L’argent de l’Europe attire du monde à Mayotte !

 

Quelques infrastructures « de base » devraient bénéficier de cette première fournée européenne. Il y a d’abord la gestion des déchets et l’assainissement, nécessaire pour toute construction. L’Europe y consacrera 46 M€ et l’Etat près de 99 M€. C’est clairement le chantier des années à venir et il fallait le faire. Pour le lagon, désormais parc naturel, mais aussi pour la salubrité publique…

Aujourd’hui, pour construire un bâtiment public, une école, un immeuble de logements, il faut prévoir, dans les zones non raccordables au réseau des eaux usées, sur la parcelle, une surface pour l’assainissement individuel. La zone doit se situer à au moins trois mètres des bords de la parcelle, et à cinq mètres du mur du bâtiment… Sur une petite parcelle, cela limite vite l’espace et bloque des projets. Cela constitue en plus, évidemment, un surcoût important, qui se répercute sur toutes les constructions. D’autant que lorsque l’assainissement arrivera, il ne servira plus à rien… Pour aménager, construire les logements et autres bâtiments publics si nécessaires sur Mayotte, il fallait, vite, passer par cette case assainissement. Ce sera fait.

Les fonds européens du Feder devraient aussi être mobilisés pour la construction de l’hôpital de Petite Terre, le transport maritime (et routier ?!), l’agrandissement du port, le développement du numérique… Mayotte va avancer. Une période plus « faste » devrait s’ouvrir pour l’île, après des années de crises, de grèves, de projets avortés, de marche avant et marche arrière…

60 M€ sont aussi prévus pour l’agriculture, la pêche et l’aquaculture avec le Feader, ce qui devrait permettre de développer la production locale, créer de l’emploi dans ces secteurs et nous proposer des produits frais, de la viande et du poisson, des fruits et légumes, tout au long de l’année, et remplacer une partie des importations par des produits locaux. La santé publique y gagnera.

Le 3ème pan important de ces fonds, le FSE, sera essentiellement consacré à la formation des jeunes exclus du système scolaire ou à la recherche d’un emploi. Près de 65 M€ y seront consacrés. C’est bien, et cela attire de plus en plus de monde.

Ceux qui savent monter des dossiers, et les mener à bien, arrivent, s’installent, sous le regard parfois dépité des opérateurs déjà en place. Ceux qui ont proposé leurs services depuis des années, qui se battent avec énergie pour que les choses se mettent en place, avancent, ont parfois l’impression de se faire déposséder par ces nouveaux venus, aguerris aux montages des dossiers et parfois s’appuyant sur des réseaux en place.

Nos voisins réunionnais ont pu, il y a 20 ans, subir ce sort. Aujourd’hui ils maitrisent les procédures et répondent à des appels à candidatures, à des appels à projets. Il convient aux opérateurs locaux de se renseigner, de se mobiliser et de capitaliser sur leurs atouts, leurs relations, leur sérieux reconnu pour défendre leurs activités et monter des projets ambitieux, pour leurs structures et pour Mayotte.

Mon inquiétude, face à ces formations à venir, c’est d’essayer d’imaginer ce que pourront faire ces jeunes une fois « re-cadrés », « re-formés ». Quel avenir, quel travail leur sera proposé ?

Les constructions d’établissements scolaires dans le primaire et le secondaire semblent constituer une priorité pour le Gouvernement. Des moyens importants y sont, y seront consacrés. C’est une très bonne chose à mon avis. Il convient de s’en féliciter et de remercier l’Etat. Là aussi il était temps. Il y a par ailleurs un énorme besoin de logements vu l’habitat insalubre, indigne, la croissance démographique et la trop forte densité par habitation.

Mais à mon avis, on ne devrait pas sacrifier, sur l’autel de l’urgence, l’emploi des années à venir de dizaines, de centaines d’entreprises du BTP et de milliers d’emplois en construisant du provisoire. A très court terme, pourquoi pas, mais je le répète, pas pour résorber durablement les rotations dans le primaire et l’entassement dans le secondaire. L’enjeu est trop important. On ne peut plus construire du provisoire à Mayotte. Il faut des bases saines : construire, assurer l’entretien et passer à autre chose. Il ne faut pas y revenir dans 10 ans alors que d’autres besoins seront là… Ce serait, à mon avis, faire un cadeau empoisonné à l’île.

L’argent de l’Europe arrive. Il attire du monde à Mayotte, des investisseurs, des opérateurs dans de nombreux domaines. C’est bien, c’est stimulant. Cela donne de l’espoir. Mais il ne faudrait pas que l’on se réveille dans 6 ans en se disant qu’on a une partie de l’assainissement en place, des écoles provisoires, des dizaines de milliers de jeunes qui ont suivi des formations… et cherchent désespérément un emploi.

Dans une île où 57% de la « richesse » est créée par l’administration (contre 28% en Métropole, déjà considérée comme trop « administrée »…), il est temps de se consacrer aussi au développement économique, au développement des entreprises locales et à l’emploi. Les responsables politiques, l’Etat et les entreprises ont tout intérêt à mener ce combat ensemble, pour le gagner. L’Europe y aidera certainement.

Laurent Canavate

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