Après plus de deux semaines de confinement, plusieurs enseignes de distribution ont fait l’objet de tentatives de cambriolages. Si les motivations des responsables restent à élucider, ces cambriolages alimentaires posent la question du manque de ressources pour une partie de la population, dépendante de l’économie informelle.
Des sacs de riz, des boîtes de mabawas, de la viande et des frites congelées, mais aussi des téléphones portables et sa toute nouvelle caisse enregistreuse. Pour Hawa, la gérante du Loulou Market de Tsoundzou II, le bilan des courses est lourd. Sa supérette alimentaire a fait l’objet d’un cambriolage dans la nuit de lundi à mardi. En deux ans d’ouverture, c’est la première fois que la jeune femme subit un tel préjudice, évalué à au moins quinze ou vingt mille euros… “C’est sans doute lié au confinement, ils se disent que les magasins sont fermés, que les gens ne sont plus dans les rues”, soupire-t-elle derrière son masque, un indispensable en ces temps d’épidémie. Une de ses vendeuses, qui a découvert le sinistre à l’ouverture le mardi matin, confirme que les voleurs ont “pris tout ce qu’ils pouvaient”, et notamment beaucoup de denrées alimentaires. Pour autant, Hawa doute que leur seule motivation ait été la faim : “si encore ils n’avaient pris que la nourriture, j’aurais pu comprendre, mais là ils ont même pris les timbres fiscaux !”, s’exclame-t-elle, dépitée.
Cupidité humaine, manque de ressources ? Difficile à ce stade, de déterminer les causes de cet acte de vandalisme. Une chose est sûre : il n’est pas le seul du genre depuis le début du confinement. “À la Somaco à côté aussi, je crois qu’ils ont eu un problème”, relaie la gérante du Loulou Market en indiquant la direction du magasin situé à quelques minutes de là. Même constat du côté de la Sodifram : le directeur d’exploitation Fahridine Mlanao confirme que la chaîne de distribution a fait l’objet de plusieurs tentatives de cambriolage, dont une à Dzoumogné où les voleurs sont parvenus à entrer dans le magasin avant de prendre la fuite. Car contrairement au Loulou Market, l’entreprise est davantage équipée pour faire face à ce genre de risques : la télésurveillance et les agents de sécurité suffisent généralement à faire fuir les voleurs. Pour autant, le directeur assure avoir pris l’annonce du confinement avec un sérieux tout particulier : “en effet, nous nous attendions à des vols plus fréquents avec le confinement, et encore plus avec le couvre-feu, car les cambrioleurs se sentent libres d’œuvrer en toute impunité, et à l’abri des regards”, développe-t-il. Un risque qui, ajouté au manque de ressources d’une partie de la population, n’a pas été oublié par les forces de l’ordre. “La police est venue nous voir, visiter nos sites et nos entrepôts pour mettre en place une surveillance et des rondes”, explique Fahridine Mlanao.
L’économie informelle en panne
Une anticipation bienvenue, donc, mais pas toujours suffisante. À Tsoundzou II, à Passamaïnty, à Kawéni… Bacar Attoumani, secrétaire départemental du syndicat policier Alliance, énumère les affaires de cambriolages survenues depuis deux semaines. Et confirme une recrudescence de ces actes dans les magasins alimentaires, sans pour autant s’avancer sur les motivations des responsables. “Plusieurs hypothèses sont évoquées. On ne sait pas s’ils volent pour se nourrir, ou pour aller revendre, car nous n’avons pas encore procédé à toutes les interpellations”, tempère-t-il. “Mais le confinement pose en effet la question de l’organisation de la société mahoraise, dont une partie de la population vit beaucoup de la vente à la sauvette, aujourd’hui impossible”.
Cette justification-là, sur une île où 84 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, n’est en effet pas à exclure. “Pour toute une frange de la population, le confinement entraîne des difficultés à trouver de quoi s’alimenter”, atteste Patrick Bonfils, le directeur de la direction régionale de la jeunesse, des sports, et de la cohésion sociale (DRJSCS). Avec l’interdiction de vendre sur les étals informels, c’est toute une partie de la population qui se trouve donc privée non seulement d’une potentielle source de revenus, mais aussi de ses moyens de subsistance. “Cette économie informelle, certes pas complètement légale, qui leur permet d’habitude de s’approvisionner en fruits et en légumes pour un moindre coût, est en panne”, poursuit le responsable, qui travaille justement à trouver des solutions pour éviter la crise. En coordination avec l’État, les CCAS, les communes, le rectorat et la Croix Rouge, la DJSCS a donc élaboré un service de distribution alimentaire pour les plus démunis, qui commencera ce vendredi avec une livraison de sacs pour les enfants, dans les différents établissements scolaires de l’île. Un vrai soulagement pour ces jeunes qui, comme nous l’évoquions dans une édition précédente du Flash Infos, dépendent souvent des collations données à l’école. Mais il aura fallu attendre plus de deux semaines après le début du confinement pour que la machine se mette en branle…
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