Extraits choisis du rapport
Echec massif
A l'Université, "Nous obtenons un taux de réussite moyen de 16% en 1ère année, alors que le taux national avoisine les 50%. Le taux de réussite moyen pour l'obtention d'un bac+2 en 2 ans est de 9%, ce qui confirme la tendance avancée lors de l'étude de l'Insee en 2003."
"En marge des faibles résultats de réussite que nous venons d'observer, notons que le phénomène "abandon" touche les étudiants mahorais dans des proportions que nous qualifierons d'inquiétantes. Le taux d'abandon moyen à l'issue de la 1ère année d'inscription est de 18%, alors que la moyenne nationale est de 6%.Le taux d'abandon en 2ème année atteint quant à lui les 32%. On remarque qu'à l'issue de deux années d'inscription, plus de la moitié de l'effectif de départ a abandonné (tendance remarquée depuis 2003). Les cohortes 2002 et 2003, sur lesquelles nous avons pu effectuer des suivis sur 4 ans, font état de près de 60% d'abandons à l'issue de 4 années dans l'enseignement supérieur.
L'université, de part la taille de son effectif (en moyenne 67,5% des étudiants mahorais s'y inscrivent) est la première touchée par ce phénomène et plus particulièrement ses filières phares que sont AES, droit, et à un degré moindre les langues et les sciences humaines."
Mauvaise orientation
"9 étudiants sur 12 affirment que leurs choix de filières ne s'est opéré qu'à l'issue du baccalauréat. L'environnement familial des néo bacheliers semble influencer fortement le choix des filières dans le supérieur, alors que les dispositifs du type CIO ou le corps enseignant ne jouent qu'un rôle mineur dans les choix post bac.
Les étudiants appréhendent généralement les filières choisies dans leur globalité. Il ressort des entretiens qu'il existe une certaine méconnaissance des contenus de formations qui aura pour effet de mettre les étudiants en situation délicate une fois les cours démarrés."
"Un autre type de discours porté par deux étudiants interviewés révèle que le baccalauréat, qu'il soit général, technique ou professionnel, reste encore pour certains l'objectif final. La filière suivie dans le supérieur ne revêt que peu d'importance, l'essentiel étant d'avoir son "bac en poche" et d'être inscrit dans des études supérieures. Force est de constater qu'aujourd'hui encore le baccalauréat est considéré comme une fin en soi pour certains lycéens. Une fois l'objectif bac atteint, ces néo étudiants peu motivés et surtout dépourvus de toute stratégie d'étude, se retrouvent dans l'enseignement supérieur avec une probabilité d'échec accrue."
"Les étudiants inscrits à l'université déplorent le manque d'encadrement dans le supérieur qui, à leurs yeux, constitue un handicap lourd à surmonter. Ils insistent lourdement sur leurs manques de préparation face aux exigences des filières universitaires. L'une des conséquences directes de cette inadaptation au nouveau rythme scolaire imposé par le niveau supérieur est le décrochage."
"Les réorientations observées dans le cadre des suivis des cohortes (réorientations surtout observées à l'issue d'un échec en 1ère année) nous interpellent sur les choix d'orientations des néo bacheliers mahorais. Choisissent-ils leurs filières dans l'enseignement supérieur ? Connaissent-ils réellement les contenus de ces formations ? Autant de questions que nous sommes en droit de nous poser tant l'absence de stratégie d'orientation est perceptible au travers des trajectoires suivies dans cette étude. Face à ce constat, un travail de partenariat qui mobiliserait l'ensemble des partenaires que sont la CDM, le vice-rectorat (CIO) et les associations semble nécessaire afin de développer une véritable politique de sensibilisation sur la question de l'orientation. Dans un premier temps il conviendrait de renforcer et de compléter les dispositifs d'orientation existants du type CIO qui ne disposent actuellement que d'un seul point d'information sur l'île. Dans cette logique de partenariat, la CDM pourrait accompagner toutes les initiatives visant à sensibiliser les jeunes sur leurs orientations. Cet appui peut se traduire sous forme de subvention aux associations œuvrant dans ce domaine."
Manque de motivation et d'intégration
"Concernant le temps consacré au travail personnel, on constate une forte variation de sa durée selon que l'enquêté soit inscrit en cycle court (BTS-IUT) ou long (Université). Les étudiants des cycles courts affirment travailler en moyenne une à deux heures par jour contre seulement cinq heures hebdomadaires pour les universitaires.
La moitié de l'effectif avoue ne pas fréquenter les bibliothèques universitaires et n'en voit d'ailleurs pas l'utilité, 2 sur 12 s'y rendent occasionnellement, et 4 sur 12 affirment la fréquenter plusieurs fois par semaine."
"Très peu d'interviewés affirment être en contact régulier avec des camarades métropolitains dans et en dehors du cadre universitaire, la plus grande partie préférant vivre en autarcie. Cette tendance communautaire ne facilite pas la fréquentation des lieux de vie estudiantine tels que les bibliothèques, les restaurants universitaires ou le campus en règle générale."
"Sur 12 étudiants, 8 étaient logés dans un parc locatif privé dès la deuxième année d'inscription. Les raisons généralement invoquées pour expliquer la désertion des résidences universitaires sont la promiscuité imposée par les lieux, ainsi que les mauvaises relations entretenues avec les autres résidents. Le discours teinté de conformisme de nos enquêtés, qui affirment par ailleurs chercher dans les logements privés un cadre de travail idéal, cache sans doute une autre réalité. En effet, il semblerait que les étudiants mahorais éprouvent d'énormes difficultés à s'adapter à la vie en communauté imposée par les résidences universitaires. Très majoritairement ils préfèrent les logements en centre-ville pour fuir ce nouvel environnement et se tournent vers la communauté (lorsqu'elle est présente dans l'académie) qui devient alors un refuge. Ce choix du logement privé aura pour effet immédiat de couper l'étudiant du milieu universitaire où il était censé évoluer. La sociabilité de l'étudiant sera également affectée par ce type de logement, dans la mesure où elle tendra à se développer en dehors du cadre purement universitaire."
Il n’y a pas que la Dasu dans la vie !
Vous êtes étudiant ou lycéen, vous avez des projets ambitieux, mais vous n’avez pas eu l’aide de la Dasu ? Tout n’est pas perdu. Si vous n’êtes pas boursier national, les choses sont plus ardues. En Métropole, de très nombreux étudiants doivent avoir un job étudiant pour couvrir les frais dus à la poursuite d’études.
Cumuler travail et études n’est pas forcément évident, mais cela tend à être la règle de nos jours pour ceux qui n’ont pas de bourse et dont les parents ne peuvent assurer leur entretien. Les annonces pour jobs étudiants sont souvent affichées au sein des Crous ou dans les halls des facultés. Les plus courus sont les fast-foods. Ceux-ci attribuent plus facilement un nombre d’heure de travail (pas plus de 20 heures par semaine) qui facilite la cohabitation entre les études et le boulot. Il y a également la possibilité des prêts d’honneur (environ 1.500 € par an) à rembourser dans les 10 ans (pas d’intérêts).
