodin ont organisé cette chaleureuse rencontre grâce à laquelle les enfants ont adressé leur gratitude à ceux qui leur ont tendu la main. Café, jus de fruit ont été servis et paroles aimables ont accompagné les croissants.
* Parfois un patron leur donne quelque émolument.

 

Philippe L’Excellent
Article paru cette semaine dans La Nouvelle République du Centre-Ouest

 

 


 

Le Guide de l’étudiant mahorais expatrié
« Compte tenu des difficultés récurrentes… »

 

« Compte tenu des difficultés récurrentes rencontrées par les étudiants et lycéens mahorais scolarisés en métropole, le président du Conseil général de Mayotte a décidé de missionner les membres de la Coba et deux techniciens (les présidents de la Dasu et du Cefsm) pour faire un état des lieux lié aux conditions d’accueil, d’intégration et de scolarisation des jeunes mahorais en métropole », souligne, dans son rapport, une mission de la délégation de Mayotte à Paris réalisée du 1er au 18 mars 2006. Concrètement, une équipe d’étudiants a lancé le Geme, le Guide de l’étudiant mahorais expatrié.

 

L’étude menée par cette mission visait donc à améliorer les conditions de vie et de travail de ces derniers face à l’échec cuisant qu’ils connaissent. Et de cette étude ressortent plusieurs orientations dont celle-ci : « les jeunes doivent avoir tous les documents utiles liés au voyage et à leur installation ». C’est donc après avoir assisté à une réunion sur ce thème au siège de la délégation de Mayotte à Paris le 4 mars dernier avec des représentants du Conseil général que Mohamed Aboubacar, étudiant-ingénieur, a eu l’idée de lancer le projet nommé Geme, le Guide de l’étudiant mahorais expatrié.
« Le projet Geme se propose de répondre à cette demande (le besoin de documents utiles au voyage et à l’installation) tout en élargissant son champ ». Actuellement composé d’une vingtaine de pages, le « cahier des charges » du projet Geme livre des renseignements sur les différentes étapes liées à l’installation, les démarches administratives à mener, etc., à travers divers modules et témoignages de jeunes Mahorais en métropole.
Et c’est donc face au contexte lié à un échec scolaire de plus en plus important que l’équipe du Guide de l’étudiant mahorais expatrié s’est penchée sur la question. Car en dehors des difficultés financières, de la mauvaise orientation ou du manque de suivi de la part des responsables locaux, il y a bien le souci de l’intégration. Un souci réel handicapant fortement la bonne conduite des études. Car chaque année, ils sont à peu près 500 jeunes Mahorais (lycéens et étudiants) à quitter leur île pour poursuivre des études en métropole, mais aussi dans le reste de l’Europe et en Amérique du Nord puisqu’à ce jour on dénombre pas moins de cinq étudiants mahorais rien qu’au Canada.

 

500 étudiants supplémentaires par an

 

Ce présent projet se veut donc destiné à tous les jeunes étudiants mahorais expatriés, un besoin face à une mondialisation de plus en plus forte. Et en dehors du document lui-même pouvant être consulté par tous, l’équipe-projet se donne comme objectif la réalisation d’ »un site internet mettant à disposition des étudiants et futurs étudiants l’essentiel de ce qu’il faut savoir lorsqu’ils s’engagent dans la voie de l’expatriation ». Par ce moyen, « le document sera librement téléchargeable pour l’usage souhaité », nous rappelle le concepteur et chef du projet Geme, Mohamed Aboubacar qui considère que le seul enjeu du projet est de « faciliter l’expatriation du jeune étudiant mahorais et favoriser sa réussite à travers la monde ».
Mais le projet Geme s’est déjà posé ses propres limites et contraintes à savoir : « les idées de complétion étant la construction d’un projet Geem (Guide des élèves et étudiants mahorais) » avec différents tomes : Guide du collégien, Guide du lycéen et Guide de l’étudiant, ce dernier englobant l’actuel Geme.
Outre les ressources humaines nécessaires à l’élaboration de tous ces projets (voir encadré), l’équipe a bien évidemment besoin de ressources financières et matérielles importantes : « le devis de réalisation du Geme ne tient pas compte des dépenses ponctuelles que les acteurs du Geme auront à effectuer dans le cadre de leurs modules (hors chef de projet). Ces dépenses sont par nature difficilement estimables quoique potentiellement conséquentes », indique le cahier des charges du projet.
Le projet Geme contiendra donc différentes rubriques en proposant « un voyage sans stress », une présentation « du quotidien de l’étudiant », une revue des principales villes d’accueil, des portraits et témoignages de lycéens et étudiants, etc.
De facto, l’équipe a besoin de jeunes étudiants mahorais pour améliorer le projet et faire du Geme la référence dans le monde de l’étudiant mahorais hors Mayotte. Le guide sera de ce fait gratuitement mis à disposition au service des étudiants expatriés ou en voie de l’être pour utilisation à titre personnel. Il est vrai que pour réussir, nous avons tous besoin d’une feuille de route. Le Geme souhaite donc répondre à ce besoin.

 

R.T Charaffoudine Mohamed

 

 

 

L’accompagnement des lycéens et étudiants originaires de Mayotte
Un contrat de confiance avec l’étudiant et le lycéen

 

L’échec scolaire en Outremer est un problème connu. Et c’est pour tenter de trouver des solutions qu’une équipe composée d’un consultant spécialisé dans l’ingénierie de formation et l’accompagnement, animateur de projets et une assistante sociale scolaire, anciennement coordinatrice au vice-rectorat de Mayotte s’est penchée sur le sujet en proposant un dispositif d’accompagnement pédagogique et social pour les étudiants et lycéens de Mayotte, mais également de Wallis et Futuna et de Nouvelle-Calédonie puisque « la problématique reste la même ».

 

Ce dispositif entre déjà en vigueur dans ces deux autres territoires d’Outremer, dans le cadre du Contrat de plan et s’est inscrit dans leurs budgets. Mais malgré l’urgence face à l’échec des jeunes mahorais en métropole, ce dispositif ne concerne pas encore nos étudiants. Josianne Albouy-Blazy, collaboratrice de ce projet et aujourd’hui assistante sociale scolaire en région parisienne, parle de la « nécessité d’étoffer la Dasu en créant un pôle pédagogique et social en s’appuyant sur l’expérience des agents de la direction des affaires scolaires universitaires de Mayotte ».
Ce modèle de référence qui pourrait permettre de lutter plus efficacement contre l’échec de nos jeunes s’est inspiré du programme de formation des cadres en Nouvelle Calédonie, l’ »Opération 400 cadres », dans le cadre de l’engagement de l’Etat sur l’émancipation de cette région d’Outremer balayée durant les années 1980 et 1990 par une vague de tensions intercommunautaires.
Ce projet s’inspire aussi du modèle mis en place pour l’accompagnement des jeunes de Wallis et Futuna. L’objet étant d’ »aider le jeune à construire son projet, à choisir son itinéraire, c’est à dire qu’on se recentre non pas sur le problème mais sur la personne ». Et pour rendre ce dispositif d’accompagnement applicable aux jeunes étudiants et lycéens mahorais en métropole, cela nécessite certains aménagements et une restructuration du modèle actuellement en vigueur.

 

Responsabiliser le jeune et « l’éduquer à la prise de décision »

 

L’objectif serait alors de « créer un environnement social et pédagogique qui soit un support pour la réussite, de sorte que l’étudiant soit rapidement en mesure d’adopter ou de mettre en œuvre une stratégie de faire face, ce qui requiert une certaine confiance en soi », comme le préconise le dispositif. La responsabilité du jeune est donc plus que tout importante pour la bonne conduite de cette démarche. Une démarche qui, justement, consistera à osciller entre les responsabilités de l’école, qui assure la formation et celles de la société qui doit prendre en charge les problèmes en dehors du système éducatif. Ce projet a donc pour base un volet pédagogique, mais aussi et surtout un volet social.
Et pour ce faire, cela nécessite avant tout une « éducation à la prise de décision ». Ainsi, le jeune deviendra acteur et « sera amené à analyser ses représentations personnelles et professionnelles en les confrontant aux réalités de la vie et du monde du travail. Il testera son projet, l’affinera; se posera ainsi le problème de l’élaboration d’un projet d’orientation ».
Quant à la méthode, cet accompagnement sera mené dans deux contextes : soit différents mais avant tout complémentaires entre les visites individuelles sur les lieux même de la formation (lycées, universités, lieux de stages etc.) et les manifestations collectives à travers la constitution de groupes de travail en y intégrant plusieurs participants et en les faisant interagir.
Ce projet d’accompagnement pédagogique et social des jeunes étudiants et lycéens mahorais en métropole nécessitera plusieurs niveaux d’intervention, dont un suivi régulier, une aide à la sélection et à la préparation des candidats, la recherche des structures d’accueil, la recherche d’un hébergement étant donné que le logement peut aussi être facteur de réussite, ainsi qu’un soutien à l’insertion professionnelle. Ce qui reviendra donc à valoriser davantage les stages.
Mais il faut savoir que tous les étudiants mahorais, en cas d’application de ce dispositif, ne bénéficieront pas de ce dispositif d’accompagnement qui pourrait s’intéresser chaque année à un public restreint, entre 40 et 50 lycéens et étudiants. Le budget annuel de ce dispositif, dans sa version complète (volet pédagogique et social) est estimé à 250.000 euros comprenant l’ensemble des frais de rémunération des intervenants, de location de bureaux ainsi que les missions entre Mayotte et la métropole. Mais « dans sa version allégée (composante exclusivement sociale), pour un public plus large estimé à 1.600 lycéens et étudiants, le budget annuel serait de l’ordre de 170.000 euros ». Au Conseil général de Mayotte d’en décider.

