C’est avec détermination et confiance que les cinq salariés de la Sodifram, poursuivis par leur direction pour entrave à la liberté de travailler. À leur tête se trouve Taanlabi Moouhoudhoir Ali, délégué syndical FO et délégué du personnel. Vêtu d’une chemise à carreaux rouges et blancs, son attitude tranche avec celle de Me Monsuf Saïd Ibrahim, défendeur de la Sodifram et plus mesuré. L’avocat a pris la parole en premier et a d’emblée demandé au juge Piazza de prendre une décision à portée pédagogique.
« Ma cliente (NDLR : Ersi Volonaki) permet aux salariés de faire grève, mais ce n’est pas un droit absolu. Les grévistes doivent être responsables, surtout au vu de la fragilité de notre tissu économique » a déclaré Me Saïd Ibrahim. Celui-ci a avancé que le blocage des camions livrant les produits frais avait empêché des salariés de travailler et a provoqué un préjudice important à la Sodifram. Il a également souligné le fait que Taanlabi Mohoudhoir Ali ne respectait pas le Code du travail en ne se présentant pas à son poste de travail depuis des années.
« Madame la présidente, ces agissements nuisent à l’entreprise. Votre ordonnance se doit d’être pédagogique pour expliquer qu’on ne peut pas se permettre de telles pratiques pour exprimer son droit de grève » appuie Me Saïd Ibrahim en demandant une astreinte de 250 € par jour et par salarié à compter de la notification de la décision. Il a également demandé à ce que le concours de la force publique soit employé pour débloquer le dépôt frais si nécessaire.
Ensuite, sont venus à la barre les cinq syndicalistes assignés par la Sodifram. La première d’entre elles a dans un premier temps affirmé que les courriers demandant le retour de Taanlabi Mouhoudhoir Ali à son poste de travail n’avaient pas été notifiés à l’intéressé. Ensuite, elle a affirmé qu’elle ne voulait pas affecter l’activité de la Sodifram.
« Quand on engage un rapport de force, on a un objectif. Le vôtre était-il de faire baisser l’activité et par conséquent d’avoir moins de salariés au travail ? » lui demande la présidente.
« On ne veut pas bloquer la société, mais le matin ils disent des choses, l’après-midi, ils font autre chose ».
Vient une autre salariée, avec un badge FO à la poitrine. Celle-ci affirme à la barre que le syndicat défendra toujours les salariés et que les demandes de rendez-vous avec la direction ont été ignorées. « Notre camarade n’aura pas le temps de nous défendre s’il retourne en magasin », ajoute-t-elle.
« Tout cela est réglementé. Vous avez le droit à un certain nombre d’heures de délégation. Je vois plein de gens mécontents au tribunal du travail, pourquoi ne pas le saisir ? Depuis tout à l’heure, j’entends beaucoup parler de ce monsieur (NDLR : Taanlabi Mouhoudhoir Ali). Je ne vais pas prendre une décision et dire s’il doit ou non prendre son poste de travail. Je suis là pour dire si les conditions dans lesquelles vous exercez votre droit de grève sont légales ou pas », répond Marie-Laure Piazza.
Quelques minutes plus tard, le délégué syndical Taanlabi Mouhoudhoir Ali prend la parole.
Celui-ci reconnaît effectivement qu’il n’occupe plus son poste de travail et qu’il se consacre exclusivement à ses tâches syndicales. Toutefois, il affirme que cela s’est fait avec l’accord tacite de la direction.
« C’est vrai, cela n’a été écrit nulle part, mais pensez- vous que s’il n’y avait pas eu un accord de principe, on m’aurait laissé dans cette position depuis toutes ces années ? » avance-t-il à la magistrate.
Celui-ci s’est ensuite lancé dans un long descriptif de manquements au Code du travail par sa société et il s’est dit étonné de ne pas avoir été averti pour le non-paiement de ses heures non travaillées.
Sur la grève en elle-même, le délégué syndical a accusé la Sodifram de faire remplacer des chauffeurs grévistes par du personnel récemment embauché et ne disposant pas de permis poids lourds. « Vous imaginez bien que cette société est l’une des plus contrôlées de Mayotte et qu’elle n’agirait pas de la sorte », a réagi Me Saïd Ibrahim.
« Vous imaginez bien que je n’avancerais pas de telles choses sans preuve devant un tribunal », lui a répondu le délégué syndical. Celui-ci a rajouté que s’il y avait eu blocage, c’était aussi parce que les camions de maintenance bleus avaient été utilisés pour charger des produits frais en lieu et place des camions frigorifiques, empêchant ainsi la livraison de marchandises fraîches transportées inconvenablement. Il a également rajouté que c’était lui qui avait pesé de tout son poids pour que FO signe la fin de la grève contre la vie chère avant les autres syndicats, ayant pris conscience des enjeux économiques du conflit.
« Je suis à la Sodifram depuis plus de 18 ans, j’aime cette entreprise, mais aujourd’hui, certains cadres nous empêchent de dialoguer », insiste Taanlabi Mouhoudhoir Ali.
Cela n’a pas attendri Me Saïd Ibrahim qui a répété son objectif : que les salariés non grévistes de la Sodifram puissent travailler et que les camions puissent circuler.
La présidente Marie-Laure Piazza ne s’est pas prononcée immédiatement. Son verdict est attendu pour ce matin à partir de 8 h. Mais pour les grévistes, quelle que soit la sanction, cela ne mettra pas fin au conflit. Taanlabi Mouhoudhoir Ali n’a pas reçu une partie de son salaire en mars et en avril et tant que les discussions ne reprendront pas à ce sujet, il est fort à parier que les activités de la Sodifram seront perturbées encore quelques jours.
F.S.
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