Pour ceux qui auront probablement le bac avec mention très bien, il faut s’y prendre dès maintenant pour faire une demande de bourse de mérite dans le Crous de l’académie que vous souhaitez joindre. Il faut pour cela s’engager à vouloir préparer l’ENA (Administration), l’ENM (Magistrature) ou une grande école.
Pour ceux qui partent en échange à l’étranger, des régions métropolitaines (notamment Rhône-Alpes) fournissent des aides qui ne dépendent pas de l’attribution de la bourse nationale, à condition d’avoir effectué au moins deux années d’études supérieures dans l’un de ses établissements (montant qui s’élève à un peu plus de 3.000 € pour 9 mois). Pour ceux qui décident de s’inscrire en dehors du cadre d’un échange, les universités d’accueil proposent de nombreux moyens de financements des études (le plus souvent des jobs étudiants ou des bourses privées).
Pour plus de renseignements, consulter les différents sites internet suivants.
www.cnous.fr : Centre national des œuvres universitaires et scolaires. Informations pour remplir le dossier social étudiant, sur les bourses et le logement étudiant.
http:/www.cg976.com/index.php : Pour les dispositifs mis en place par la Dasu
www.orientation-formation : Portail de la formation et de l’orientation. Explique bien les passerelles qui existent entre les différents types de parcours scolaires.
www.etudiant.gouv.fr : Portail qui répond à un grand nombre de questions qui traversent l’esprit des étudiants. On y apprend qu’à critères égaux, l’accès en chambre universitaire est prioritaire pour les Ultramarins et que des étudiants ultramarins référents sont là pour mieux expliquer les subtilités de la Métropole.
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Rencontre avec le directeur de la Dasu, Bina Attoumani
"La Collectivité fait son travail, les étudiants doivent faire le leur"
Versement tardif des bourses, problèmes de communication, cafouillage dans le traitement des dossiers, manque de prise en charge des primo partants… Lorsqu'il s'agit de justifier leurs échecs, les étudiants pointent immanquablement le doigt vers la Division des affaires scolaires et universitaires (Dasu), service du conseil général. Depuis 2007, le conseil général tente de répondre aux différents problèmes, tout en estimant que les étudiants doivent aussi prendre leurs responsabilités.
Mayotte Hebdo : Pour quelles raisons le conseil général verse-t-il une bourse supplémentaire aux étudiants qui ont droit à la bourse nationale, et à eux seuls ?
Bina Attoumani : L'aide du conseil général de Mayotte n'est pas vraiment une bourse. Elle représente 236€ par mois par étudiant, ce qui n'est pas assez pour vivre en Métropole. C'est donc juste un complément à la bourse nationale qui est plus conséquente. Le niveau de vie des familles mahoraises étant souvent plus faible que celui des familles métropolitaines, les étudiants mahorais sont boursiers à l'échelon le plus haut. Le conseil général leur apporte le complément que leurs familles ne peuvent pas fournir.
MH : Il existe une antenne de la Dasu à Paris, à quoi sert-elle ?
B.A. : Cette antenne a été mise en place en 2001. Au départ il n'y avait que la Maison de Mayotte, qui était une association subventionnée par le conseil général et qui servait de régie pour les aides financières aux étudiants en cas de difficulté majeure, mais c'était un organe indépendant. La décision de créer une antenne de la Dasu sur place a été prise dans le but de relayer nos informations auprès des étudiants et d'organiser leur accueil. Lorsqu'ils atterrissent à Paris, tous les étudiants sont pris en charge par un agent de la Dasu Paris et acheminés vers les différentes gares pour se rendre dans leur ville d'étude. La Dasu alerte les associations présentes dans les différentes villes universitaires pour qu'elles organisent leur prise en charge à la descente du train.
L'autre mission de l'antenne de Paris est de gérer l'envoi à Mayotte des différentes pièces requises pour la constitution des dossiers de bourse. Elle sert de relais entre les étudiants et la Dasu Mayotte. Nous avons également installé depuis 2004 une antenne à la Réunion qui a les mêmes missions.
"Depuis longtemps, nous nous déplaçons régulièrement en Métropole"
MH : Que sont les médiateurs académiques ?
B.A. : C'est un dispositif que nous avons inauguré à la rentrée 2007 dans les académies de Toulouse et Nantes, qui reçoivent beaucoup de nos étudiants, et qui a été étendu en 2008 à Bordeaux, Clermont-Ferrand et Rennes pour la même raison. Depuis longtemps, nous nous déplaçons régulièrement en Métropole auprès des étudiants et des associations pour déterminer quelles sont les difficultés rencontrées. Il est apparu que les étudiants souhaitaient avoir une personne à proximité à la fois pour être mieux informés et aidés pour la constitution des dossiers de demande de bourse, mais aussi pour leurs démarches administratives auprès de la Caf, de la Sécu, leur recherche de logement, etc. Nous avons donc signé des conventions tripartites entre le conseil général, le vice-rectorat et les recteurs des académies concernées pour placer une personne sur le terrain qui se charge de suivre les jeunes dans leur vie étudiante en général, qui essaie d'anticiper leurs problèmes et leurs besoins.
Les médiateurs nous font un rapport trimestriel sur leur activité. Pour la rentrée 2009, nous envisageons de placer des médiateurs à Limoges et Poitiers. Pour les autres académies, c'est la Dasu Paris qui joue ce rôle en se déplaçant régulièrement.
"Les Mahorais partent en Métropole pour être libres"
MH : Vous parlez d'aider les étudiants dans leur recherche de logement, mais n'ont-ils pas tous droit à un logement universitaire ? Le rapport sur l'échec des étudiants constate qu'ils sont nombreux à quitter la cité U pour un logement privé en centre-ville, que pensez-vous de ce phénomène ?
B.A. : Les étudiants mahorais ont effectivement droit à un logement en résidence universitaire, mais aujourd'hui la demande est bien plus forte que l'offre existante et nombreux sont les étudiants d'ici comme d'ailleurs qui ne peuvent en avoir un et qui n'ont qu'une attribution de logement conditionnelle, sous réserve de place. Concernant ceux qui quittent leur logement universitaire, nous touchons là une question même de la culture mahoraise. Le jeune Mahorais n'est pas habitué à ce mode de vie, les cités universitaires sont régies par des règlements. Par exemple il y a un réfectoire et on ne peut cuisiner dans sa chambre, ce qu'ils n'apprécient pas. Les Mahorais partent en Métropole pour être libres. Dans les cités U ils se sentent enfermés et se tournent donc vers le locatif privé, mais qui est beaucoup plus cher.
Je suis tout a fait d'accord avec l'auteur du rapport quand il estime qu'il y a un manque d'intégration des étudiants mahorais dans l'environnement métropolitain et que leur choix de logement en est une des causes. Les Mahorais se sentent inférieurs à leurs camarades métropolitaines, ils n'ont pas le même mode de vie, ils choisissent donc de se replier chez eux et entre eux et c'est évidemment une cause de leur échec dans leurs études.