 

R.T Charaffoudine Mohamed

 

 

 

Un dispositif d’accompagnement s’impose

 

L’étude a alors permis de ressortir des cas précis lorsque l’on considère par exemple la condition de ceux qui sont restés en situation d’études après trois années universitaires. Pour ceux-là, au nombre de 8, on constate que l’enveloppe globale s’élève à 143.060 euros soit 17.882,50 euros pour chaque étudiant. Pour ceux qui ont dû abandonner leurs études sans diplôme, plus nombreux, 15 au total et n’ayant pu bénéficier des aides que durant 22 mois seulement, on constate que l’aide individuelle a été moins importante, soit environ 12.226 euros par étudiant. Nous remarquerons alors que « près de 40 millions de Francs CFP – environs 327.000 euros – d’engagements financiers ont été nécessaires pour « produire » un diplômé à bac+3 et trois diplômés à bac+2″.
Lorsque l’on applique le dispositif d’accompagnement proposé, on estime que ce dernier pourrait proposer différentes prestations, notamment l’implication des enseignants du lycée de Mata’Utu dans la démarche de construction d’itinéraire en relation avec les responsables chargés de l’orientation ; la définition de l’itinéraire de formation et la recherche de la structure d’accueil adaptée ; un accompagnement pédagogique dès le début du cursus universitaire et un accompagnement social prenant en compte les difficultés de chaque étudiant. Ce qui supposerait tout de même le déblocage d’une somme assez importante pour la bonne conduite du projet.
Ce projet d’accompagnement des étudiants wallisiens a été soumis aux autorités locales. Ainsi, durant toute l’année civile 2007, ce dispositif rentrera en vigueur avec notamment un suivi dont le premier volet s’étalera de janvier à juillet à travers trois actions concrètes : la préparation au départ, l’utilisation du décalage des calendriers scolaire et universitaire, ainsi que la définition du parcours de formation et la recherche des structures d’accueil. Le deuxième volet allant d’août à décembre se caractérise quant à lui par deux grandes actions : l’accompagnement pédagogique et l’accompagnement social conditionnant des moyens humains et financiers non négligeables.

 

R.T Charaffoudine Mohamed

 

 

 

Le manque de finance comme source d’échec : l’exemple de Wallis et Futuna

 

Les étudiants mahorais ne sont pas des cas isolés à propos de l’échec scolaire. Ceci est plus que jamais une réalité pour une partie de l’Outremer. Parmi les causes de cet échec grandissant, on évoque souvent l’absence d’accueil notamment pour ceux qui ne disposent d’aucun relais familial en métropole. Mais il y a aussi une « orientation défaillante, un choix des structures de formation répondant rarement à des choix bien construits, l’anonymat dans les grands ensembles universitaires, une faiblesse des contacts avec les enseignants, un manque d’encadrement dans certains établissements d’enseignement supérieur ».
Dans une étude menée sur la promotion 2000 des étudiants de Wallis et Futuna par Christian Couralet, co-initiateur du projet d’accompagnement des étudiants wallisiens, néo-calédoniens et mahorais, on apprend par exemple que les 23 jeunes wallisiens de la promotion 2000 (nouveaux bacheliers entrés dans l’enseignement supérieur en septembre 2000, ndlr) ont reçu une aide mensuelle d’un montant équivalent à 377 euros, une « indemnité de trousseau » versée une fois par an de 377 euros également, une prime d’installation versée une seule fois de 151 euros en dehors de la prise en charge du billet d’avion aller à destination de la métropole s’élevant à 1.510 euros, même montant pour le retour.

 

 

3 questions à Josianne Albouy-Blazy, assistante sociale scolaire à Paris
« Grâce à Mayotte, j’ai appris à lire sur les yeux des enfants »

 

Ancienne assistante sociale scolaire à Mayotte, coordinatrice au vice-rectorat entre 2001 et 2005, Josianne Albouy-Blazy exerce aujourd’hui ses fonctions dans deux collèges, deux secteurs assez difficiles, Porte de Clichy à Paris. Comme à Mayotte, elle côtoie au quotidien des jeunes en fortes difficultés, tant sur le plan scolaire que social. Des jeunes pour la plupart d’origine africaine, des pays de l’Est européen et d’Amérique. Collaboratrice dans ce projet de dispositif d’accompagnement auprès des jeunes lycéens et étudiants ultramarins avec Christian Couralet, consultant, spécialisé dans l’ingénierie de formation, l’accompagnement et animateur de projets, elle a bien voulu répondre à nos questions sur les problèmes sociaux à Mayotte comme en métropole.

 

Mayotte Hebdo : Quelles sont les vraies difficultés sociales auxquelles vous avez eu à faire dans le cadre de l’exercice de votre profession d’assistante sociale scolaire ?
Josianne Albouy-Blazy : Avant tout, il y a des jeunes qui connaissent d’énormes difficultés sociales notamment dans les deux secteurs que je connais le plus et sur lesquels j’interviens ici, à Paris. Pour la plupart, ces jeunes vivent sans papier avec des parents connaissant également beaucoup de difficultés, souvent logés dans des hôtels insalubres et pris en charge par le Samu social. On dit souvent qu’à Mayotte il y a des difficultés, mais à Paris intra-muros, ces familles ont pour beaucoup des difficultés sur la langue française et sont généralement monoparentales.

 

MH : Et pour Mayotte, quelles sont les difficultés ?
JAB : A Mayotte, la situation est toute aussi complexe. J’ai par exemple remarqué durant mes quatre années passées là-bas que certains enfants ne retrouvaient pas leurs pères dans leur responsabilité économique et pédagogique. Il y avait comme une sorte de démission des pères dans leur responsabilité. Ce qui n’est pas sans conséquences sur la transmission du savoir, car sur le plan économique, certaines familles rencontrent des difficultés énormes. Ces enfants souffrent aussi de malnutrition. L’impact sur le plan scolaire est plus qu’important. Grâce à Mayotte, j’ai appris à lire sur les yeux des enfants et cela me sert beaucoup aujourd’hui.

 

MH : Alors, comment Mayotte peut-elle améliorer la situation sociale, notamment celle des enfants en difficulté ?
JAB : Il y a avant tout une grande différence entre les Mahorais qui vivent avec des moyens financiers raisonnables et ceux qui vivent en situation plus modeste. Ce qu’il faudrait, c’est comme partout en France : une égalité entre tous. Ensuite, il faudra permettre à tout un chacun d’accéder à un logement décent et un meilleur accès aux soins car certains n’y ont pas droit, notamment les personnes vivant dans la clandestinité. En métropole, il existe plusieurs aides sociales qui restent encore aujourd’hui inappliquées à Mayotte. Ce sont donc là les principaux problèmes. Je suis convaincue que le droit au soin et le droit au logement devraient constituer un droit universel. Mais il faudra aussi permettre à chacun de trouver un travail, que tout le monde puisse tirer profit d’une activité et que les pères s’intéressent plus à l’éducation de leurs enfants. Et cela nécessite un vrai débat sur la parentalité à Mayotte.

 

Propos recueillis par
R.T Charaffoudine Mohamed

 

 

 

Yazalde Idaroussi, étudiant au Canada
« Il faut définir ses priorités »

 

Yazalde Idaroussi est à l’heure actuelle en échange universitaire à l’Université Concordia de Montréal au Canada. Ce jeune sadois a fait le choix de partir à l’étranger et raconte comment il s’en sort plutôt bien malgré les problèmes qui peuvent survenir.

 

« L’Amérique, l’Amérique, je veux l’avoir et je l’aurai ». Ce refrain célèbre de Joe Dassin a trotté dans la tête de certains étudiants mahorais. Yazalde Idaroussi a franchi le pas et s’est exilé au Canada et plus précisément dans la province francophone du Québec à Montréal. Effectuant des études de commerce à Lyon, il a atterri dans une université anglophone, l’Université Concordia située en plein centre-ville de la 2e plus grande ville du pays (3 millions d’habitants), pour une durée d’un an.
Vivre en France hexagonale n’est pas forcément facile pour des Mahorais. Yazalde s’y est adapté, peut-être aussi parce que bien qu’il ait effectué ses études secondaires à Mayotte, il a vécu auparavant en métropole. Mais pour lui, l’horizon ne s’arrête pas là. Etudiant dans un secteur où la mondialisation est un dogme, il a voulu élargir sa connaissance du monde. Il a effectué un stage à Newcastle dans le nord de l’Angleterre et le Canada comme beaucoup de Français l’a aussi attiré. Pour ce faire, il a la chance de pouvoir bénéficier de plusieurs bourses : la bourse nationale du Crous, soit 298 € par mois, celle du Conseil régional de Rhône-Alpes (3.570 € à l’année) et la bourse de la Dasu (588 € par trimestre).
« Pour la bourse du Conseil régional de Rhône-Alpes, 75% de la somme nous est versée après l’installation, soit en novembre pour moi, le reste au retour après avoir rédigé un rapport de fin de séjour. En ce qui concerne la Dasu, j’ai eu le premier trimestre, mais je regrette de ne pas être informé de la situation de mon dossier malgré mes différents mails envoyés, d’autant plus que le dossier n’a toujours pas été mis à jour sur leur site internet : autrement dit avec la Dasu c’est le flou complet », déplore Yazalde.

