« Dans l’Hexagone, l’objectif est de redonner l’envie d’aller à la cantine, car elles sont désertées. Ici, il n’y en a presque pas et le but est de réunir les quelques sociétés présentes dans le milieu pour améliorer les repas » indique Karine Assoumani-Saignie, diététicienne-nutritionniste à l’Ireps.
En début de matinée, les deux plus grandes sociétés de restauration collective SRS (Groupe Nel) et Panima étaient présentes comme les chefs des cantines des lycées de Mamoudzou, de Sada ou encore de Coconi.
Pour les deux types d’acteurs, la réglementation draconienne en vigueur est contraignante. « J’aimerais avoir plus de produits locaux aux conditions que l’on doit respecter, c’est-à-dire en respectant les normes d’hygiène, que l’on soit livré dans un camion réfrigéré et que les fruits et légumes soient propres. Il faut qu’on règle tous ensemble ces problèmes pour avancer » affirme Moinaecha Mze Soilihi, chef de cuisine du lycée de Mamoudzou.
Par exemple, il est impossible pour elle de cuisiner du batabata (bananes et manioc bouillis)
Le budget dont elle dispose pour nourrir les élèves est aussi limité. Alors qu’un repas coûte entre 5 à 7 e par personne à la Réunion ou dans l’Hexagone, à Mayotte les établissements scolaires doivent faire avec un budget de 2 à 3 € par élève pour les cantines et 1,46 € pour les collations !
Difficile donc d’avoir de la qualité à ce prix là. D’autant plus que pour les entreprises de restauration collective, le paiement ne se fait pas toujours en temps et en heure. « Les marges sont faibles pour nous, on travaille au centime près. Les délais de paiement ne sont pas toujours respectés surtout par les collectivités. Pour SRS ou Panima, cela implique un grand fonds de roulement, mais pour les petites entreprises, ce n’est pas possible surtout quand elles sont payées six mois après leur prestation. Lorsqu’on achète un conteneur de 40 pieds de viande, cela nous coûte 60 000 € et il faut avancer la moitié à la commande qui met 12 semaines à arriver. On a une couverture financière, mais elle ne nous est offerte que sur une période de 60 jours, c’est très contraignant » affirment de concert Cécile Tonizzi et Stéfanie Moller, respectivement responsable chez SRS et chez Panima.
Lors de cette matinée, d’autres acteurs se sont présentés parfois un peu par hasard. Ainsi un agriculteur qui a regretté que la rencontre ne soit pas plus médiatisée a pu rencontrer un restaurateur. Les deux hommes se sont échangé leurs coordonnées et envisagent de travailler ensemble. Pour cela, chacun espère qu’il sera gagnant. « Avec les gros acteurs, ce n’est pas évident. Eux ils imposent leurs prix et leurs conditions. Mais il y a moyen de sortir gagnant l’un et l’autre » affirment-ils.
Lors de cette journée, une vingtaine d’entreprises et établissements scolaires ont fait le déplacement. Deux agriculteurs étaient présents alors que tout commence par eux. « Nous n’avons pas reçu le message et personne ne nous a contactés » a déclaré l’un d’entre eux.
Toutefois, l’initiative a du bon selon Oissilati Magoma, collectrice et revendeuse de fruit set légumes. « Je suis venue voir des acheteurs potentiels et cette rencontre répond à mes attentes » a-t-elle déclaré.
Le pari est donc gagné, mais les acteurs attendent désormais que les problèmes de fonds soient débattus pour que la restauration scolaire puisse vraiment prendre son envol à Mayotte. À commencer par la participation financière de la CAF, de l’État et des collectivités, mais aussi des parents. Parce que dans une île où tout est cher et où on est obligé d’importer certains aliments, il est impossible de faire de la qualité à un prix deux fois moins élevé que dans les autres départements.
F.S.
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