17 M€ par an pour l'aide aux étudiants
MH : Les aides aux étudiants représentent plus de 17 M€ par an. On commence à grincer des dents sur tout cet argent versé pour si peu de résultats… Y a-t-il des solutions pour y remédier ?
B.A. : Il y a des discussions autour de ce problème. Ce qui est certain c'est que nous ne souhaitons pas baisser le montant des aides, mais plutôt mettre en place des dispositifs pour les aider à réussir. Les médiateurs académiques font partie de cette modernisation de notre service. A cela s'ajoute une réorganisation pour le traitement des dossiers. Nous avons coupé la France en 4, chaque agent a à sa charge plusieurs académies qu'il traite exclusivement. Ainsi, les étudiants auront toujours le même interlocuteur et un discours cohérent. Nous avons également acquis un logiciel pour le traitement du courrier, qui permettra de traiter les dossiers envoyés plus rapidement et sans pertes.
Pour aider les étudiants, depuis la rentrée 2008 le versement de la bourse est devenu mensuel et non trimestriel. Ainsi, les quatre premiers mois nous versons la bourse avec comme simple justificatif le certificat d'inscription. Les étudiants ont 4 mois pour nous fournir toutes les pièces du dossier de demande de bourse. Le versement du 5e mois est conditionné par la constitution du dossier complet. Cela leur permet de bien démarrer l'année et évite également les débordements causés par le versement trimestriel : quand les étudiants se retrouvent pour la première fois de leur vie avec une telle somme d'argent, ils s'achètent plein de choses chères, ne gèrent pas leur budget et finissent par se retrouver sans rien. Ces améliorations du service doivent permettre de mieux les aider, mais également de leur montrer que la Collectivité fait son travail et qu'ils doivent également faire le leur et prendre leurs responsabilités.
"Il faut que les Mahorais aient un niveau suffisant pour être embauchés ici parce qu'ils sont bons et non parce qu'ils sont Mahorais"
MH : Mais que pouvez vous faire contre le phénomène d'absence et d'abandon des études ?
B.A. : Le versement de la bourse est conditionné à l'assiduité. Désormais, ce sont les médiateurs académiques qui font jouer leur réseau pour être informés de l'assiduité ou des absences des étudiants. Ils font ensuite un rapport et en cas d'absences trop répétées nous suspendons la bourse et nous pouvons leur demander de rembourser s'ils ne se sont jamais présentés en cours.
MH : D'une manière plus générale, y a-t-il une politique éducative fixée par la Collectivité ? A-t-elle fixé les besoins dans différents corps de métiers pour l'avenir de Mayotte ou les étudiants sont-ils libres de choisir les études qu'ils veulent ?
B.A. : Pour l'instant il n'y a pas de politique globale, pas d'objectifs chiffrés et ciblés. Je pense que pour l'heure le conseil général ne se permet pas de fixer ce genre d'objectifs car il n'y a pas de possibilité d'études supérieures à Mayotte. Jusqu'ici, l'essentiel était de ne surtout pas laisser un jeune bachelier errer à Mayotte et de faire en sorte qu'il parte étudier ailleurs. Aujourd'hui une réflexion se met en place pour les formations porteuses pour le développement de l'île.
Mais cela ne pourra fonctionner que si le système des bourses et du suivi est en place, c'est pour cela qu'au préalable nous modernisons notre service. Ensuite il faudra s'attaquer à l'orientation. Mais de toute façon, il faut que nos étudiants partent en Métropole car tous ne pourront pas trouver du travail sur l'île. Il faut donc qu'ils se familiarisent avec la Métropole pour envisager d'y travailler. Pour moi, l'important n'est pas que les Mahorais reprennent les postes occupés par les Métropolitains, mais plutôt qu'ils aient les mêmes armes. Avec la départementalisation, toute personne pourra postuler à Mayotte comme n'importe où ailleurs, et il n'y aura pas de favoritisme pour ceux qui sont d'ici. Il faut donc que les Mahorais aient un niveau suffisant pour être embauchés ici parce qu'ils sont bons et non parce qu'ils sont Mahorais.
Propos recueillis par Hélène Ferkatadji
Hadadi Anjilani, conseiller général de Ouangani et président de la commission d'attribution des bourses, supérieur direct du directeur de la Dasu.
"Ma politique avec la Dasu est de prendre les problèmes un à un et de les résoudre un à un. C'est ce que nous faisons depuis la rentrée 2007 avec les différentes modernisations et améliorations. Maintenant il faut arrêter de toujours pointer du doigt le conseil général et prendre ses responsabilités. Nous versons un complément à la bourse parce que les familles ici ont peu de moyens, ce n'est pas pour autant que nous nous substituons au rôle des parents d'élèves.
Les étudiants mahorais doivent se bouger eux aussi. Nous leur laissons 4 mois pour constituer leur dossier de bourse, et au bout de 4 mois certains n'ont toujours pas envoyé les papiers ! Les étudiants doivent prendre conscience qu'ils ont de la chance d'avoir une aide aussi conséquente. Beaucoup d'étudiants métropolitains n'en ont pas autant et ont un travail en plus de leurs études, quasiment aucun étudiant mahorais ne travaille."
Réactions
- Abdallah, terminale STG
"En France ils ont plus de choix pour les formations, c'est pour ça qu'ils sont meilleurs."
- Karim, terminale comptabilité
"On n’a pas le même rythme qu’en France, là bas ils vont plus vite. Ils ont plus d’heures de cours. C’est pour ça que leur niveau est plus élevé."
- Labyad, terminale comptabilité
"Quand j’étais là bas, j’avais 6 de moyenne, ici j’ai 12 sur 20. Mais je pense que c’est aussi dû au fait qu’ici on est plus motivé pour travailler, car on veut partir à tout prix."
- Kayr, seconde générale
"Ici les profs sont plus souples sur la notation. Alors c’est sûr que quand on ira là bas les notes vont plonger."
- Halmati
"La différence de niveau entre ici et la France est liée à la langue; c’est déjà très difficile pour nous d’acquérir un français correct."
- Noami, seconde générale
"Si on avait un meilleur niveau en primaire, y’aurait plus de monde qui réussirait."
- Nadufati
"Je reste ici pour faire mon BTS parce que les conditions de vie sont plus difficiles en France. J’irai faire ma licence là bas."
- Aminati
"En France ils ont plus de temps pour travailler. Ici nous avons les travaux ménagers et tout le reste. En plus ils ont un accès plus facile à la recherche et à la documentation."
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Rencontre avec des conseillers d'orientation
Une orientation par défaut
L'une des principales causes de l'échec des étudiants selon le rapport serait l'orientation massive des bacheliers vers les filières universitaires, au détriment des filières courtes comme les BTS dont le faible effectif, l'encadrement plus étroit et les méthodes de travail seraient pourtant plus favorables aux élèves mahorais. Pour des conseillers d'orientation l'explication est simple : le trop faible niveau des bacheliers les exclue des filières sélectives.