 

La rentrée, une période très difficile

 

« Il n’y a pas de régularité ni de transparence dans leur mode de fonctionnement et on ne sait jamais à quoi s’attendre. La preuve encore c’est que j’ai entendu dire qu’il fallait passer par le vice-rectorat pour désormais bénéficier du Passeport mobilité, mais je n’ai pas reçu de courrier, le site internet ne donne pas plus d’informations et quand on leur écrit des mails, ils ne répondent pas », remarque l’étudiant.
Avec plus de 700 € par mois lorsque les versements sont effectués, Yazalde admet que financièrement la situation est plus que convenable. Mais comme pour tous les étudiants, la période la plus difficile est à la rentrée (de septembre à novembre). « On rentre de vacances, on n’a presque plus rien en poche et malheureusement les bourses ne sont versées qu’à partir du mois d’octobre pour les plus chanceux qui n’ont pas eu de retard de traitement à cause de je ne sais quel problème. Et justement, le problème c’est que c’est très rare que tout se passe correctement et que l’on reçoive les bourses dans des délais raisonnables. En tout cas, en quatre ans et malgré toutes les précautions prises, j’ai toujours eu un souci ».
« C’est ce qui m’est arrivé encore cette année où j’ai reçu mes bourses très tard. Mais cette fois c’était plus dur que les autres années parce que je suis au Canada, un pays qui m’était inconnu et qui est très différent de la France. Je suis arrivé avec de quoi vivre tranquillement pendant un mois en espérant recevoir mes bourses à temps. Mais comme d’habitude j’ai bien galéré un mois de trop ! », raconte le jeune homme.

 

Pas de sortie pendant 2 mois

 

« En attendant je me rationnais, je mangeais peu et n’achetais rien ou que le strict minimum et je ne sortais pas. Pendant cette période je ne me consacrais qu’à mes études. Et depuis le mois de novembre tout va mieux et j’ai pu sortir un peu, découvrir Montréal et même la ville de Québec », explique-t-il. Ses parents lui versent une petite somme pour l’aider à traverser cette période difficile, mais il n’aime pas demander de l’argent à ses parents car selon lui, ils en ont besoin pour autre chose et notamment ses frères et sœurs.
« J’ai quitté Mayotte en 2003 et depuis je n’ai demandé qu’une seule fois l’aide financière de mes parents, et c’était à cause de problèmes graves dont je ne pouvais m’extirper tout seul. Je pense que l’on se doit de montrer que l’on est responsable et adulte en gérant bien son budget indépendamment des parents. Le tout, c’est de savoir bien gérer son budget en identifiant ses priorités », indique ce jeune homme de 22 ans.
Le plus important, c’est bien sûr avoir un toit dans une ville où les températures peuvent descendre jusqu’à –30°C en plein hiver. Il s’est donc contenté du minimum dans une résidence, un studio de deux pièces qui lui revient à 400 dollars canadiens (soit 275 € par mois), toutes charges comprises (eau, électricité, téléphone et internet). « C’est une affaire par rapport aux tarifs qui se pratiquent habituellement (600 CND $ soit 390 €), d’autant plus qu’ici il n’y a pas d’APL comme en France. Ma seule exigence était qu’il y ait internet pour pouvoir communiquer avec la famille et les amis et un téléphone pour être joint », dit-il.

 

Des livres photocopiés pour économiser

 

Pour manger, il se rend rarement au restaurant et se contente de pâtes et de riz, pas très chers et peu difficiles à cuisiner. Pour ce qui concerne les dépenses académiques, là en revanche la note peut s’avérer salée. « Les livres scolaires sont très chers (120$ au minimum) et le problème c’est qu’ils sont indispensables pour suivre les cours et les examens parce que les professeurs considèrent que le livre est un complément à ce qui est vu en cours. Et même si il n’en parle pas en cours, c’est considéré comme acquis et susceptible d’apparaître en examen. C’est donc un système différent de la France où on utilise très peu les livres (voire jamais pour ce qui me concerne) ».
Toutefois comme beaucoup d’étudiants, il recourt à un système qui contrevient aux droits de la propriété intellectuelle. « Il y a des personnes ici qui achètent les livres et les revendent totalement photocopiés pour seulement 35$ par livre. Pour 4 livres par semestre cela me revient à 140$ (90€). Autrement dit, j’achète 4 livres photocopiés pour le prix d’un. Par contre au deuxième semestre j’ai un livre que je ne pouvais pas photocopier donc j’ai du l’acheter en payant la totalité du prix neuf (130$, soit 85€). » « Quelques fois il est possible d’acheter des livres usagés, mais pour celui-la ce n’était pas possible. Mais cela n’est finalement pas un problème parce que les livres et les cours sont faits de telle manière qu’ils donnent un reflet de la vie telle qu’elle se passe réellement dans les entreprises. »

 

Des sorties entre étudiants étrangers

 

Contrairement au système français, ils nous permet de mettre directement en pratique et cela sort du tout théorique, donc je me dis que c’est un investissement sur l’avenir parce que ce sont sûrement des livres que je vais garder et qui vont sûrement me servir dans ma future vie personnelle. »
Pour les loisirs, Yazalde se dit casanier. Mais étant dans un pays étranger, il profite des sorties organisées par l’Association des étudiants internationaux de Concordia. Celle-ci permet aux étudiants d’avoir des tarifs très avantageux pour voir des matches de hockey sur glace, découvrir les chutes du Niagara, New York ou encore la ville de Québec qui organise le carnaval le plus célèbre du pays et auquel il a eu la chance d’assister. Au niveau du transport, il paie sa carte mensuelle de transport 35 $ (23 €); ce qui lui permet d’emprunter le réseau de métro et de bus de la métropole québécoise.
Satisfait de sa situation, Yazalde sait qu’on reproche souvent aux étudiants mahorais de ne pas tout faire pour réussir dans leurs études. Toutefois, il ne semble pas convaincu par des mesures qui seraient prises à l’encontre des étudiants dont on estime qu’ils ne travaillent pas assez. « Il est difficile de soupçonner quelqu’un, ce serait faire un procès d’intention sans vraiment avoir toutes les cartes en main pour juger de la situation de la personne. Ce serait trop facile de décider de supprimer la bourse à quelqu’un qui ne réussit pas, sans chercher à comprendre pourquoi il ne réussit pas. »

 

S’intéresser à son propre avenir le plus tôt possible

 

« Si on considère qu’un gaspilleur est quelqu’un qui redouble souvent ou qui se réoriente avant d’avoir fini son cursus et finalement rentre à Mayotte sans diplôme, je pense que le problème vient avant tout de l’orientation des jeunes dès le départ. Un étudiant qui est bien orienté par rapport à ce qu’il aime faire, ses projets, ses ambitions et ses capacités ne rencontrera pas beaucoup de difficultés durant ses études et donc ne pourra pas être considéré comme gaspilleur.
Il existera toujours des cas isolés bien sûr, mais en règle générale je pense que la solution est là. Les étudiants disent souvent qu’ils ont été mal orientés, mais je pense que quand il s’agit de notre propre avenir, il ne faut pas tout mettre sur le dos des conseillers d’orientation qui font leur travail comme ils le peuvent et avec les moyens qu’ils ont, même si ce n’est pas parfait et qu’il y aurait encore beaucoup à faire.
Je vois par exemple des gens qui me disent aujourd’hui qu’on ne les a pas préparés à la vie en métropole, ce qui est totalement faux puisque je me souviens avoir assisté en leur compagnie à des conférences organisés par la Dasu au lycée, sur l’orientation, la constitution des dossiers de bourse départementale et nationale, la vie en France, le choix des établissements, la gestion du budget etc.
Malheureusement ce genre de conférence n’intéressent pas les élèves qui ne viennent pas ou qui viennent mais sans écouter. Et finalement je pense que quelqu’un qui s’intéresse tôt à ce qu’il souhaite faire, pas en terme d’étude, mais en terme de métier ou de secteur d’activité, a plus de chance de se découvrir une vocation, et donc de faire des études qui lui plaisent et de ne pas gaspiller parce qu’il aura des buts, des objectifs et il ne fera pas d’études juste parce qu’il faut en faire. »

 

Aucune mesure valorisante pour les étudiants brillants ou tentés par l’étranger

 

