Il y a eu des présidents, des directeurs, des équipes, des chantiers par centaines sur toute l’île, des architectes et des bureaux d’études, des maçons et des menuisiers, des carreleurs et des peintres, des électriciens et des charpentiers qui ont pour certains fait leurs premières armes sur des chantiers parfois modestes. Ils étaient plus conséquents à la fin quand il a fallu construire des « mini-collèges » de 15 ou 20 salles.

Ce système a bien fonctionné un temps, puis les sirènes de l’emploi de complaisance ont résonné, les dirigeants y ont placé beaucoup trop de monde. Il a fallu agrandir les locaux pour y loger jusqu’à près de 65 salariés. Et la marmite a débordé… avec l’eau du bain.

Chacun revendiquant son « protecteur », chacun étant plus chef qu’un autre, plus protégé qu’un autre, le travail n’a plus été fait, faute de foncier, faute de réel directeur, et le bateau a coulé. L’argent pour construire les écoles a servi à payer les salaires… et les écoles ne sortaient plus de terre, malgré les besoins chaque jour plus criants, malgré l’urgence 100 fois répétée !

Faute de réaction sérieuse, faute de plan courageux de remise en route de la structure, de remise à plat des salariés nécessaires et des autres, l’Etat a décidé de trancher dans le vif, de liquider l’édifice. L’intercommunalité à Mayotte, pour ces missions en particulier, a pourtant, à mon avis, toujours sa raison d’être, tout autant qu’avec la Sim, voire même la SPL 976.

Qu’aujourd’hui la fin des rotations soit devenue une priorité est une très bonne chose dont tous devraient se satisfaire (et il était temps !). Mais je trouve gênant que l’Etat s’apprête à faire disparaître du paysage un des piliers de l’intercommunalité, quand c’est la direction que l’Etat veut faire prendre aux communes… comme l’a encore rappelé le Premier ministre ce jeudi à Pau devant les présidents des départements de France.

Et surtout que ce soit l’occasion de faire avaler une pilule bien plus amère : après les collèges et les lycées en « modulaires provisoires », d’une durée de vie de 10 ans, certains maires s’apprêtent à accepter de construire des écoles en algéco. L’impact négatif pour l’emploi et tout le secteur du BTP sera dramatique, terrible.

On ne doit pas, sous prétexte d’urgence dans la fin des rotations et pour accueillir 2.600 nouveaux élèves chaque année, sacrifier l’emploi et l’économie locale. Surtout quand on connaît la situation du chômage, la faiblesse du PIB mahorais.

Pour construire le collège K3 en algéco il suffit de 3 ou 4 entreprises alors que près d’une trentaine serait nécessaire pour le construire en dur. La valeur ajoutée locale est extrêmement limitée. Il faut poser quelques plots de béton au sol et installer une charpente. Pas besoin de maçon, de carreleur, de peintre, d’électricien… Tout est déjà posé à l’arrivée, même les climatisations sont installées, mêmes les ampoules… Les délais de fabrication, le transport et l’installation sont un peu plus rapide qu’une construction en dur, mais ça coûte au final quasiment le même prix.

Sauf que dans 10 ans, les communes pour les écoles, le conseil général-régional pour les collèges et lycées devront tout démolir et reconstruire, tout en permettant aux enfants de continuer à étudier…

A n’avoir pas fait le ménage au Smiam tant qu’il était temps, et dans d’autres structures, faute de courage et de vision politique, les élus qui dirigent ces institutions, et l’Etat qui n’a pas mis les moyens suffisants pendant des années, ont généré des rotations inadmissibles. Ils ont créé des établissements où s’entassent nos enfants, où la violence trouvent un terreau fertile, où le personnel enseignant est parfois bien débordé.

Qu’à très court terme, sur les trois ou six prochains mois, soient installées des salles de classe en préfabriqué, provisoires, pourquoi pas. Mais pas au-delà ! Il faut en parallèle, de suite, lancer les chantiers pour des écoles en dur, qui donneront du travail aux entreprises locales.

L’éducation et l’emploi sont deux priorités qui doivent être menées de front. Mayotte ne peut pas sacrifier là son économie et une partie de son avenir.

Des élus courageux doivent redresser le Smiam, ou créer une autre structure, mais maintenir l’intercommunalité si bienvenue pour cette mission et travailler intelligemment avec l’Etat, et notamment l’Education nationale, pour réussir à fournir le foncier nécessaire, vite, pour ne pas jeter l’emploi avec l’eau du Smiam.

Laurent Canavate