Grève BDM : quatre jours après l’incendie à Jumbo, un conflit au point mort

Après l’escalade du week-end, qui a conduit des grévistes à incendier des pneus de voiture devant le supermarché, le mouvement de contestation des salariés contre Bourbon Distribution Mayotte – le groupe de distribution racheté par le géant ultramarin GBH (Groupe Bernard Hayot) – semble dans l’impasse. Un moment de flottement qui se ressentait dans les allées comme sur les piquets de grève, ce mardi.

C’est calme. Trop calme ? À Jumbo Score ce mardi, on pourrait presque entendre les mouches voler. Et croire que les grévistes ont levé le camp… Seul signe que leur mouvement social contre la direction de Bourbon Distribution Mayotte se poursuit, leur bannière, qui flotte au vent à côté des lettres de l’enseigne rouge et bleue. “Non à la discrimination dans le groupe GBH. Salaire mini net à Mayotte 1.069 euros contre 1.218 euros à La Réunion. Partageons les richesses et non la misère”, signent les syndicalistes, toujours remontés comme des coucous suisses. Et comme pour rappeler qu’ils étaient toujours là, un employé a d’ailleurs prévenu le groupe de distribution dans un post Facebook ce mardi matin de “respecter le droit de grève des salariés (…) et de ne pas enlever notre banderole jusqu’à la fin de notre mouvement social”. “À bon entendeur”, croit-il bon de préciser.

Du coup, dans les allées du supermarché, on ne peut pas dire qu’il y ait foule. Les employés, occupés au réassort, sont presque plus nombreux que les clients… Alors même qu’on “tourne en effectif réduit”, assure une responsable du magasin. “Il y a surtout des grévistes ici à Jumbo, beaucoup moins dans les Doukas. Et je dirais que 60% sont des employés des entrepôts, contre 40% dans les rayons”, décrit-elle. En tout, ils sont encore 120 salariés à faire grève, dont seulement six dans les petites épiceries rouges, sur les 540 employés que compte BDM à Mayotte. Et vu que les entrepôts sont bloqués, les réapprovisionnements prennent du retard, car les chauffeurs livreurs doivent amener et dépoter les conteneurs directement derrière les enseignes. Ce qui ne permet pas de traiter les mêmes volumes.

Appel au soutien et pneus cramés

Conséquence, étagères et caddies se vident, et seuls quelques rares clients font aujourd’hui leurs emplettes à Jumbo. “D’habitude, il y a plus de monde les midis, là c’est vrai que c’est plus tranquille. Et il y a peut-être un peu moins de produits mais ce n’est pas plus mal, ça évite de tomber sur du périmé”, constate une femme en réajustant son foulard léopard sur son nez, avant de faire son choix parmi les boites de conserve. Certes, la CGT-Ma avait aussi appelé, il y a quelques jours, la population mahoraise à les soutenir dans leur lutte, en boycottant l’enseigne. Mais difficile de savoir si c’est par solidarité ou par crainte des ennuis, que les clients ne se pressent pas dans les allées ce midi.

Il faut dire que le mouvement a déjà connu quelques coups d’éclats. Jusqu’à l’escalade du week-end, qui a conduit une école voisine à fermer ses portes à cause des fumées provoquées par l’incendie de pneus devant le supermarché. Loin de faire évoluer les négociations, cet épisode a plutôt grippé la machine. Les salariés réclament toujours une revalorisation des salaires de 150 euros, des chèques déjeuners d’une valeur de neuf euros, la majoration des jours fériés à 200%, des réductions de 10% pour leurs achats chez leur employeur ou encore un 14ème mois et une prime transport.

Une médiation entravée

Pourtant, une médiation avait bien été lancée avec la Dieccte, qui avait conduit les uns et les autres à se réunir le 21 août dernier pour poser les bases d’un dialogue. Mais les négociations ont été stoppées net quand les syndicalistes de la CGT-Ma ont repris leur poste devant les trois entrepôts du groupe. La levée de ces “entraves” était la condition sine qua non pour que la direction accepte d’entendre leurs doléances. Si certaines demandes ont été acceptées, comme le 13ème mois à 100%, d’autres crispent les débats. “Au début, on était prêt à baisser nos exigences de revalorisation à 70 euros pour sortir du conflit, mais la direction ne nous a proposé que 23 euros, et pas pour tout le monde”, peste ainsi Attoumani Bora, délégué membre du CSE qui porte la voix des grévistes à l’entrepôt de la zone Nel.

En guise d’entrave, lui et sa bande font en effet le piquet, d’ailleurs plutôt allongés sur leurs nattes que debout, devant les rideaux métalliques résolument fermés du bâtiment de stockage. Là, ils sont encore une dizaine à papoter à l’ombre à côté des drapeaux rouges. Et derrière l’apparente bonne humeur et le calme qui règnent, on sent toujours pointer l’exaspération face à une direction qui refuse le dialogue et “nous envoie les forces de l’ordre tous les jours”, soupire celui qui tranche en temps normal ses pièces de boucher derrière le comptoir de Jumbo. “Hier encore, ils tentaient d’ouvrir la porte.” Une réaction pas vraiment à même d’apaiser les esprits, surtout après les heurts de vendredi et samedi derniers devant le Jumbo. “C’était juste un geste car on nous a envoyé la police pour nous gazer”, marmonne un employé d’entrepôt. “Il y a quelque chose de cassé entre les patrons, la Dieccte et nous.”

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