« Je ne pense pas qu’il existe de solution miracle pour aider les étudiants à mieux gérer leur budget, mais quelqu’un qui a un but et se définit des priorités gérera mieux son budget que celui qui n’a aucune idée de ce qu’il veut faire et qui fait des études qui ne l’intéressent pas du tout. »
Il regrette néanmoins que la CDM via la Dasu ne valorise pas les étudiants méritants. Ainsi, lorsqu’il a obtenu son bac ESD avec mention très bien en 2003, il a demandé à bénéficier d’une bourse de mérite, comme les bacheliers de l’Hexagone ou des Dom. « On m’a littéralement rit au nez (sans aucune exagération) lorsque je me suis renseigné auprès de la Dasu. D’autre part, je suis cette année à Montréal dans l’une des 50 meilleures écoles de commerce du monde, après avoir passé un concours d’entrée où j’ai fini 9ème sur 300. Mais au niveau financier je ne mérite toujours pas de prime à l’effort selon la Dasu. Alors non pas que je voudrais à tout prix bénéficier d’un traitement de faveur, mais je pense que cette attitude de la Dasu n’encourage pas forcément à faire des études longues ou prestigieuses si le traitement est de toute façon le même pour tous. » De même, aucune mesure supplémentaire n’existe pour ceux qui choisissent de partir en échange universitaire à l’étranger.
« Par contre je n’ai pas reçu d’aide spécifique pour venir au Canada, j’en ai bien parlé au président, ainsi qu’au vice-président de la Dasu (sans toutefois en faire la demande formelle vu la réponse qui m’a été donnée), mais ceux-ci m’ont répondu que je ne serai pas aidé car rien n’est prévu pour ce cas de figure. Je déplore fortement qu’aucune aide de ce type n’existe parce que je pense que cela pourrait encourager les étudiants mahorais à aller à l’étranger, à voir autre chose que la France au cours des études. »
« Je pense qu’étudier à l’étranger est un facteur d’ouverture d’esprit et d’apprentissage aussi vertueux, voire même plus que l’enseignement théorique universitaire, et cela permettrait d’apporter à Mayotte des expériences et des idées nouvelles pour le Mayotte de demain que nous, futurs travailleurs, préparons aujourd’hui. »

 

Faïd Souhaïli

 

 

 

Lu sur le forum de la Dasu

 

Voici quelques messages envoyés par les étudiants mahorais sur le site de la Dasu. Attention, certains messages risquent de ne pas plaire et de choquer par leur violence, pour certains, nous avons préféré vous laisser imaginer… Si vous remarquez des fautes d’orthographe ou de grammaire, n’y faites pas (trop) attention, les forums internet utilisent les mêmes formules que les SMS, qui sont très différentes de ce que préconisent les académiciens ou le Petit Robert. Rappelons que ce forum n’est plus actif depuis le 4 novembre 2006. Pour quelle raison ? Mystère, le service en question ayant reçu comme instruction de faire motus et bouche cousue. Pour ceux qui en ont le temps, un petit tour sur http:/www.dasu.cg976.com/divers/forums.php? leur permettra de se faire une idée sur l’opinion que se font nos jeunes étudiants de la Dasu.

 

Dasu de m…., 27-10-2006
BACAR Amboudi

 

Je me donne ce droit de dire « Dasu de m…. » car j’ai envoyé mon certificat d’assiduité à la Dasu par courrier directement, par fax et par ma soeur et je viens de téléphoner là-bas; apparament ils n’ont rien à la Dasu de ce genre.
il va falloir que je recommence tout à zéro.

 

Re: dasu de m…., 27-10-2006 13:15:18
IBRAHIM Abdallah

 

tu sais la dasu, se n’est pas une machine auxquels on peu demander se qu’on veux et les obtenir rapidement!!c un organisme de 40 personne qui gerent des miliers d’étudiants et lycéens mahorais. Alors, mon frère soit un peu loyaliste et regarde la realité en face! au lieu de critiquer!!!merci
Re: re: dasu de m…., 27-10-2006 18:39:16
COMBO Hamada

 

c’est vrai c’est un groupe de 40 personnes qui s’occupe à des milliers des étudiants et lycéens mais soulignons aussi que la Dasu a un gros problème de Gestion et d’organisation.
Re: re: re: dasu de m…., 27-10-2006 21:44:27
EL-HAMID Daniel

 

ce n’est pas que la dasu qui a un probleme de gestion et d’organisation.
Elle fait avec ses moyens et donc essaye de comprendre qu’un organisme fonctionne par rapport à ses subvention.

 

Re: re: dasu de m…., 31-10-2006
HAMADA Ali

 

tu es pas à la page toi; regarde les organisation qu’ il ya en france, il gere des villes entiere et font bien leur boulot; alors fo pas dire n’ importe koi que la dasu ne peut rien faire; il n’ exploite pas leurs moyens; ils on un site internet et des telephonnes des secretaitres tous sa et il ne peuvent pas trouver le moyen de gerer bien cela comme il faut.
Re: re: re: dasu de m…., 01-11-2006 22:25:41
EL-HAMID Daniel

 

Mais si tu n’as pas de moyen comment tu peux faire.
Il ne suffit pas d’avoir un fax et internet pour dire qu’il n’exploite pas assez ses moyens.
Essaye de te renseigner au niveau de la subvention de la dasu et des organisme en métropole, les coût supportés et tu pourra te faire une idée.
Je ne dis pas que la dasu est irréprochable mais j’etais confronté à plusieurs administration et je peux dire selon moi que par rapport à ce qu’ils ont la dasu fonctionne comme administration.
De plus, il faut voir que la dasu apporte un plus et comme rahelison il ne faut pas compter sur la dasu, c’est un petit plus.
Voilà.

 

C kan la bourse ?, 02-11-2006

 

BRAHIM Abdallah

 

je veux savoir, est que y’a na parmi vous qui ont reçu la bourse de mayotte !!! pour me rasuré !!! merci

 

Re: c kan la bourse?, 02-11-2006 15:37:04
CHEBANI Sati

 

j’ai applé la dasu aujourd’hui pour savoir kkan on oara la bourse elle m’a dit ke tant k’elle n’aura pa le certificat d’assiduité ya pa de bourse

 

Re: c kan la bourse?, 03-11-2006
BACAR Amboudi

 

Ce sont ceux et celles qui n’ont besoin d’envoyer un certificat d’assiduité qui ont reçu leurs bourses.

 

Re: c kan la bourse?, 03-11-2006
RAFFION Filolla

 

J NE SE PA CAR MOI MM J L AI PA MAI G DES COPINES KI ST PAYES!

 

Affinité ou corruption ???, 15-07-2006
HALADI TOYBOU Mouradi

 

Est-il necessaire d’avoir un parent, un frère ou une soeur, un cousin, une cousine peut-être, un ami…à la Dasu ????
Je me pose toujours les même questions chaque année.
Comment s’organise telle ???
Nos messages sont-ils vraiment tenue en compte ???
Y a t-il des privilegiés à la Dasu ???
Je n’ose croire que la Dasu connaisse aussi la corruption, ça serait comme douter de leur travail.
Alors comment expliquer touts ces prôblemes avec la Dasu ???
Je sais que y a des gens honnêtes qui travaillent à la Dasu,
je sais que la Dasu est debordé comme chaque année.
Mais pourquoi ne prend t-elle pas des mesures pour ???
Même si on connait pas d’echec scolaires on a toujours des soucis de bourse. A mon avis y a plus d’affinités qu’autres chose à la Dasu, sans mettre en cause son travail bien sûr.
Je veux juste avoir ma part de bourse comme tout les autres étudiants.
C’est étrange comme touts ceux que je connaisse, dont ont un membre de leur famille à la Dasu, ne connaissent pas mes prôblemes !!!
En ce qui me concerne, j’ai jamais redoublé depuis que je suis ici, la Dasu ne peut pas me repprocher de n’avoir pas satisfait leurs attentes.
Vive l’égalité, vive la fratérnité, vive la Dasu, vive la France….

 


 

 

Abdou Amina, étudiante à Toulouse pour devenir assistante sociale
« La bourse ne suffit pas à résoudre nos problèmes quotidiens »

 

La bourse des lycéens rentre parfois dans les revenus de la famille. En revanche, lors du départ en France, les besoins quotidiens ne sont plus les mêmes, pourtant certains doivent encore subvenir à leur famille restée à Mayotte.

 

Ma vie actuelle ne me plaît pas du tout car le manque de ressource ne me permet pas de vivre décemment. Mon logement est un grand studio (T1bis) et j’habite toute seule. Je suis en formation d’assistante sociale. La bourse ne suffit pas à résoudre nos problèmes quotidiens et des fois on doit aider aussi nos parents à Mayotte qui souvent n’ont pas assez de ressources pour subvenir aux besoins de nos petits frères ou soeurs.
Comme tous les étudiants mahorais de l’Hexagone, je dépends des aides publiques. Comme tous les étudiants boursiers, je dois d’abord régler mes dépenses courantes à savoir le loyer, la nourriture et tout ce qui s’en suit avant de penser à me faire un petit plaisir. Se faire plaisir pour un étudiant mahorais est bien souvent un luxe inaccessible car ce n’est pas avec les 400 euros du Crous (Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires) et le complément de bourse trimestriel de la Dasu qu’on peut vivre décemment.
La plupart du temps, le complément sert à éponger les dettes accumulées les mois précédents. C’est sûr que par rapport aux autres étudiants boursiers, nous les Mahorais on est un petit peu mieux lotis grâce à ce fameux complément, mais c’est loin d’être le grand luxe; à la fin du mois on se serre la ceinture au même titre que les autres. Bien sur, avoir à se soucier constamment du lendemain n’est pas sans conséquences sur les études, mais ce n’est pas le seul facteur d’échec. Les principaux problèmes restent toujours les mêmes et ils sont principalement dus au manque d’argent.
Quant aux relations avec la Dasu, je ne vais pas non plus vous surprendre en disant qu’elles sont plutôt houleuses. La communication est quasi- inexistante et quand elle existe ce n’est pas du tout la joie. Le pire c’est quand tu appelles, on ne te donne jamais les mêmes renseignements. Pire ces derniers sont souvent contradictoires. Quand la Dasu me donne le billet d’avion pour revenir à Mayotte, et c’était la première fois l’an dernier, je le prends, sinon je reste en France.