"Près de 68% des étudiants s'orientent dans les universités, les filières les plus prisées étant AES (administration économique et sociale), le droit et les sciences humaines (sociologie, psychologie) ou encore les langues (LEA, anglais, espagnol). Le cycle court n'enregistre que 28% des inscriptions (BTS 20% et IUT 8%)", annonce le rapport de M. M'dahoma Halime Eddine.
Principale anomalie, les bacheliers en STG (bac technologique anciennement STT), destinés normalement aux BTS et IUT, s'engouffrent tous à l'université. "Nous essayons au maximum d'orienter les bacheliers STG vers les filières courtes qui sont plus adaptées", confirme une source au CIO*. "Le problème est que le recrutement en BTS et IUT se fait sur dossier, or le niveau des bacheliers STG mahorais est trop faible par rapport au niveau de Métropole et ils ne sont pas pris. Ils s'orientent donc vers l'université par défaut, d'autant que pour beaucoup l'orientation en STG n'est pas un choix volontaire et ils ne sont donc pas spécialement motivés pour intégrer des BTS."
En effet, bien avant le bac, le problème se pose lors de l'orientation post 3e où beaucoup d'élèves qui n'ont pas de place en filière professionnelle échouent en seconde STG. "Nous n'avons plus de quotas depuis deux ans", précise notre source, "maintenant nous fonctionnons avec le même logiciel d'affectation qu'en Métropole. Selon les résultats de l'élève, il peut être affecté dans tel CAP ou tel bac pro. Le problème est que les enseignants ne notent pas tous de la même façon et certains élèves sont donc favorisés par rapport à d'autres. En plus, les places à Mayotte sont limitées, il faut créer davantage de filières professionnelles car ceux qui n'ont pas de place sont orientés par défaut en seconde STG pour laquelle ils n'ont déjà pas le niveau. Le phénomène s'aggrave donc jusqu'au Bac et encore plus à l'université."
"L'université est leur seul choix"
"L'orientation selon le vice-rectorat consiste à mettre les élèves dans des cases", tempête un autre conseiller. Il faut mettre 55% des élèves en seconde, point. Cela ne tient compte de rien, on ne favorise pas le projet personnel de l'élève et le niveau continue de baisser." D'autant qu'avec seulement 3 conseillers d'orientation psychologues titulaires et 8 conseillers contractuels, il est difficile d'avoir un réel suivi de l'élève de terminale.
Des réunions d'informations sont organisées en classe, ensuite ceux qui le désirent ont un entretien individuel avec un conseiller pour travailler sur son projet. Les élèves sont informés des difficultés de l'université et du contenu des filières, mais ils ont du mal à poursuivre seuls.
"Nous sommes trop peu pour organiser un suivi efficace, nous les encourageons donc à se renseigner de leur côté sur les sites internet des facs, mais tous ne sont pas familiarisés avec internet et les sites sont parfois compliqués d'utilisation. De toute façon il faut bien qu'ils suivent des études et l'université est leur seul choix comme ils ne sont pas pris ailleurs. Comme ils ont le bac, ils pensent en être capables, mais en réalité leur niveau est plus faible que celui des bacheliers de Métropole."
Autre souci, le travail sur le projet de l'élève se fait trop tard. Les inscriptions ayant lieu assez tôt dans l'année, les jeunes devraient avoir une idée précise de ce qu'ils veulent dès le mois de janvier, une raison pour laquelle les conseillers d'orientation plaident pour un travail dès la classe de 1ère avec les lycéens, afin de leur donner plus de temps.
Un problème qui va encore durer
"Le problème de l'échec en université existe aussi pour les Métropolitains", précise notre source, "mais pour les Mahorais il est multiplié par dix parce que le niveau est plus bas, parce qu'ils sont moins préparés et parce qu'ils partent loin de chez eux." D'autant que les jeunes n'y mettent pas toujours du leur. Les conseillers recommandent aux postulants au BTS d'éviter les grandes villes étudiantes, où il y a trop de concurrence, au profit des petites villes dont les BTS ne font pas toujours le plein. Mais les élèves, par peur d'être isolés de leurs camarades et par envie d'ailleurs, ne suivent pas cette recommandation.
"Ce problème de capacité d'accueil va durer encore au moins 2 ou 3 ans", estime notre conseiller. Une vision qui ne laisse rien présager de bon pour la réussite des générations d'étudiants à venir.
*Le vice-rectorat ne nous a pas permis d'interroger officiellement le Centre d'information et d'orientation, mais nous pourrons lui donner la parole dans une prochaine édition s'il le souhaite.
Hélène Ferkatadji
{mospagebreak title=Les associations maîtrisent mieux le dossier que la Dasu !}
Les associations maîtrisent mieux le dossier que la Dasu !
Nassufdine Mohamed milite depuis de nombreuses années au sein d’associations mahoraises de Métropole. Chaque année il rencontre des étudiants mahorais qui lui confient leurs déceptions, voire leurs colères quant à l’action de la Dasu. Nassufdine Mohamed demande une mise à plat du système.
Depuis de nombreuses années, tout le monde à Mayotte se désole du taux d’échec des élèves ou étudiants mahorais en Métropole. Si la réussite d’un étudiant dépend avant tout de son travail personnel, les conditions dans lesquelles il est envoyé en Métropole jouent un effet non négligeable sur sa scolarité.
A Mayotte, c’est la Division des affaires scolaires et universitaires (Dasu) qui est en charge de gérer les étudiants et élèves mahorais à l’extérieur. C’est à elle que s’adressent les candidats au départ pour obtenir soit un complément de la bourse nationale, soit une bourse d’études pour suivre leur cursus. C’est elle qui effectue également le suivi de ces lycéens ou étudiants, une fois qu’ils sont installés sur place. Mais pour Nassufdine Mohamed, ce suivi fait défaut.
“Les responsables qui ont la charge du dossier éducatif à Mayotte n’en ont rien à faire des élèves. En effet, nous constatons tous les ans des problèmes liés à une mauvaise gestion.” Il clame haut et fort qu’il faut changer soit les règles, soit changer carrément le système de fonctionnement, soit changer certains responsables de ce service.
“Il est incompréhensible que pour gérer 4.000 étudiants et lycéens, il y ait non seulement la Dasu à Mayotte, une antenne à la Réunion, une autre à Paris et des médiateurs académiques dans différentes régions de France, et que les problèmes perdurent”, lance-t-il. Pour étayer ses propos, le responsable associatif affirme tout d’abord que trop de papiers sont perdus à la Dasu à Mayotte, car bon nombre d’élèves envoient tous les documents par voie postale en recommandé avec accusé de réception.
