Vendredi dernier, les représentants syndicaux et la direction du groupe Bernard Hayot s’attablaient autour du préfet à la Case Rocher pour signer un protocole de fin de conflit après 71 jours de grève. Si toutes les parties semblaient se réjouir d’une telle issue, le retour à la réalité a semble-t-il remis de l’eau dans le gaz. Les salariés ont de nouveaux exercé un débrayage ce jeudi pour soutenir deux de leurs collègues licenciés cette semaine.
La lune de miel entre les salariés et la direction du groupe Bernard Hayot n’aura duré que quelques heures seulement… Allongées à côté d’une file indienne de cadis, à l’ombre d’un soleil déjà au zénith, caissières et boulangères font la grise mine. À peine remises d’une grève longue de 71 jours, ponctuée par une sortie de conflit vendredi dernier, elles remettent le couvert ce jeudi pour « manifester notre mécontentement car la direction n’a pas respecté le protocole ». Visages exténués, malgré les sourires d’apparence, elle prennent conscience que le combat est loin d’être terminé… Au contraire, celui-ci risque bien de repartir de plus bel. L’étincelle de ce revirement de situation ? Un retour à la normale conjugué de « discrimination » et de « licenciements ».
Mardi, six des huit agents des services techniques découvrent avec stupéfaction le changement de la serrure de la porte d’entrée de leur local. Avant de partir en congés, leur supérieur leur ordonne de ramasser les ordures sur le parking et dans les entrepôts jusqu’à son retour en début de semaine prochaine. Face au refus du personnel d’exécuter ces tâches, un premier debrayage s’installe dans la foulée. Mais l’annonce du licenciement de deux salariés – l’un des techniciens et un employé du Score de Petite-Terre – met le feu au poudre dès le lendemain, provoquant de facto un nouveau mouvement social ce jeudi. « Nous nous étions mis d’accord pour reprendre le travail sans représailles aucunes. Mais Monsieur Berlioz n’en fait qu’à sa tête », fustige Boura Attoumani, délégué membre du comité social et économique (CSE). Selon lui, les deux personnes évincées auraient été prises « au hasard juste pour nous faire peur ». Conséquence, « nous avons réuni tous les collègues grévistes pour dire « stop » et soutenir nos collègues », souligne-t-il, dépité. « Nous avons appelé la personne de la Dieccte qui suit notre dossier pour tenter de trouver une solution. »
Deux licenciements et des mises à pied
Du côté de la direction, la version est sensiblement différente ! Pour les cas les plus graves, notamment ceux qui ont été à l’origine d’incendies, ceux qui ont tenu des propos injurieux à l’égard des non-grévistes, et ceux qui ont commis des entraves, il fallait s’attendre à des répercussions. « Nous avons dit qu’il y aurait des licenciements s’il y avait eu des exactions. C’était prévu comme cela, cela a été dit comme cela en présence du préfet », confie-t-on. Pour l’heure, il est encore trop tôt pour connaître le nombre exact de salariés qui risquent d’être mis à la porte. « Sur les sujets disciplinaires, nous avons dit que nous porterions une attention particulière pour que les décisions soient mesurées. Que les salariés ne soient pas satisfaits, nous le comprenons, mais nous n’avons jamais dit autre chose. » Et pour tenter de désamorcer la bombe qui se profile, la hiérarchie précise avoir privilégié les mises à pied. « Nous avons pris l’engagement qu’il n’y aurait pas de nouvelles procédures judiciaires, mais il pourra y avoir des procédures disciplinaires ! »
Deux discours diamétralement opposés qui viennent une nouvelle fois mettre de l’eau dans le gaz alors que les relations semblaient repartir sur de bons rails. « De toute façon, notre chef s’en fout. Il nous a montré à plusieurs reprises qu’il faisait ce qu’il voulait », peste Abdoul, manager dans le groupe. Toutefois, la direction tend à jouer la carte de la transparance. « Quand l’un de nos collaborateurs a été tapé ou blessé par un collègue gréviste, nous ne pouvons pas faire comme si rien ne s’était passé… » Avec une idée en tête : « L’objectif n’est pas de nous séparer de tout le monde mais de rassembler et de retrouver un climat de travail serein. Certains y arrivent, pour d’autres c’est plus difficile. » Visiblement, un point de non-retour a de nouveau été atteint entre les deux parties. Au risque de faire machine arrière et d’envoyer aux oubliettes le protocole signé la semaine dernière ? « Nous sommes prêts à nous remettre en grève. Certes, c’est un sacrifice financier, nous en sommes tous conscients. Mais l’enjeu est beaucoup trop important pour laisser passer cela », met en garde Abdoul. D’ailleurs, une nouvelle grève illimitée pourrait commencer dès aujourd’hui. Pour combien de temps cette fois-ci ?
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