 

Ahamada Mohamed, ancien étudiant en BTS Assurance
« Ma bourse servait parfois a combler mes decouverts »

 

Constatant que les études ne marchaient pas comme il l’espérait, Ahamada Mohamed, ancien étudiant en BTS Assurance, a préféré plier bagages et venir chercher du travail à Mayotte, sa terre natale.
C’est en juillet 2002 qu’Ahamada a décroché son bac. Il quitte la terre rouge pour l’Hexagone, direction Toucy, une petite ville localisée à côté d’Auxerre. Son but, poursuivre ses études et travailler plus tard dans les assurances. AToucy, il loue un appartement chez un particulier. Avec sa bourse nationale mensuelle qui s’élevait à 389 €, il déduisait 275 € pour le montant du loyer et les charges. Il faisait les courses tous les quinze jours et il dépensait en moyenne 30 €. « Je choisissais les produits les moins chers, sauf la viande. Comme la viande de boeuf coûte les yeux de la tête en métropole ! ». Ahamadi se focalisait plus sur les 588 € que la Dasu lui versait tous les trimestres pour se faire plaisir. « Parfois c’était dur car je tombais de temps en temps à découvert. Je pouvais aller jusqu’à moins 200 €. Ma bourse servait à combler le découvert. Heureusement que les parents m’envoyaient de l’argent. Ils le faisaient de manière irrégulière, mais les 100 et les 200 € qu’ils m’expédiaient me soulageaient », ajoute-til. Ahamada, connu sous le surnom de « Moustique », n’a pas obtenu son BTS Assurance. Pendant deux ans, il s’est battu corps et âme pour le réussir mais rien à faire. Il décide alors de quitter Toucy et se rendre à Besançon à la recherche d’un emploi dans le domaine des assurances. Il s’est inscrit dans le même temps à la fac, en Administration économique et sociale. Mais il échoue encore une fois. C’est ainsi qu’il demande un billet à la Dasu pour rentrer définitivement à Mayotte. Il y a six mois, il a trouvé un emploi à la direction de la logistique et des moyens au Conseil général. Bon nombre d’étudiants ont une mauvaise opinion sur la Dasu. Les reproches ne manquent pas. « En matière d’organisation à la Dasu, ce n’est pas trop ça. Il y a un réel manque de communication. On prend connaissance de l’information grâce au bouche à oreille. C’est vraiment dommage car de temps en temps la bourse n’était pas virée sur nos comptes à temps, sous motif que certaines pièces faisaient défaut. Les agents de la Dasu ne se donnent jamais la peine d’appeler ou envoyer un courrier à l’étudiant en question pour l’informer de l’avancée de son dossier », se désole Ahamadi. Vos études n’ont pas marché en Métropole, comment expliquer cela ? « Le budget n’est pas à l’origine de mon échec. J’avais de quoi vivre. Les seules fois où j’avais des difficultés c’est quand je voulais faire des sorties. Ce n’était pas non plus évident pour le transport également. Avec des locataires, on optait pour le covoiturage. Chacun participait à l’achat de l’essence ».

 

La copie est à revoir

 

La vie des étudiants et lycéens mahorais en Métropole… un problème qui ne cesse de prendre de l’ampleur, année après année, sans que les pouvoirs publics – la Dasu en tête – ne se décident vraiment à prendre le taureau par les cornes. Ces dernières années, le sujet a fini par prendre des allures d’un feuilleton de mauvais goût, ternissant à la rentrée scolaire un peu plus une image peu flatteuse de Mayotte auprès des administrations régionales de l’Hexagone. Celle de 2006/2007 bat tous les record de « bizarreries » et démontre les carences d’un système qu’il semble urgent de réformer, afin que les étudiants de Mayotte disposent des meilleurs atouts pour réussir leur scolarité.

 

Cette affaire devient un rituel tous les ans, au début de l’hiver, quand les lycéens (plus que les étudiants) s’aperçoivent que leurs comptes bancaires restent désespérément vides alors que la faim les tenaille et que leurs boîtes à lettres commencent à contenir des courriers de réclamations pour loyers et charges (eau, électricité, gaz) non versés. Les plus futés préfèrent d’abord recourir au système D et aux réseaux d’amis, avant de faire appel à leurs familles.
Pour les nouveaux venus ou les moins organisés, l’alerte est donnée dès les premières semaines qui suivent la rentrée. Par orgueil, certaines familles (pas forcément les plus aisées) préfèrent s’adresser à leurs proches pour une collecte de fonds en urgence plutôt que d’aller voir un élu, en sachant d’avance qu’elles seront dirigées vers la Dasu, un service qui concentre depuis des années toute leur colère et leur amertume.
C’est que d’année en année, de problèmes répétés en détresse grandissante manifestée par leurs enfants scolarisés en Métropole, une partie de ces familles ont acquis la conviction que l’égalité des chances via l’accès aux études n’est qu’une utopie d’électeur. Pour beaucoup, il n’y a qu’un moyen pour mettre ses enfants à l’abri d’un tel tracas : connaître du monde à la Dasu ou avoir un lien de parenté et d’amitié avec l’un des élus composant la commission des bourses. Autrement, vous pourrez toujours courir tout au long de l’année, mais sans assurance aucune que votre enfant sortira de son enfer. Cette certitude est solidement ancrée dans les mentalités de nos compatriotes et le service mis en cause ne fait quasiment rien pour redorer son blason ainsi terni. Bien au contraire, dans la plus fine tradition de la Collectivité départementale de Mayotte, le mutisme est préféré à l’action et à la communication.
Oser évoquer ce problème des lycéens et étudiants mahorais devenus (pour certains) sans domicile fixe (SDF) en Métropole (faute pour nos autorités de s’être acquittées de leurs devoirs envers ces jeunes) relève de la provocation pour les élus membres de la commission des bourses au Conseil. Et pourtant, il y a largement de quoi être inquiet quand on est parent d’un élève pris dans cette nasse. Une nasse dans laquelle il convient de distinguer la situation d’un étudiant à l’université – ayant souvent 18 ans et plus (supposé être devenu un adulte) – d’un lycéen (d’un établissement d’enseignement professionnel ou général) qui, à peine âgé de 15 ans, n’est mentalement pas encore préparé à se prendre complètement en charge. Cette distinction entre les deux catégories constitue pourtant le lit principal des problèmes.
Bien que plus ouvert aux évolutions technologiques de ces dernières années (et plus apte à s’intégrer dans un environnement occidental que son aîné d’il y a 20 ans), ce jeune mahorais-là a coutume de s’identifier à son environnement du 21ème siècle. Par conséquent, il a tendance à attendre que tout lui soit apporté sur un plateau d’argent. Certains les désignent sous le sobriquet de « société des il y a qu’à, il faut qu’on… » Mais est-ce une raison suffisante pour les reléguer à un simple monde « de jeunes emmerdeurs », parce que descendus d’un vol charter d’Axis Airways à Orly ou Roissy, ils n’ont pas le réflexe de se débrouiller pour arriver à leur futur lieu de résidence dans l’Aveyron ou le Périgord, alors qu’en revanche, ils savent alerter les équipes télé de RFO Paris sur les imperfections du management à la Dasu ?
Côté élus, on a fini par admettre qu’il y a réellement un problème et dépêché une mission en Métropole qui rentrera au pays d’ici quelques jours. Toutefois, demeure une idée reçue : une majorité d’étudiants mahorais dédaigne les bancs des facultés au profit de futilités, l’obtention d’un diplôme étant moins prioritaire à leurs yeux qu’une certaine aisance matérielle. Résultat, un taux d’échec globalement élevé, qui a le chic d’irriter plus d’un élu. Reste une infime minorité de travailleurs acharnés, et paradoxalement moins favorisés par le système, qui sauve au passage, l’honneur de Mayotte.
Mais il faut bien se garder de jeter la pierre à la seule Dasu ou aux seuls étudiants dans ce dossier. Faut-il les plaindre vraiment d’en profiter quand le système n’a prévu aucun garde-fou pour contraindre nos jeunes frères et sœurs à revenir au pays avec à la clé les diplômes qu’il faut ? Il est toujours temps de corriger un système qui part à la dérive.

 

Saïd Issouf

 


 

 

Nizar Assani, revenu poursuivre des cours par correspondance
« Il faut responsabiliser les étudiants »

 

Gérer son compte en banque n’est pas évident pour les étudiants mahorais en métropole. Nizar Assani, après quatre années passées à Lille, est revenu à Mayotte poursuivre ses études par correspondance. Un choix qui est grandement lié à des conditions financières.

 

Partir en métropole fait souvent partie du parcours initiatique du jeune mahorais vers le monde adulte. Alors, même si des alternatives existent aujourd’hui, le départ vers cet ailleurs si attirant est très convoité. Souvent, c’est l’occasion de quitter Mayotte pour la première fois et de découvrir un autre univers.
Nizar Assani se souvient parfaitement de son arrivée dans l’Hexagone, « le 3 septembre 2002 », mais surtout des moments difficiles qui ont suivi. « Je suis arrivé avec une indemnité d’habillement de 488 €, dont 67 € en France. Je venais pour m’inscrire en fac de droit. Les difficultés ont commencé avec le logement. Les propriétaires ou le Crous refusent un cautionnaire qui se trouve à 10.000 km, même si avec le Crous c’est plus abordable ». N’ayant pas reçu son attribution définitive de bourse, il a du entamer son maigre pécule pour payer son inscription à taux plein et acheter le matériel scolaire dont le Code civil.
« Il faut aussi s’équiper pour le logement, payer le loyer, la caution d’un mois et s’habiller pour l’hiver. C’est une période qui est très difficile, la rentrée, même les années suivantes, puisqu’on peut attendre jusqu’à décembre ou janvier pour recevoir la bourse. J’ai du demander à ma mère de m’envoyer 300 € par mois pendant les 3 premiers mois, une somme qui représente beaucoup plus que je n’ai reçu pour le reste de mon séjour », raconte-t-il.
La rentrée étant fixée au mois d’octobre, Nizar a du rester pendant un mois à St-Omer chez son frère et a du effectuer les aller et retour entre Lille et St-Omer pendant quelques semaines, le temps de trouver un logement, soit 45 minutes de train pour chaque trajet.