Des décisions floues pour l’attribution ou non de bourses
Pourtant, les élèves apprennent toujours que leurs dossiers ne sont jamais arrivés à la Dasu à Mayotte, alors qu’ils reçoivent l’accusé de réception. Ensuite, il n’existe aucune coordination entre les médiateurs académiques et la Dasu à Paris. “Trouvez-vous normal que ces médiateurs travaillent directement avec la Dasu Mayotte et non pas la Dasu à Paris ? Personne ne les contrôle. Nous proposons une réunion mensuelle de ces médiateurs avec la Dasu Paris et les associations mahoraises à Paris, mais nous n’avons pas encore eu de réponse."
Il estime que les associations et en particulier les associations lycéennes et étudiantes maîtrisent beaucoup mieux le dossier, et connaissent parfaitement les problèmes des étudiants, que la Dasu ou ces médiateurs. "Nous autres associations, nous vivons auprès d’eux tous les jours, nous constatons leurs difficultés de logement, les problèmes financiers, la solitude, etc.”, explique Nassufdine Mohamed. Selon les étudiants qui l’interpellent, la Dasu n’explicite pas assez clairement ses décisions concernant les demandes de bourses.
“Certains se voient refuser des bourses, on ne sait pas trop pourquoi, d’autres les ont alors qu’ils ne devraient pas. En fait, jusqu’à présent, il n’y a aucune politique éducative de la part du conseil général. Les conseillers généraux se plaignent d’investir à perte sur les étudiants, mais ne font pas grand-chose pour mieux investir et mieux aider ceux qui réussissent. Dernièrement, dans vos colonnes, j’ai évoqué le cas d’un étudiant qui prépare le concours de la magistrature et l’examen d’avocat, j’ai d’autres exemples comme celui d’un étudiant qui prépare un Master of international business en Australie. Ce dernier se trouve aujourd’hui dans une situation si difficile qu’il nous demande à nous, associations, de lui venir en aide. Ce n’est pas normal !”
Charité bien ordonnée commence par soi-même
D’autres étudiants en 3ème cycle se sont vus refuser la bourse de Mayotte parce qu’ils ne perçoivent pas la bourse nationale. En effet, les bourses de doctorat sont délivrées directement par les universités sur critères des universités et non sociaux comme pour le second ou premier cycle. Il n’y a donc aucun lien entre les deux. Nassufdine Mohamed suggère que les responsables politiques trouvent des moyens ou bien des solutions pour aider le peu de jeunes mahorais qui poursuivent leurs études en 3ème cycle, car à ce niveau, sans les moyens financiers, il y a peu de chances de décrocher un doctorat.
“En outre, tout le monde sait que la diaspora mahoraise en France est composée en majorité par des familles monoparentales vivant avec les minima sociaux. De ce fait, nous demandons également à nos responsables politiques de faire en sorte que les jeunes de ces familles démunies poursuivant des études à la fac soient soutenus. C’est aussi les encourager”, exhorte-t-il.
Il donne pour exemple des problèmes incompréhensibles rencontrés par des étudiants en Métropole. Dans le premier cas, une aide d’environ 500 € a été attribuée sans justificatif écrit, dans l’autre elle a été refusée sans justificatif non plus. “La Dasu demande aux élèves de nombreuses pièces justificatives, elle doit en faire autant, surtout si ces derniers veulent exercer leurs droits devant le tribunal administratif. Comment voulez-vous qu’on avance si on freine ceux qui ont de l’ambition ?”, s’interroge Nassufdine Mohamed.
Effectuer des études ou des stages en Inde, Australie, Chine, Etats-Unis est une richesse pour Mayotte
Celui-ci ne comprend pas non plus que les aides aux étudiants qui effectuent leurs études à l’étranger ne soient possibles que pour ceux qui séjournent au sein de l’Union européenne, d’après la réponse verbale faite au jeune Radjabe Youssouffa actuellement en Australie.
“L’économie aujourd’hui est mondialisée. Effectuer des études ou un stage aux Etats-Unis, au Canada, en Chine, en Inde, en Australie… ou ailleurs en dehors de l’Union européenne est une richesse pour nos jeunes, mais aussi pour Mayotte. Il faut élargir les esprits. J’ai l’impression que si un étudiant sort du canal, on ne l’aide pas. Or, il a le droit à une aide, la Dasu est un service public. Certains agents semblent l’oublier. Ce sont des fois les jeunes qui appellent la Dasu pour les supplier”, s’indigne le responsable associatif.
Celui-ci appelle à une remise à plat du système avec un tour de table réunissant la Dasu, les étudiants, les parents d’élèves, ainsi que les associations mahoraises de Métropole, de la Réunion et de Mayotte.
Faïd Souhaïli
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Des aides qui font débat
Cela fait bientôt 30 ans que la Collectivité attribue des aides financières pour soutenir les Mahorais qui veulent faire des études secondaires ou supérieures. L’attribution de bourses ou compléments de bourse répond à des règles précises. Comme tout règlement, celui de la Dasu n’est pas parfait. Dans ce cas-là, il vaudrait mieux connaître les règles du jeu avant de s’engager dans des démarches qui risquent de déboucher sur une réponse négative.
Pour pouvoir faire des études secondaires ou universitaires, il faut certes un bagage intellectuel suffisant, mais aussi de l’argent. En France, les étudiants ont la chance de ne pas à avoir à payer des frais de scolarité faramineux pour l’université. En moyenne, les frais d’inscriptions sont inférieurs à 300 € par an pour un non-boursier et encore moindres pour un boursier. Aux Etats-Unis, selon les universités, les frais de scolarité peuvent facilement atteindre des sommets (34 000 $ soit pour l’école d’architecture à Harvard).
En France, il existe différents types d’aides financières pour que les étudiants puissent s’inscrire à l’université, mais aussi assurer une partie de ses dépenses quotidiennes. La plus connue est la bourse sur critères sociaux. Elle est donnée en priorité aux étudiants dont les parents ont un seuil de revenu trop faible pour supporter la scolarité de leurs enfants.
A Mayotte, cette bourse nationale sur critères sociaux conditionne l’attribution du complément de bourses de la CDM dans la majorité des cas. Certains trouvent que la CDM devrait aider également ceux qui n’ont pas la bourse nationale. Le budget n’est pas extensible et des choix politiques ont été faits (voir interview d’Attoumani Bina, directeur de la Dasu). D’autres estiment que la Dasu (Division des affaires scolaires et universitaires) ne voit pas assez large. C’est notamment le cas pour les aides exceptionnelles en cas de non-attribution de la bourse nationale. Il existe bien une aide pour ceux qui préparent les concours administratifs, mais pas pour ceux qui préparent le concours de la magistrature.
La communication doit être accrue entre la Dasu, les étudiants et les élèves
Autre cas qui fait débat, celui des étudiants qui s’inscrivent dans une université non européenne (les échanges universitaires ne sont pas pris en compte puisque l’étudiant s’inscrit dans son université d’origine). L’article 14 du règlement des aides aux lycéens et aux étudiants poursuivant leurs études hors de Mayotte précise qu’une aide pour le transport peut être accordée pour aller dans l’université, ainsi qu’une aide financière de 1.400 € par an. Cette aide se limite au temps nécessaire pour obtenir le diplôme avec droit à un redoublement.
