Les experts de l’IEDOM sont partis d’un constat simple : les ressources en eau, condition essentielle au développement touristique, sont limitées à Mayotte. Si l’on prend en compte la consommation domestique et celle liée à l’agriculture, les ressources restantes sont limitées, ce qui interdit tout tourisme de masse. La solution pour augmenter les capacités en eau de l’île serait par exemple la désalinisation de l’eau. Mais cette technique est très onéreuse et semble peu envisageable. Si l’on veut développer un tourisme durable, sans danger pour l’environnement, c’est un ainsi un tourisme de niches qui aurait sa place sur l’île au lagon.
Un tourisme de niches ne crée toutefois que peu d’emplois, ce qui limite les retombées économiques. Si le potentiel touristique est indéniable, il n’aurait donc qu’une incidence limitée sur le développement de l’île.
De plus, l’enjeu est de pouvoir rassembler les conditions d’attractivité pour les investisseurs. À ce titre, les opérateurs publics ont la responsabilité de créer des infrastructures et un climat de sécurité, indispensables au secteur. « Les investisseurs doivent y voir un intérêt de venir s’installer mais il faut dépassionner le débat et essayer d’avancer pas à pas », explique l’IEDOM, « les stations d’épuration, les routes, la sécurité, tout le monde doit jouer son rôle pour garantir des conditions d’attractivité ». C’est ensuite aux opérateurs privés d’identifier les avantages comparatifs de l’île et de se lancer dans l’investissement. « Mais il faut des investisseurs qui ne soient pas que là pour récupérer des subventions », prévient l’IEDOM, « il est nécessaire d’avoir une approche économique basée sur des études de marché et de faisabilité, des plans pluriannuels d’affaires ».
Un poids économique modeste
D’après l’analyse de l’IEDOM, la branche hôtellerie-restauration, principale activité du secteur tourisme, emploie 682 personnes en 2012 à Mayotte, soit 2,3 % de l’effectif salarié total. Elle représenterait 7,0 % des entreprises actives inscrites à la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) et 11,8 % des créations d’entreprises. En 2010, les dépenses des touristes venus visiter Mayotte correspondent à 1,9 % du PIB.
Le poids de la branche hôtellerie-restauration dans l’économie mahoraise a toutefois très peu évolué ces dernières années malgré l’augmentation du nombre de touristes.
Après deux années consécutives de réduction, la fréquentation touristique augmente à nouveau à Mayotte en 2013 (+14,4 % en un an, soit 52 400 touristes). Depuis 2000, le nombre de touristes croît en moyenne de 6,1 % par an. Cependant, cette évolution n’est pas régulière et des diminutions ponctuelles sont enregistrées certaines années. Toutefois, il est possible de repérer les années où des seuils de fréquentation sont franchis. Ainsi, depuis 2009, le nombre de touristes en visite à Mayotte gravite autour de 50 000 par an alors que le palier se situait autour de 20 000 au début des années 2000, puis 30 000 à partir de 2004 et 40 000 à compter de 2007.
La clientèle touristique mahoraise est composée majoritairement de touristes « affinitaires », c’est-à-dire visitant des parents ou des amis, qui représentent 55,3 % de l’ensemble des touristes en 2013. Les autres touristes se partagent presque à parts égales entre le tourisme d’agrément et le tourisme d’affaires (environ 20%).
En 2013, les touristes sont en grande majorité originaires de la métropole (53 %) et de La Réunion (40 %). Cette tendance a très peu évolué sur la période. Chaque année, les deux provenances regroupent près de 90 % de la clientèle touristique mahoraise.
La progression de l’offre hôtelière stoppée depuis 2011
Hormis les baisses ponctuelles enregistrées en 2004 pour le nombre d’établissements et en 2005 pour le nombre de chambres disponibles, le parc hôtelier de Mayotte enregistre une hausse régulière depuis 1998, avec un taux de croissance annuel moyen de 5,8 % pour le nombre d’établissements et 4,6 % pour le nombre de chambres.
Cependant, la progression est stoppée depuis 2011 et laisse place à une diminution du parc hôtelier en 2012 et 2013. En raison de la disparition de certains établissements, expliquée par les difficultés enregistrées dans le secteur du tourisme depuis le conflit social de la fin de l’année 2011, et la structure de la fréquentation touristique, l’offre hôtelière se réduit tant pour le nombre d’établissements (-10,6 % en 2013) que pour celui des chambres (-10,8 % en 2013). Il en résulte un recul du chiffre d’affaires des structures hôtelières et une dégradation de leurs conditions d’exploitation qui pèsent sur leur rentabilité.
Une offre aérienne en cours de diversification
L’offre aérienne s’est quant à elle développée et diversifiée, permettant une augmentation régulière du nombre de vols commerciaux jusqu’en 2010 (+6,7 % en moyenne annuelle), année où l’aéroport de Mayotte a enregistré le nombre le plus élevé de vols commerciaux entre 1998 et 2013 avec 5 928 vols. Par la suite, le nombre de vols s’est réduit, suite notamment à la réorganisation des principales compagnies aériennes qui adaptent la fréquence de leurs vols aux spécificités et à la saisonnalité de la demande mahoraise.
L’île est desservie par sept compagnies aériennes. La compagnie historique, Air Austral, assure des vols quotidiens vers Paris via La Réunion. Depuis 2006, Kenya Airways propose des rotations hebdomadaires vers Paris via Nairobi. Corsaifly dessert Mayotte depuis 2010 et une compagnie low cost (XL Airways) assure la liaison Mayotte-Métropole depuis décembre 2012. Plusieurs compagnies opèrent sur des liaisons régionales (Inter îles, Air Madagascar) et, en 2013, la première compagnie aérienne mahoraise, Ewa Air, a été créée et permet un meilleur ancrage de Mayotte dans le canal du Mozambique.
La chute des croisières
De 6 601 en l’an 2000, le nombre de croisiéristes visitant Mayotte est passé à 1 026 en 2013. Le flux de croisiéristes connaît une chute vertigineuse depuis 2008 et enregistre un taux de décroissance annuel moyen de 12,5 % entre 2000 et 2013. Le nombre de bateaux faisant escale à Mayotte est ainsi passé de 26 en 2000 à seulement 2 en 2013.
Après une hausse régulière entre 2003 et 2007 (+6,5 % en moyenne par an), le flux de croisiéristes s’est ensuite effondré (-25,2 % en moyenne par an entre 2008 et 2013), en raison principalement des problèmes d’organisation pour la prise en charge des touristes durant leur escale, mais aussi des coûts élevés d’escale des navires. Ces paramètres ont éloigné les compagnies de croisière de la destination Mayotte.
Un plan d’action a été élaboré en 2010 par le Comité du tourisme pour restructurer la filière et redonner confiance aux compagnies de croisière. Cependant, les effets ne s’en ressentent pas encore et l’activité continue de se détériorer.
L’analyse de tous ces éléments, des avantages comparatifs et des obstacles au développement touristique de l’île confirment un potentiel économique limité, avec une orientation vers un tourisme de niches. Reste toutefois à rassembler les conditions d’attractivité : l’assainissement, la sécurité sont autant de conditions capitales pour le développement touristique de Mayotte.
Raphaëlle Bauduin
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