 

Expliquer la vie en France

 

Selon lui, son arrivée en métropole n’avait pas assez été préparée, puisque ni ses parents, ni la Dasu (Direction des affaires scolaires et des universitaires), ni le lycée ne lui avait dit ce qui l’attendait en France. « Il y a eu un manque d’information à partir de Mayotte. Je ne sais pas si j’ai raté des réunions, mais je ne me souviens pas avoir vu des annonces. Je suis arrivé à Lille sans connaître ni la ville, ni l’université, ni ma résidence d’accueil. Je ne sais pas si ça a changé, mais seule la prof de littérature sacrifiait 3/4 d’heure par semaine pour nous expliquer ce qu’est la France, les situations auxquelles on serait confrontés », se souvient-il.
Pour lui, l’échec des étudiants mahorais s’explique en partie par certains manques. « Quand je suis arrivé en fac de droit, tout le monde lisait des journaux, chose qu’on ne fait pas à Mayotte. J’ai aussi découvert internet. Il y a une culture générale qu’on n’a pas. De plus, je trouve qu’on manque de civisme. L’éducation civique, je l’ai découverte en 2nde. Il faudrait que ce soit fait depuis la 6e, car certains se comportent en sauvages ». La responsabilité des parents est aussi engagée selon lui car peu ne peuvent ou ne veulent assurer un suivi des études de leurs enfants.
Les années suivantes, pour être sûr de ne pas avoir de problème avec son logement à la rentrée, Nizar a décidé de payer 5 mois de loyer d’un coup, de juillet à novembre. « J’ai compris le truc en janvier 2003. J’ai commencé à chercher du travail et j’ai distribué des journaux sur 3 périodes de 3 semaines. J’ai gagné à chaque fois 600 €. Ensuite j’ai toujours travaillé pendant l’été ».

 

Payer 5 mois de loyer d’avance pour s’éviter des soucis

 

Nizar estime que les jeunes Mahorais sont soumis aux tentations lorsqu’ils se retrouvent avec une somme avoisinant les 500 €, surtout s’ils n’ont pas eu l’occasion auparavant de gérer de l’argent de poche ou de travailler pour avoir leur propre argent. Il reconnaît qu’il y a parfois des abus. « On n’est pas tous des saints. On découvre tout en une seule fois quand on arrive là-bas : les abonnements téléphoniques, internet, les restaurants, les chaînes câblées, etc. Je ne suis pas contre, mais il ne faut pas vivre au-dessus de ses moyens ». Toutefois, il assure que tout le monde ne figure pas dans ce cas.
Les retards de bourse, bien sûr, handicapent les étudiants mahorais. « Gérer des sous, on attend que ça, mais le versement ne se fait jamais au même moment d’une année sur l’autre. Quand tu vas en cours en pensant au loyer, à ce que tu vas manger, quand tu reçois les avis de recouvrement, difficile d’avoir la tête aux études. Certains lycéens attendent la bourse de la Dasu en mars, la touchent en mai et peuvent être coupés d’EDF, de l’eau alors que les loyers s’accumulent ».
Nizar, comme de nombreux étudiants mahorais, remet en cause le travail de la Dasu. « Certains dont les parents y travaillent obtiennent plus rapidement leurs bourses ou le billet du Passeport mobilité. D’autre part, il n’y a aucun suivi des étudiants. Une fois j’étais dans le même vol qu’un agent de la Dasu de Paris, on revenait de vacances de Mayotte. Arrivée à Paris, elle a téléphoné à ses collègues disant que des étudiants arrivaient. Elle n’a même pas pris la peine de les aider à Roissy et elle est partie ». La solution serait un suivi des étudiants avec une feuille de route. « Il ne faut pas laisser partir un étudiant, s’il ne sait pas où il va, ce n’est pas logique ».

 

Aucune communication entre la Dasu de Mayotte et celle de Paris

 

Autre reproche, celui de la non-coordination entre les bureaux de la Dasu à Paris et ceux de Mayotte et la gestion du forum internet du service. « La vérité ne dure pas plus de deux minutes sur ce site. Les messages sont très vite enlevés », constate-t-il. En jetant un œil sur le forum, celui-ci est inactif depuis le 4 novembre 2006, mais le ressentiment des étudiants mahorais est quand même perceptible. Les étudiants se plaignent que les informations dont ils disposent à Paris soient différentes de celles de Mayotte.
Souvent, les retards sont dus à un manque de pièces administratives à fournir. Mais pour Nizar comme pour d’autres, celles-ci se perdent trop souvent à la Dasu. « Maintenant, beaucoup d’étudiants envoient les papiers chez leurs parents et ceux-ci vont les déposer en mains propres à la Dasu. Avant, j’écrivais, ils me disaient qu’ils ne recevaient rien, ensuite j’ai du téléphoner et faire des recommandés, ce n’est pas donné, mais même là, les papiers n’arrivaient pas ».
Bien sûr, il reconnaît que sans la Dasu beaucoup d’étudiants mahorais ne pourraient poursuivre des études supérieures. Mais beaucoup de choses sont à améliorer.
Quand il avait enfin son argent dans son compte, le principal était de payer son loyer. Les aides au logement ne tombant qu’au 3e mois après l’emménagement, il faut tout payer à plein tarif pendant les premiers mois. « Pour les courses, je dépensais en gros 100 € par mois et je mangeais bien. Mais je me rappelle une période où c’était brioche et Oasis, matin, midi et soir ».
Aujourd’hui il est revenu à Mayotte pour suivre sa licence de droit par correspondance. « J’ai redoublé et je n’ai plus droit à une bourse. Cela impliquait de travailler 2 fois plus et je n’aurai pas pu suivre les cours. Je ne voulais pas retomber dans les problèmes financiers, alors je suis revenu à Mayotte pour travailler dans un cabinet d’avocat, faire des économies et repartir pour terminer mes études ».

 

Faïd Souhaïli

 


 

 

Ce qui ne va pas et donc qui doit changer »

 

Dans un courrier adressé ces jours-ci aux responsables de l’Education nationale et de la Collectivité départementale de Mayotte, un Groupe de lycéens et étudiants mahorais du Finistère demande « une révision urgente des conditions de paiement de la bourse des lycées et étudiants mahorais de métropole ».

 

Monsieur,
Les bourses des 1er et 2eme termes de cette année ont été payées avec de gros retards : le dernier d’entre nous là eu mi-janvier ! Nous nous trouvons maintenant avec d’énormes difficultés : retards de loyer, coupures d’électricité ou menaces, découverts bancaires, voire la famine ! Donc aujourd’hui nous avons décidé de nous regrouper pour réfléchir à cette situation qui ne peut plus durer.
La bourse n’est pas versée régulièrement. Tout d’abord, au lieu de la recevoir chaque mois comme promis, nous la recevons tous les deux mois, et encore, avec beaucoup de retard ! Par exemple, cette année, nous l’avons reçue avec 3 mois de retard, ce qui ne manque pas de nous causer une multitude de problèmes. Les voici :
• Lover : les propriétaires sont en colère chacun d’entre nous à 2 ou 4 mois de retard dans le paiement de son loyer.
• Factures : EDF/GDF nous menace tout le temps de couper l’électricité et le gaz si nous ne payons pas rapidement (et dans les délais) les factures qui s’accumulent. S’ils finissent par mettre leurs menaces à exécution et coupent le courant, c’est dramatique pour nous car nous sommes en plein hiver ici. Il pleut en permanence et les températures sont devenues très froides !
• Transports scolaires : Vu que la bourse n’arrive pas à temps, il nous arrive souvent de ne pas pouvoir acheter le coupon mensuel de 29 euros pour circuler en bus. Alors, soit nous ne pouvons pas aller au lycée ou sur le lieu de notre stage, soit (et parce que nous voulons absolument suivre nos études pour obtenir le diplôme) cela nous expose à être pris en flagrant délit et à payer de fortes amendes (ça nous est déjà arrivé, et c’est loin d’être agréable…) une amende coûte 40 euros et majorée à 77euros si c’est pas payé au bout d’une semaine !
• Courses : vêtements, nous ne pouvons pas acheter des vêtements d’hiver adaptés au climat de Brest.
• Nourriture : nous n’avons pas les moyens de manger à notre faim. Or nous devons avoir assez de force pour suivre les cours, travailler et rester concentrés (sans penser à notre ventre qui n’arrête pas de gargouiller). Il nous faut être en forme pour être performant dans notre formation.
• Banque : nous sommes tous à découvert depuis des mois. Du coup nous ne cessons pas de payer des intérêts (des agios). C’est un cercle vicieux, nous ne pouvons pas en sortir car la situation dure depuis déjà longtemps et risque de durer encore longtemps nous ne voyons pas du tout le bout du tunnel. Quand donc pourrons-nous être à jour par rapport à nos dettes ?
• Vacances : nous n’avons pas l’argent nécessaire pour profiter des congés scolaires ou même fêter Noël.
• Papiers : vous nous réclamez de plus en plus de justificatifs. Nous devons appeler nos familles qui se déplacent pour vous les donner et puis on s’aperçoit que vous les avez perdus ! Tout cela nous occasionne des frais et met du retard dans le paiement des bourses. On ne s’en sort plus !

