Après Kahani, vient le tour de Doujani. Ce week-end, un jeune motard a trouvé la mort sur le remblai après avoir été percuté par une voiture. Comme une semaine auparavant dans le centre de l’île, cet accident de la route a donné suite à plusieurs scènes de violences contre l’automobiliste mis en cause et les forces de l’ordre.
Pour la deuxième fois en moins de dix jours, un accident de la route a provoqué un déferlement de violences inouï, ce week-end à M’tsapéré. Une semaine plus tôt, des émeutes éclataient à Kahani, où une enfant de cinq ans venait d’être blessée par un automobiliste circulant à une vitesse trop élevée. Mais le motard fauché ce dimanche n’en est lui, pas sorti vivant. Il est 20 heures 30 ce soir-là, lorsqu’un jeune homme au volant de son deux-roues entreprend un dépassement “hasardeux” selon les forces de police, en sortant du rond-point de Doujani. En pleine courbe, il se déporte sur la voie de gauche. En face, une voiture arrive et n’a pas le temps de freiner. Percuté de plein fouet, l’homme de 20 ans est tué sur le coup.
Immédiatement, l’automobiliste, âgé lui d’une soixantaine d’années, s’arrête sur le bas-côté pour appeler les secours. À peine a-t-il le temps de raccrocher que plusieurs dizaines de jeunes qui venaient d’assister à la collision s’approchent de lui et le molestent à coups de pieds et de poings. Lorsque les pompiers arrivent sur place, ces mêmes jeunes s’en prennent cette fois au véhicule chargé de remorquer la moto accidentée, pendant que l’automobiliste passé à tabac est conduit au CHM, légèrement blessé. Puis, la police intervient à son tour pour sécuriser l’évacuation des soldats du feu. Les jeunes prennent alors à partie les forces de l’ordre et, comme à l’accoutumée, tirent des rafales de pierres en leur direction. Après quelques ripostes à coup de gaz lacrymogènes, le calme revient enfin lorsque sonnent les 22 heures. Là encore, aucune interpellation ne sera possible ce soir-là, et nul ne sait à ce stade si le sexagénaire, qui a porté plainte, sera en mesure d’identifier ces agresseurs. Une scène que ne connaissent que, tristement, trop bien les habitants du 101ème département.
Pendant ce temps-là, la délinquance baisse selon la ministre des Outre-mer
Pourtant, mardi dernier, la ministre des Outre-mer, interrogée par le député Mansour Kamardine sur l’insécurité à Mayotte, répondait que les faits de délinquance y avaient baissé de 45 % sur les trois derniers mois. Une déclaration rapidement qualifiée de “déni de réalité” par le parlementaire, qui, depuis l’automne dernier, ne cesse de signaler au gouvernement “un regain notable d’insécurité” sur le territoire, notamment concernant des faits de vol à main armée, de séquestration, d’agression, de pillages de commerce, d’incendie et de guet-apens contre les forces de l’ordre. Atterrée par les propos tenus par Annick Girardin, la population a également vivement réagi sur les réseaux sociaux. “Il faudrait qu’elle regarde de temps en temps le journal”, suggéraient les uns, pendant que les autres l’invitaient à revenir dès que possible voir la réalité de l’île, loin des colliers de fleurs et des m’biwi qui accompagnent chaque visite ministérielle.
Réinterrogée quant à ses déclarations, cette fois par le sénateur Thani, la ministre des Outre-mer avait, deux jours plus tard, maintenu ses propos, faisant état de “deux nuits de phénomènes” et de “faits ponctuels” : “C’est ce que j’ai pu lire sur les réseaux sociaux et je sais que les chiffres que j’ai donnés peuvent paraître éloignés du ressenti au quotidien des Mahorais (…) Si j’ai choqué les Mahorais, c’est que nous ne nous sommes pas compris. Oui, globalement la violence a baissé. Ces chiffres viennent de la baisse de plaintes déposées. Alors, on peut s’interroger. Est-ce que les gens vont moins porter plainte parce qu’ils estiment que ça ne change pas grand-chose ? Ou est-ce que la période de confinement a fait qu’il y a eu moins de plaintes ?” Une question que le ministère de l’Intérieur avait déjà tranchée dès la fin du mois de mars, en dévoilant les chiffres des crimes et délits enregistrés sur tout le territoire national depuis le début de la crise sanitaire. Sans surprise, tous, sans exception, affichaient une nette baisse, à l’heure où les déplacements étaient, partout, strictement limités.
Si l’avis de la population semble lui aussi bien tranché, qu’en est-il du côté de la police ? “Il faut évidemment faire le distinguo entre les statistiques pures, dont le nombre de plaintes, et le ressenti sur le terrain qui est forcément en décalage avec les chiffres”, a à son tour affirmé le commandant Stéphane Cosseron, chef de la police dans le département. “La délinquance est soutenue, et on se doute qu’il y a des agressions que certains gardent pour eux et qui passent entre les mailles du filet, mais on ne peut pas dire qu’on constate une augmentation massive”, les barrages routiers, notamment, y étant effectivement monnaie courante, et ce depuis plusieurs mois. Vendredi dernier, deux hommes âgés de 20 ans ont d’ailleurs été condamnés à huit et dix mois de sursis probatoire pour avoir participé à plusieurs émeutes à Koungou au mois de décembre.
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