Édito : Nouvelle géopolitique de l’océan Indien

Certains évoquent ce prix pour la seule usine de liquéfaction de gaz qui va être construite à 400 km au nord de Pemba, à Palma, vers la frontière tanzanienne, dont la première production sera exportée vers 2018. Et seuls deux blocs ont dévoilé une partie de leurs ressources. L’exploration continue sur les 6 blocs, dont le n°6 avec le Français Total.

Entre 1993 et 2012, le PIB du Mozambique a augmenté en moyenne, selon la Banque mondiale, de 7,4% par an. Cette hausse devrait être de 8,5% en 2014 et 2015. La Banque mondiale estime que les revenus provenant du gaz et revenant à l’État mozambicain pourront se situer entre 5 et 10 milliards de dollars par an lorsque l’exploitation démarrera, et une vitesse de croisière ne serait atteinte que vers 2030…

Mais la semaine dernière, le 2ème gros opérateur présent sur place, l’américain Anadarko, a démarré l’exploration onshore (à terre), pour espérer trouver « autre chose que du gaz » !… Le mot a du mal a être lâché sur place, tant il fait peur, mais il semble probable que du pétrole soit présent dans la zone. Cela provoquerait un 2ème cataclysme, encore plus gigantesque. En deux années, le Mozambique est déjà surnommé « le petit Qatar » et la zone est devenue un acteur majeur au niveau mondial.

Avec une réserve de gaz exploitable sur la zone de Pemba déjà établie à 18 milliards de barils équivalent pétrole (BEP), et les découvertes sur toute la côte tanzanienne et au sud du Kenya (qui vient de mettre aux enchères 46 blocs), l’Afrique de l’Est pourrait fournir environ 300 millions de BEP de gaz naturel liquide par an, principalement à l’Asie, très gros demandeur. Le Mozambique deviendrait un important exportateur mondial, derrière le Qatar et l’Australie, rapporte le spécialiste Benjamin Augé, dans un rapport publié le mois dernier par l’Institut français des relations internationales.

Les chiffres impressionnent, mais la réalité est déjà là, aux portes de Mayotte. 8.000 expatriés sont attendus à Pemba d’ici 2015, Pemba dont la nouvelle aérogare vient d’être livrée et où les travaux de construction de logements en dur n’arrêtent pas. Les immeubles sortent à peine de terre, avec des étais en bois de palétuviers… L’activité ne va pas manquer ces prochaines années et c’est pour cela qu’une délégation d’une vingtaine de chefs d’entreprises réunionnais, conduite par le président de la région Dider Robert, sera à Maputo et Pemba dans 15 jours.

A Madagascar, en face, de l’autre côté du canal, Total a ouvert un bureau à Majunga pour lancer l’exploration, première étape avant d’estimer d’éventuelles réserves et lancer l’exploitation. 24 blocs ont été mis sur le marché sur toute la côté malgache du canal de Mozambique. Aux Comores aussi l’exploration est lancée. Le secteur du gaz et pétrole demande d’énormes investissements, des milliards de dollars, que se partagent des opérateurs internationaux. Il génère aussi des activités annexes de construction, d’approvisionnement divers, des plus techniques à la nourriture.

Les centaines d’expatriés déjà présents à Pemba sont à deux heures d’avion de Maputo, mais seulement à une heure de Mayotte, territoire français, européen, rassurant, sécurisant. Lancés dans des chantiers terrestres ou sous-marins titanesques, ils sont logés dans l’un des trois hôtels de la ville, de 150 à 300 dollars la nuit, souvent pleins et en pleine expansion. Ils consomment essentiellement des produits importés d’Afrique du Sud, très loin au sud et plus chers qu’à Mayotte…

Ces expatriés sud-africains, américains, canadiens, portugais, australiens ou français sont demandeurs de loisirs, de plongées ou de ballades dans le lagon, pour souffler, de restaurants, de supermarchés, de médecins, dentistes ou opticiens. Ils sont demandeurs de pâtisserie, de fromages, de boites de nuit et de bars. Ils ont parfois besoin de recevoir rapidement une pièce détachée. D’autres pensent à installer leur famille à Mayotte, pour la santé ou l’éducation, et pouvoir venir les voir le week-end.

Mayotte ne peut pas, ne doit pas passer à côté de ce potentiel pour son développement. C’est une voie de plus, à côté du lagon pour le tourisme et l’aquaculture, à côté de la formation de sa population et de ses voisins. Les compétences manquent cruellement à Pemba, en informatique, en garagistes, en production agricole…

Avec ces découvertes de gaz, et peut-être de pétrole, autour d’elle, au Mozambique et en Tanzanie, à Madagascar ou aux Comores demain peut-être, et en attendant que des explorations soient engagées dans les eaux françaises qui nous entourent, Mayotte doit se positionner, agir. Mayotte a une carte importante à jouer et les premiers arrivés seront servis.

La France est présente au milieu de cet immense champ gazier, en plein milieu du canal de Mozambique, avec Mayotte, son port, son aéroport international, ses infrastructures, ses entreprises, ses normes et ses compétences. La France, à travers le chantier naval des Constructions maritimes de Normandie vient de vendre 200 M€ de chalutiers de pêche et patrouilleurs militaires et forme la marine mozambicaine. Anadarko envisage d’installer une base logistique à Mayotte…

Les cartes de la géopolitique de l’océan Indien sont en train d’être rebattues, Mayotte doit y prendre part, y trouver sa place.

 

Laurent Canavate

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