 

Un versement mensuel de la bourse

 

Le montant est de 428 euros par mois. Avec cette somme, nous devons payer le loyer et les factures EDF/GDF, ainsi que les transports scolaires, plus les courses. 428 euros n’est donc pas une somme suffisante pour payer tout cela, surtout quand on tient compte du mode de consommation existant en France métropolitaine… Nous pensons que nous avons besoin de 700 euros/mois pour pouvoir vivre normalement.
Le principe d’une bourse versée tous les 2 mois n’est pas viable. Ce principe nous cause beaucoup de difficultés, surtout quand, en plus, il y a du retard. Puisque nos dépenses sont mensuelles (loyer, bus EDF/GDF, etc.), il serait préférable et logique que le versement de la bourse se fasse tous les mois. Ça éviterait beaucoup de problèmes dont nous avons ensuite beaucoup de mal à sortir.
Un autre problème se pose à nous – qui nous énerve beaucoup – c’est le fait que vous nous demandez pourquoi nous ne réussissons pas dans nos études ainsi que dans notre intégration à la société, alors que nous passons notre temps à essayer d’améliorer nos notes, en même temps que nous tentons de survivre… C’est loin d’être une tâche facile pour nous ! Les autres lycéens métropolitains vont en cours sans avoir à régler tous ces problèmes et malgré ça ne réussissent pas forcément leurs études. Nous faisons vraiment du mieux que nous pouvons, avec le peu de moyens que nous avons.

 

Conclusions : « la Dasu de Paris ne nous semble pas crédible »

 

Compte tenu de tous les problèmes que nous rencontrons et que nous vous avons cités précédemment, nous vous prions de bien vouloir nous aider à les régler et par conséquent nous aider à sortir de la pauvreté où nous sommes. C’est une situation qui n’est pas nouvelle. Elle dure depuis longtemps déjà et nous avons vraiment peur qu’elle dure encore longtemps. Nous avons dépassé le seuil de tolérance. Trop, c’est trop. Nous espérons que vous pourrez nous aider vite de manière efficace.
Nous souhaitons aussi que, grâce à notre initiative, les futurs étudiants mahorais ne connaissent pas les mêmes problèmes que nous. Nous pensons parfois que certains de nos dirigeants se prennent pour des rois ! Si tel n’est pas le cas, nous aimerions qu’ils soient contrôlés par des personnes compétentes et en qui nous placerons toute notre confiance. Nous ajoutons cette dernière remarque car la Dasu de Paris ne nous semble pas crédible. En effet, à chaque fois que nous téléphonons, personne ne répond. Nous nous demandons donc à quoi elle sert.
Faute de réponse efficace et rapide de votre part nous nous tenons prêts à diffuser les informations nous concernant aux médias tant à Mayotte qu’en métropole. Nous mettons tout notre espoir en vous, madame, monsieur. Nous vous prions de croire en nos sentiments dévoués.

 

Groupe de lycéens et étudiants mahorais du Finistère

 

 


 

Jo, BTS Assistante de direction à Roubaix
« Nous devrions avoir la bourse de la Dasu tous les mois »

 

Tout le monde l’appelle « Jo ». Elle est en deuxième année de BTS Assistante de direction à Roubaix, une banlieue de Lille. « Je pense qu’il serait préférable d’obtenir la bourse de la Dasu chaque mois au lieu de tous les trois mois. Beaucoup d’étudiants ou lycéens comptent énormément sur le versement de la bourse et c’est un élément majeur dans le moral des étudiants et lycéens. Me concernant, je me gère au mieux et j’espère que ça sera ainsi jusqu’à ce que je rentre m’installer à Mayotte », raconte Jousfiya.
Cette étudiante rêve de se lancer dans la vie active très rapidement ou à défaut d’un travail, elle compte faire une licence professionnelle de communication l’année prochaine. Et bien qu’elle reçoive les deux bourses sans souci, elle essaie toujours de peser le pour et le contre avant de faire quoique ce soit. Elle consacre environ 100 € pour faire les courses. Comme ses compatriotes mahorais vivant à Lille, elle se rend presque tous les dimanches au marché de Wazemmes. Là-bas, les fruits et légumes ne coûtent pas chers, au contraire. Quand aux prix de la viande hachée, des côtes d’agneau ou encore des mabawas, il n’y a rien de comparable aux hypermarchés tels Carrefour, Auchan ou Leclerc. Pour d’autres achats, Jo s’oriente vers les magasins discount où les articles sont à bas prix. Comme quoi, tout est fait en Métropole pour aider les étudiants.

 

Souraya Hilali

 

 


 

Nazlly Joma, en master 2 professionnel de psychologie à Poitiers
« Heureusement que les parents sont là »

 

Bientôt 24 ans, Nazlly est en dernière année d’études. Elle prépare un master 2 professionnel de psychologie à Poitiers. Actuellement, elle est en stage de trois mois au Centre de santé mentale à Mamoudzou. Après l’obtention de son master 2, elle veut retourner au pays. « A ma connaissance, il n’y a pas de psychologue mahorais à Mayotte. J’ai envie de travailler chez moi pour faire évoluer les choses à ma manière ».

 

Contrairement à un large panel des étudiants mahorais qui sont à l’échelon 5, Nazlly Joma déroge à la règle, elle est à l’échelon 2. Elle reçoit par mois 226 € de bourse nationale. « Pendant deux ans, je vivais en résidence universitaire. Je payais 120 € par mois sans l’APL puis j’ai occupé un studio. Lorsque ma sœur a eu son baccalauréat, elle est venue faire ses études à Poitiers. Du coup, toutes les deux étions à l’échelon 1. On touchait alors entre 140 et 150 €. Je pensais qu’avec l’arrivée de ma petite sœur en métropole, le Crous allait augmenter la bourse mais ce fut le contraire. La raison de tout ça c’est que ma mère était auparavant infirmière de la Collectivité et maintenant elle est devenue infirmière d’Etat. A cause de sa fonction, nous ne touchons pas les 400 € comme les autres étudiants mahorais. Heureusement que les parents sont là. Ils nous envoient de l’argent tous les trois mois ».
Avec la venue de son cousin à Poitiers, Nazlly, sa sœur et son cousin ont alors loué un T3. Le loyer s’élevait à 300 € avec l’APL. Chacun payait 100 € par mois. Pour éviter les problèmes, ils se répartissaient le budget pour les courses. Chacun donnait 30 € par mois. « En tout, on se fixait la somme mensuelle globale de 90 € pour les courses. C’était le montant imposé. Cependant, il y avait les compléments. Cela n’empêchait personne de ramener une baguette à la maison par exemple ».
Nazlly est une jeune femme qui a appris à être autonome dès son plus jeune âge. Elle préfère jouer serrer pour s’en sortir financièrement. Pour ce faire, des restrictions budgétaires sont obligées. « Je me culpabilisais très souvent. Vu que mes parents s’occupaient de mes deux petites sœurs à Mayotte, ma sœur et moi n’osions pas leur demander de l’argent. Ils nous en versaient tous les trois mois sans qu’on les sollicite. J’ai toujours revendiqué d’aller en métropole, j’y suis alors il faut que je sois autonome. Heureusement que la bourse de Mayotte est là car on pouvait enfin se faire plaisir. Je touche 588 € tous les trimestres. Merci à la Dasu, heureusement qu’ils ne prennent pas en compte les impôts des parents. Au moins, ils ont une petite reconnaissance de nos études. C’est sympa ».
Depuis l’année dernière, cette étudiante qui est tombée follement amoureuse de la ville de Poitiers s’est mariée. Elle vit actuellement avec son mari. Depuis l’arrivée de sa deuxième petite sœur dans la même ville, toutes les trois sont à l’échelon 2, donc elles touchent 226 € par mois. Le retour de Nazlly au pays aura des répercussions car ses sœurs risquent de ne plus toucher la bourse.

 

Souraya Hilali

 

 


 

Portrait d’étudiants mahorais en métropole
De la psychologie à la culture

 

Depuis plus de 7 ans, Rozette Yssouf vit sur le territoire national. Cette jeune m’tsapéroise de 26 ans prépare cette année un master I de psychologie. Mais contrairement à la plupart des étudiants mahorais installés dans l’hexagone, Rozette n’a pas grandi à Mayotte. Elle a surtout passé une bonne partie de sa vie à l’île de la Réunion où elle a atterri en mars 1990. Et c’est à l’île Bourbon qu’elle commencera son cursus scolaire, d’abord dans le primaire puis dans le secondaire jusqu’à décrocher son baccalauréat économique et social. Dans l’objectif de poursuivre ses études dans le supérieur, cette jeune mahoraise sera conduite comme la plupart des jeunes de son âge à rejoindre l’hexagone. C’est à Montpellier qu’elle atterrira un jour d’été, en 1999.

