Ces dernières années ont permis de stabiliser l’île. Les avancées institutionnelles ont jeté les bases d’une nouvelle ère. L’inscription de Mayotte dans la Constitution, puis le statut de département, et aujourd’hui le statut de région ultra-périphérique de l’Europe ont rassuré les habitants, les investisseurs, les administrations.
Beaucoup de retard a malheureusement été pris, sur le plan de l’éducation, de l’aménagement du territoire, dans la construction d’infrastructures indispensables. Beaucoup de choses ont été tolérées. Chacun a laissé faire, y trouvant son compte, sa paix sociale, son poste, et les années ont passé.
Il y a des points sur lequel il sera difficile de revenir en arrière. Je pense à ces « générations sacrifiées » que l’on a pourtant si souvent évoquées dans le Mayotte Hebdo. Je pense à ces milliers d’enfants qui fouillent les poubelles pour manger un morceau, ces enfants qui sont nés par milliers, pendant des années, dans la « plus grande maternité de France », de mère en situation irrégulière, et qui aujourd’hui vivent et grandissent à Mayotte, dans des conditions parfois très difficiles.
Je pense que sur le plan des infrastructures, il y aurait eu moyen de prévoir de grands axes de circulation. Il y a quelques années, il y aurait eu moyen de construire un tramway, avec l’appui de la Caisse des dépôts qui l’avait signalé. Je pense que Mayotte pourrait aujourd’hui compter plusieurs hôtels, avec des centaines d’emplois directs et indirects. Que l’île pourrait être connue pour de belles raisons, pour ses beautés, ses traditions, ses richesses culturelles et naturelles.
Faute d’appui et de suivi sérieux de la part des autorités en charge de l’île, de compétences dans les services, d’incertitude dans l’avenir, ces projets n’ont pas vu le jour. Il y aura moyen de rattraper certaines choses, mais pas toutes…
En revanche, je pense qu’il est temps de s’y mettre sérieusement, avec ce projet Mayotte 2025 en ligne de mire, avec les fonds européens qui sont proposés et doivent être utilisés dès que possible, avec le Contrat de plan qui se prépare.
Les élections départementales les 22 et 29 mars prochains vont apporter 26 conseillers aux manettes de notre département-région. Il y aura la moitié de femmes. Et ils seront élus et en place pour 6 ans. Cela offrira à la majorité qui se dégagera une vraie latitude pour apporter cette stabilité si nécessaire.
Il y aura moyen de planifier les projets, les investissements, les objectifs. Il faudra de la fermeté dans la prise en main des équipes, de la rigueur dans la gestion, et beaucoup de compétences, d’ambitions pour mener tous les chantiers qui étaient en attente.
Mayotte avait besoin de sérénité. Je pense qu’elle pourrait arriver enfin, après quelques semaines encore de frénésie pré-électorale. Il sera alors temps de regarder toutes les études, tous les projets, tous les rapports et autres schémas qui ont été réalisés ces dernières années, trop souvent sans qu’il leur soit donné une suite.
Il sera alors temps de proposer une vision à moyen ou long terme pour notre île, une direction, des pistes pour les jeunes et pour les moins jeunes, des perspectives. Il sera temps que chacun fasse sérieusement son travail, dans cet objectif clairement défini.
Des communes ont réalisé des plans stratégiques de développement. Ils permettent d’imaginer la ville dans 10 ou 20 ans, avec les besoins en logements à assurer, les espaces à y consacrer, les quartier à développer, les routes à ouvrir, les zones d’activités et commerciales à créer, les stations d’épuration à positionner…
Mayotte a besoin de sérénité. Il y a des problèmes, parfois graves à régler. Il y a des difficultés, mais il n’y a besoin que de concertations, de travail pour les résoudre, surtout pas de tout monter en épingle, de grossir les faits, de jeter de l’huile sur les étincelles… Au contraire. Chacun doit le comprendre.
Mayotte a besoin de trouver sa place, dans la communauté nationale et européenne, en renvoyant une belle image. L’image d’une île magnifique où il fait bon vivre, en plein développement, raisonné et maitrisé, où ses enfants apprennent, s’amusent. Une île qui trouve sa place dans la région, une place respectée et respectable. Une île qui apporte au monde toutes les richesses de sa culture, de sa nature, de ses habitants. Mayotte a besoin de sérénité pour avancer.
Laurent Canavate
Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.