Cet article précise également que l’aide ne peut excéder 5 ans pour des études de langue arabe. Certains se demandent pourquoi avoir mentionné une clause expresse pour les études d’arabe. De même pour l’article 15 qui régit les aides exceptionnelles pour les stages obligatoires à effectuer dans des pays non francophones de l’Union européenne. Pour cela, il faut poursuivre des études dans un Institut d’études supérieures, mais quels sont les établissements répondant à cette appellation ? Pourquoi limiter le périmètre géographique à l’UE, sachant que l’économie d’aujourd’hui est mondialisée ?
La CDM a sûrement ses raisons et Attoumani Bina lève une partie du mystère dans ce numéro de Mayotte Hebdo. Toutefois, une communication plus large pourrait lever les nombreux malentendus qui subsistent entre les jeunes Mahorais et la Dasu.
Pour ceux qui souhaitent entreprendre des études à l’extérieur de Mayotte, on ne peut vous donner qu’un seul conseil : renseignez-vous bien sur les moyens de financer vos études et n’hésitez pas à faire toutes les démarches possibles pour accéder à votre formation.
Faïd Souhaïli
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Les filières professionnelles, issues de secours ?
BTS, BEP, CAP, BAC STG…autant de sigles barbares pour désigner ces formations considérées comme la voie express vers le marché de l’emploi. Alors qu’un rapport épingle l’échec massif des jeunes mahorais qui suivent les filières générales, les problèmes d’orientations sont tout aussi criants dans les filières courtes.
Ils sont jeunes et ils ont des rêves plein la tête. Non, on ne peut pas dire que le climat économique morose ait un effet sur le moral de ces lycéens. Eux, ce sont les "bacs magnégnés" ou bacs pourris, comme les désignent certains de leurs camarades. "Nous ne voulons pas aller dans ces classes parce que c’est là qu’on envoie tous ceux qui ne s’en sortent pas", explique un élève de seconde générale. Des préjugés qui expliquent en grande partie la désaffection pour ces filières visant à former des ouvriers et employés qualifiés. Des cursus de deux ou trois ans, mais qui peuvent aussi ouvrir la porte à des études plus poussées.
Cette année ce sont près de 3.000 lycéens mahorais qui se sont inscrits dans ces filières. Et beaucoup d’entre eux sont contents d’avoir fait ce choix. "Je n’ai pas envie de faire des études pendant plusieurs années. Je veux gagner ma vie rapidement et pouvoir m’acheter ce que je veux", avoue Nazir. Cette année, ce lycéen prépare un bac professionnel. Mais il admet ne toujours pas savoir ce qu’il veut faire comme travail.
Chef d’entreprise, employé ou ingénieur, la plupart de ses camarades ne savent pas non plus où mènent leurs études, mais à l’image d’Abdallah, tous y croient dur comme fer. "Je veux diriger une entreprise, même si je ne sais pas encore dans quel secteur."
Le BTS demeure une option de secours
Parmi les étudiants pris en charge par la Dasu, dans le cycle supérieur, les inscriptions dans les filières courtes n’excèdent pas les 20%. Pourtant les études à la fac constituent une véritable hécatombe pour ces jeunes qui prennent rarement le temps de s’informer sur le contenu de leur formation. Le BTS se présente alors comme une option de secours. Selon le rapport du conseil général sur l’échec des étudiants mahorais, entre 5 et 12% des élèves se réorientent vers les cycles cours après un échec à l’université.
Nemia a suivi le parcours inverse. "J’ai fais une terminale ACA (Action, communication, administration), le BTS en était la suite logique. À l'université il n’y avait rien qui m'intéressait, du coup j’ai choisi le plus évident. Je suis allée une fois au CIO, mais comme d'habitude là bas, on repart comme on est arrivé."
Après de nombreux échecs et plusieurs milliers d’euros dépensés pour intégrer des écoles privées, elle a finalement décidé de se réorienter. Nemia poursuit désormais ses études à la fac où elle fait une licence mention administration. Mais si c’était à refaire, elle aurait choisi un autre parcours. "Je regrette un peu ce parcours. Je me rends compte que ces filières d’études courtes sont vraiment faites pour les personnes qui sont prêtes à rentrer dans le monde du travail. Ce qui n’est pas vraiment mon cas. Je me sens plus à l'aise maintenant que je suis à la fac." Elle veut maintenant poursuivre ses études jusqu’en master.
Les employeurs sont obligés de s’adapter
Peu motivés et sans véritable plan de carrière, la plupart des Mahorais abandonnent leurs études bien avant d’avoir un niveau bac+2. Beaucoup reprennent le chemin du retour pour se retrouver sur un marché du travail en totale inadéquation avec leur formation. Une donne à laquelle les employeurs ont dû s’adapter
"A Mayotte, nous avons l’avantage d’avoir un marché très ouvert. J’ai vu des responsables en communication être embauchés en tant que DRH. Ici, l’important est d’avoir une bonne culture générale et l’employeur se charge de fournir la formation complémentaire. C’est la raison pour laquelle il ne faut pas rester cantonné dans un BTS, il faut aussi s’ouvrir", estime Jean-Michel Clerc. Pour le directeur de l'agence Pôle emploi, les contrats de qualification demeurent le meilleur système pour remédier au problème du décalage entre la formation des jeunes et les besoins des entreprises. Mais l’agence fait aussi en sorte d’aller à la source du problème.
"Notre travail est d’analyser le marché du travail et de mettre en place des formations en adéquation avec la réalité. Nous travaillons aussi avec le vice-rectorat. Par exemple lors du Forum pour l’emploi organisé à M'gombani le 20 janvier dernier. Mais ce n’est pas encore suffisant. Une fois par semaine, un professeur nous appelle pour avoir une intervention dans sa classe. A chaque fois je suis obligé de refuser. N’étant que10, nous devons choisir les actions dans lesquelles nous sommes le plus efficace."
Des actions devenues indispensables sur un marché du travail de plus en plus limité. Chaque année, le Pôle emploi recense en moyenne 3.000 jeunes à la recherche d'un emploi pour seulement 1.000 postes créés.
Halda Toihridini
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“Il faut nous aider à aller plus loin que bac+4”
Yazalde Idaroussi est l’un des nombreux étudiants mahorais qui a bénéficié de l’aide de la CDM, via la Dasu. Titulaire d’un diplôme d'école de commerce obtenu en partie à l’Université Concordia de Montréal au Canada, il est reconnaissant d’avoir pu bénéficier de ces aides. Cependant, il pense que ceux qui réussissent doivent être encouragés.
On parle souvent de l’échec des étudiants mahorais en Métropole, un peu moins de ceux qui réussissent. Yazalde Idaroussi fait partie de ceux qui ont réussi. Déjà avant de partir en Métropole, il avait de bonnes bases puisqu’il a obtenu son bac S avec mention "très bien". Ensuite, il se retrouve dans une classe préparatoire aux grandes écoles et intègre une école de commerce à Lyon. Puis cap sur Montréal avant de revenir à Mayotte avec un diplôme bac +4.