 

Et c’est à Montpellier justement, ville où l’on rencontre une forte communauté mahoraise, qu’elle fera ses premiers pas dans le supérieur et plus particulièrement à l’université où elle optera sans hésitation pour les sciences humaines et sociales. Après son Deug, elle validera sur deux années sa licence de psychologie. Dans la capitale de l’Hérault, elle sera donc restée jusqu’en 2006.
Depuis la rentrée de septembre dernier, Rozette s’est installée à Nanterre (92) en région parisienne. Elle ne regrette pas ce changement radical et elle trouve plutôt avantageux le fait de faire des études à proximité de la capitale. Toutefois cette jeune fille rêvant d’exercer la profession de psychologue nous assure que cela n’a pas été un choix délibéré puisque « Nanterre était la seule université où on pouvait s’inscrire tardivement », soit au plus tard le 15 septembre. Elle aurait souhaité plutôt être actuellement à l’étranger, la Belgique et le Canada étaient déjà sur ses projets. Une façon pour elle de « changer d’air », mais elle reste optimiste quant à la concrétisation de ce projet pour préparer une éventuelle thèse.

 

« Mayotte n’est pas épargnée par les problèmes liés à la délinquance »

 

A l’Université de Nanterre où elle prépare actuellement son master, Rozette Yssouf s’est spécialisée dans la psychopathologie et clinique pour être dans le futur psychologue clinicienne. Elle pourrait par exemple exercer sa profession dans des centres psychiatriques ou des institutions spécialisées où on pourrait traiter des malades mentaux tels que les psychotiques, les névrotiques, les personnes dépressives ou suicidaires.
Dans ce cadre, elle a effectué son premier stage d’étude entre janvier et avril 2006 à Mayotte au Centre de santé mentale près de chez Ballou à Mamoudzou et à la PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse, ndlr). En tant que stagiaire psychologue, Rozette a pu mener des entretiens, des tests auprès d’adultes, des personnes âgées mais aussi et surtout des jeunes ayant des soucis avec la justice. Ce qui lui a permis de faire un constat alarmant : « Mayotte n’est pas épargnée par les problèmes liés à la délinquance. Il faudrait vraiment commencer à agir ».
Autre cadre où elle a pu intervenir, avec Régis Airault, chef de service du Centre de santé mentale, elle a pu se rendre plus d’une fois à la Maison d’arrêt de Majicavo pour des entretiens individualisés avec des détenus et où elle a pu se rendre compte que « chez nous aussi, les agressions sexuelles sont une réalité malgré notre culture musulmane ».
De toute cette première expérience, cette jeune mahoraise qui n’est restée dans l’île aux parfums que durant sept années de sa vie ne rêve que d’une chose : « y retourner travailler ». « J’ai passé quatorze ans à l’extérieur sans m’être rendue ne serait-ce qu’une fois à Mayotte. En 2004, mon île m’était étrangère. Cette année là, j’ai refait sa connaissance et ça m’a énormément touché. En repartant de nouveau, c’était la nostalgie. Aujourd’hui, je n’ai qu’une envie : retourner à Mayotte et être utile à mon île ».

 

Quand le manque de bourse handicape les étudiants

 

Malgré son courage, sa volonté de réussir et son engagement quant à la bonne poursuite de ses études, Rozette comme beaucoup d’étudiants mahorais en métropole connaît d’énormes soucis financiers. Actuellement, elle bénéficie de la bourse nationale sur critères sociaux octroyée par le Crous, échelon 5, le plus élevé, mais non de la bourse de la Collectivité accordée par la Dasu.
Depuis l’obtention de son bac ES en 1999 à l’île de la Réunion, elle a bénéficié de la bourse nationale, mais aussi de l’aide du département de la Réunion, d’une somme identique à celle de la Dasu. Mais en 2003, après son redoublement en 3ème année, en licence, elle n’a pu bénéficier d’aucune de ces aides. La Dasu lui accordera enfin l’aide de la Collectivité durant l’année 2005-2006, mais cette année cette aide ne lui est plus accordée bien qu’elle nous informe avoir fait parvenir à plusieurs reprises les éléments essentiels du dossier aux services de la Dasu.
Sans aucune réponse, il y a deux semaines, elle n’a eu comme solution que d’envoyer un courrier au directeur de la Dasu. Depuis, elle attend toujours. Tout comme elle a attendu plusieurs mois avant de recevoir la bourse nationale ; un retard qui se justifie du fait qu’elle a changé d’académie. Dans ces circonstances, le transfert de dossier prend toujours du retard. Du coup, elle n’a eu d’autre choix que de recourir aux fameux « job étudiants ».
A Nanterre, depuis trois semaines, tous les vendredis et samedis soirs, elle travaille dans un restaurant en tant que serveuse avec deux autres étudiantes dont une Camerounaise. Et c’est la première fois qu’elle a recours à ce genre de système où elle se dit misérablement payée : 8,27 euros de l’heure. Parfois, elle travaille jusqu’à 2, voire 3 heures du matin, ce qui n’est pas sans conséquence sur son état physique et mental, difficile en période de révision. Ainsi, elle nous rassure que si elle bénéficiait de l’aide de la Dasu, elle n’aurait jamais eu à faire autant d’efforts et qu’elle aurait sans doute plus de temps pour se concentrer sur son objectif.

 

« Mayotte ne fait pas l’effort nécessaire »

 

De toute cette situation, concernant les services de la Dasu, elle ne cache pas son avis : « j’ai l’impression qu’ils font de la sélection ! », lorsqu’elle évoque par exemple les pertes de dossiers ou la situation de certains étudiants qui « se voient refuser la bourse alors qu’en vérité ils devraient en avoir le droit. Il faudrait qu’ils nous soutiennent tous, en particulier ceux qui arrivent en fin d’études. A titre d’exemple, il n’y a aucune aide sur les stages. Nous sommes obligés de recourir à l’aide de nos familles. Personnellement, les services de la Dasu ne m’ont jamais pris réellement en charge. Il faut alors que je compte sur d’autres services. Mayotte ne fait pas l’effort nécessaire. De tout cela, avec leurs critères d’attribution de bourse, je comprends qu’être Mahorais se résout à la simple définition que c’est celui qui a passé au moins sept années de sa vie avant d’avoir le bac à Mayotte. Et si on se réfère à cette définition, alors je ne me sens pas à 100% Mahoraise ».
Un malaise que ressentent énormément de jeunes mahorais en métropole, mais qui ne les dissuade heureusement pas car la volonté de réussir est bien là. Du coup, bien qu’à Montpellier elle vivait dans un appartement de 19 m² qu’elle payait 250 euros par mois hors l’APL (Aide personnalisée au logement) de la Caf (Caisse d’allocation familiale), Rozette Yssouf demeure toujours en cité universitaire à Nanterre, mais faute de moyens elle est obligée de vivre dans une chambre traditionnelle, donc non rénovée de 9 m² ce qui, il faut l’avouer, n’est pas très aisé. Et ici, elle paie 400 euros par mois sans l’ALS (Allocation de logement à caractère social, ndlr) ; la preuve que la vie est chère à Paris. Bien qu’elle n’ait pas pu s’intégrer dans le milieu communautaire et associatif mahorais de l’hexagone, Rozette Yssouf reste une passionnée de culture. Elle a par exemple à plusieurs reprises participé à des rencontres théâtrales dans l’espace universitaire à Montpellier ou encore dans un court-métrage en 2002 aux côtés d’une étudiante en cinéma. Elle a aussi un penchant très littéraire. C’est ainsi qu’elle a eu à écrire pour le théâtre un scénario intitulé « Madame la Psy et Monsieur Kanapoua », une histoire qui lui a rappelé des souvenirs de famille et une façon aussi de ne pas oublier ses origines.
Concernant la vie des jeunes mahorais en métropole, Rozette pense que ces derniers « souffrent en silence d’affection et de soutien réel » tout en regrettant, « selon mon expérience », le manque de solidarité et le « chacun pour soi ». Son rêve reste en tout cas d’ »être utile au monde et à mon île. Non pas marquer l’histoire, mais faire mon devoir d’humain et la psychologie me permet d’être présente et de réconforter les plus souffrants ».

 

R.T Charaffoudine Mohamed

 

 


 

Souwamoina Saïd, étudiante à Marseille entre 1994 et 2001
« Priorité à la carte de transport »

 

Souwamoina Saïd a réalisé sept années d’études dans un lycée à Marseille, principalement dans des formations de couture. Elle effectue lors de sa première année, une demande de bourse au Cnasea, organisme qui gérait en 1994 les bourses des étudiants et lycéens. Une bourse de trois cents francs qu’elle recevra deux ans plus tard, en 1996. Elle a pu bénéficier entre temps, et durant toutes ses années d’étudiante, d’une bourse de trois cents soixante francs offerts par le Centre régional des œuvres universitaires et scolaires.
La Mahoraise, âgée aujourd’hui de vingt neuf ans, avait dans son budget une priorité : prendre un abonnement au Réseau transport de Marseille (RTM) pour pouvoir se déplacer. Le lycée étant loin de son domicile, Souwamoina mangeait dehors avec quelques-unes de ses amies : « quand la sonnerie de douze heures retentissait, nous allions automatiquement dans l’Hyper discount à côté pour acheter un morceau de pain avec une salade de thon. Ce n’était pas cher et de toutes les façons, je n’avais pas le choix. Nous nous installions sur un banc du lycée en attendant la reprise des cours. C’est comme ça que j’ai mangé pendant sept ans ».

 

Ichirac Mahafidhou

Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.

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