Pendant sa scolarité, il a aussi milité au sein de l’Association pour la réussite des élèves et étudiants mahorais (Apreem) qui a édité le Guide de l’étudiant mahorais expatrié (Geme). Durant sa brillante scolarité, il a eu comme tout le monde ou presque des tracas avec la Dasu. Le premier problème provenait du certificat d’assiduité exigé par la Dasu pour verser le complément de bourse.
“Je comprends que l’on puisse exiger ce certificat en lycée ou en DUT, mais à la fac, ce n’est pas possible. Beaucoup d’universités refusaient de le faire et certains ont produit de faux certificats. A mon avis, cette assiduité peut être contrôlée avec le bulletin de notes. Certains étudiants ne vont même pas aux examens, surtout en première année, car ils savent qu’en cas de redoublement ils pourront avoir la bourse une nouvelle fois”, explique le jeune commercial.
Cette mesure peut sembler trop dure, notamment pour des étudiants ou élèves qui auraient assisté à tous les cours et qui n’auraient pas réussi malgré tout leurs examens. Yazalde Idaroussi trouve que limiter le complément de bourse aux seuls boursiers nationaux n’est pas une bonne chose.
“Les classes prépas et les écoles d’ingénieurs demandent plus d’intensité que la fac”
“Certains n’ont pas la bourse nationale, mais n’ont pas les moyens forcément de subvenir à leurs études. La CDM doit tout mettre en œuvre pour soutenir la réussite des étudiants. En ne voulant pas étendre l’aide, j’ai l’impression que la Dasu laisse les Crous prendre les décisions et eux ne font que suivre”, avance-t-il. Celui-ci regrette également que la CDM n’institue pas de bourses au mérite.
“J’ai été un peu déçu. En Métropole ou dans les Dom, quand tu fais des choses persévérantes ou valorisantes, il y a des bourses de mérite. Cela t’encourage à faire plus. Celui qui fait et réussit des études d’ingénieurs reçoit autant que celui qui va à la fac et qui ne réussit pas. Sans dénigrer la fac, les classes prépas et les grandes écoles demandent plus d’intensité et d’investissement. J’ai l’impression qu’à Mayotte, cela n’est pas reconnu.”
Yazalde Idaroussi reconnaît que la démarche d’information doit aussi provenir des candidats au départ eux-mêmes. Toutefois, il trouve que la Dasu ne communique pas assez vers les étudiants. “Je sais que le site existe. A l’époque il y avait même un forum, mais qui a été désactivé suite à des commentaires trop acerbes. En fait je ne sais pas trop pourquoi certains avaient une bourse, d’autres non. Quand je suis parti au Québec, la région Rhône-Alpes nous donnait un dossier où tout était expliqué. On pouvait partir n’importe où, pas seulement dans l’Union européenne, et surtout on devait rendre un rapport pour expliquer comment s’était déroulé notre séjour”, explique-t-il.
Pour lui, il faut encourager les étudiants mahorais à aller plus loin que le master 1 (bac+4). “Il faut inciter les gens à créer, à faire plus d’études pour apporter une plus-value. Mais cela doit se faire aussi par une prise en main de notre propre destin. Nous avons une part de responsabilité dans cet échec, tout comme nos profs du lycée et du collège. Ils doivent nous persuader que l’avenir est à nous et nous préparer à notre arrivée en Métropole”, conclut-il.
Faïd Souhaïli
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“Donner une bourse ne suffit pas !”
Mahamoud Azihary a eu son baccalauréat il y a bientôt 30 ans à l’île de la Réunion. Le directeur de la Sim a eu la particularité d’effectuer de brillantes études sans soutien aucun du conseil général. Pourtant, accompagné de quelques camarades, il a permis d’obtenir une aide de la Collectivité qui s’est fortement accrue depuis. Il regrette cependant que depuis que Mayotte s’est séparée des Comores, aucune politique éducative ou économique n’ait pu inciter à la formation de cadres mahorais de haut niveau.
Mahamoud Azihary est un homme posé qui a roulé sa bosse dans le monde de la finance aux quatre coins du globe. D’ailleurs, dans son bureau s’entasse une pile du magazine The Economist, hebdomadaire londonien économique et référence mondiale dans le domaine, preuve de sa volonté à ne pas se cantonner au microcosme mahorais. Mais dans sa jeunesse, le directeur de la Sim était un peu rebelle. Parti passer son bac à la Réunion, il revient en vacances en décembre 1978 et janvier 1979.
“Ici, on nous a dit qu’il n’y avait pas besoin de faire de demande de bourse auprès du conseil général de la Réunion puisqu’on s’occuperait de tout à Mayotte”, se souvient le M’tsapérois. Toutefois, une fois le bac en poche, rien ne vient. Sans bourse, il retourne à la Réunion où il devient surveillant dans un lycée comme l’un de ses camarades, un certain Ahamed Attoumani Douchina, pour gagner de quoi vivre. “Sans bourse, je n’ai pas eu les moyens financiers de m’envoler pour la Métropole. J’ai donc du repousser mon départ et j’ai travaillé pour me payer ce billet d’avion” raconte-t-il.
Cependant, il avait gardé une rancœur tenace envers les autorités mahoraises. Il a donc briefé la promotion 1980 sur ce qui risquait d’arriver pendant leurs vacances de décembre à Mayotte. “Je leur ai dit de ne surtout pas suivre les conseils qu’on leur donnerait, sinon ils tomberaient dans le même piège que moi.” Ses propos ne sont pas tombés dans les oreilles de sourds puisque les 11 bacheliers parmi lesquels figurait le chanteur Patrick Prat, la DRH du CG Antua Abdourahamane ou encore le député Abdoulatifou Aly ont tous suivi ses conseils.
“On nous a dit que Mayotte n’avait pas besoins de diplômés universitaires”
“Les élus n’étaient pas contents de voir que les étudiants mahorais avaient reçu des aides de la Réunion. Jean-François Hory qui était à l’époque secrétaire général du CG nous a dit que Mayotte avait besoin d’instituteurs et non pas de personnes ayant fait des études supérieures. Mais j’avais tellement la haine que j’ai distribué des tracts disant que les élus mahorais et Bamana particulièrement ne voulaient pas que leurs élèves fassent des études. La Réunion offrait non seulement une bourse départementale, mais aussi le billet d’avion pour la Métropole. Dans un premier temps le conseil général a refusé, mais nous avons fait un tel raffut que finalement les 11 bacheliers ont obtenu une aide. On me l’avait proposée, mais je l’ai refusée”, explique Mahamoud Azihary.
Par la suite, cela l’a conduit à militer dans des syndicats étudiants. Il a pu mener ses études avec les bourses nationales et celles de la Réunion et a décroché au final un doctorat en économie. Sa carrière l’a emmené dans le monde de la finance et dans de grandes entreprises telles General Electrics ou Cofidis. Il a aussi plaidé au sein d'associations mahoraises et a été vice-président de la Maison de Mayotte à Paris.
“Pendant longtemps je ne me suis pas trop impliqué dans les mouvements associatifs mahorais, mais en 1993 la Maison de Mayotte était dirigée par des wazungu, souvent des époux ou épouses de hauts fonctionnaires qui avaient été en fonction à Mayotte. Bacar Ali Boto et Houbia Youssouffa sont venus me voir pour que je les aide.”
Combien de cadres supérieurs mahorais formés en 30 ans ?
Pour lui, la difficulté des étudiants et élèves mahorais vient tout d’abord de l’orientation. Ensuite, il faut que ces derniers travaillent sans relâche. Toutefois, cela n’est possible que si l’on sait vers quel objectif on se dirige. “Certes, les étudiants doivent fournir un effort pour obtenir leurs diplômes. Toutefois, j’ai l’impression que les élus ont l’impression d’avoir fait leur travail en donnant des bourses aux jeunes Mahorais. S’occuper d’eux n’était pas dans leur vision. Depuis plus de 30 ans que nous nous sommes séparés des Comores, il n’y a pas assez eu de formation de cadres. Inconsciemment ou pas, les élus se sont dit qu’en étant Français, citoyens d’une grosse puissance économique, politique et militaire, notre développement serait fait par les Français. À aucun moment ils ne se sont dit qu’il fallait qu’on forme nos propres cadres comme les pays indépendants ou ceux qui s’apprêtaient à le devenir, que le moteur de notre développement serait les jeunes Mahorais”, argumente le directeur de la Sim.
Cette absence de politique de formation n’est pas le seul fait de Mayotte selon lui. Tous les autres Dom-Tom sont passés par là, mais eux ont pris conscience plus tôt de cette nécessité de former les cadres. Pour ce docteur en économie dont l’objet de la thèse était la réussite du développement économique de l’île Maurice, les Mahorais doivent sortir des sentiers battus pour être compétitifs à l’échelon mondial.
S’enfermer entre Mahorais n’aide pas à l’intégration
“A Maurice, ils ont su ce dont ils avaient besoin. Il y a eu des pilotes de ligne, des ingénieurs nucléaires, en ce moment ils recherchent des joailliers. À Mayotte il ne faut pas empêcher les jeunes de se diriger vers ces professions, même si parfois on ne voit pas de retour immédiat. Ces Mahorais sont une réserve que l’on peut utiliser plus tard. Il n’y a qu’à prendre mon cas. Personne ne voulait diriger la Sim quand je suis revenu. Si l’on forme des profs de maths, le jour où il y aura une université, ce sont ces profs mahorais-là qui y travailleront.”
Les Mahorais doivent aussi s’s’éveiller au monde pour que quand ils exercent des responsabilités ou créent des activités nouvelles, cela puisse ouvrir des perspectives inédites de développement de l’île. “J’ai toujours baigné dans un environnement international dans ma carrière. Je faisais des réunions à Bangalore, Amsterdam, Londres, New York ou Tokyo. Cela m’a permis de voir comment les autres travaillent et qu’il n’y a pas que le modèle français. Les francophones affinent les projets, la théorie, avant de se lancer. Les Anglo-Saxons expérimentent tout de suite, quitte à corriger tout de suite après si ça ne marche pas”, dévoile-t-il.
Cette ouverture d’esprit passe aussi par le fait de ne pas tout le temps se retrancher au sein de la communauté mahoraise. S’enfermer et rester entre Mahorais n’aide pas à une meilleure intégration, ni à une confrontation du multiculturalisme. “C’est ainsi que l’on comprend comment réfléchir face à un problème.”
Un nouvel état d’esprit à adopter
Mahamoud Azihary regrette que les élèves mahorais n’aient pas un esprit de compétiteur. “S’il n’y a pas beaucoup de Mahorais dans les écoles d’ingénieurs ou dans les classes prépas, c’est parce qu’il n’y a pas de dépassement de soi. Il n’y a pas non plus cette idée de faire pour le pays comme les Israéliens, les Japonais ou les Français ont eu après la Seconde Guerre mondiale. Quoi qu’on pense d’Israël, il faut reconnaître que ses habitants ont transformé un désert en un pays viable avec une économie et des universités modernes. D’autre part, il faut absolument éliminer cette idée que le Mahorais est un incapable. Quand on a envie, on peut. Le Mahorais peut devenir numéro 1, il peut réfléchir, il peut rivaliser avec n’importe qui. C’est un état d’esprit à adopter.”
Dans ce processus de dépassement, il faut s’appuyer sur des modèles. S’il regrette que des parcours similaires aux siens ne soient pas médiatisés (“à Maurice, un doctorant ou étudiant ingénieur avait le droit à des pleines pages dans les journaux et suscitait l’admiration”), il ne souhaite pas que l’on érige son cas en exemple. “Cela me gêne qu’on me prenne en modèle depuis 30 ans. Il y a des plus jeunes qui ont réussi. Et si l’on s’attarde sur mon cas, c’est que quelque part la réussite n’est pas là. J’aurais souhaité que des gens me dépassent, aient fait 3 fois mieux que moi”, constate-t-il.
En tant que Mahorais qui a réussi, il exhorte ceux qui sont dans son cas à faire de même en donnant un coup de main aux autres. “Pour aller de l’avant, il ne faut pas qu’un seul réussisse, mais une masse”, affirme-t-il. Son rêve est qu’un jour il puisse contacter un Mahorais à Montréal, à New York ou Melbourne pour lui demander d’aider ses enfants à effectuer des stages dans une multinationale. Ce jour n’est pas encore venu, mais les vœux sont faits pour être réalisés.
Faïd Souhaïli
Des propositions pour limiter l’échec
Mahamoud Azihary avait fait des propositions en 1993, réactualisées en 2003, pour limiter l’échec des étudiants mahorais. Fort de son parcours et de son bagage professionnel, il a mené une réflexion pour améliorer les missions dans le domaine de l’éducation et de la formation de la Maisonla Dasu qui y est logée. de Mayotte et de l’antenne parisienne de
Il proposait notamment de :
– recenser les formations et les modes d’inscription dans les secteurs où les Mahorais sont peu nombreux (pilotes, chercheurs, nutritionnistes, restauration ou hôtellerie de luxe, etc.),
– mettre en avant les programmes d’études, de formation ou de stages à l’extérieur de la France,
– créer et animer des échanges d’expériences entre les étudiants pour créer une solidarité de réussite
– créer et animer des interactions entre les cadres mahorais et les étudiants mahorais pour les aider dans leur passage de la fin d’études à la vie professionnelle.
“L’objectif était d’éviter aux jeunes Mahorais les problèmes auxquels j’ai été confronté. Aujourd’hui, ils ont une somme pour se vêtir et préparer leur installation, la bourse est mensualisée”, rappelle le directeur de la Sim.
Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.