Édito : Le cocktail explosif mahorais et le drame de la jeunesse mahoraise

86.000 enfants à la dernière rentrée scolaire, 50% de la population en-dessous de 20 ans, un revenu médian mensuel de 384 €, et un tiers de clandestins… Le cocktail est explosif sur l’île aux parfums !

Avec 7 à 8.000 naissances par an à la « plus grande maternité d’Europe », cela fait 20 enfants par jour… Il aurait fallu construire une salle de classe chaque jour, même les week-end, tous les jours de l’année. Comme cela n’a pas été le cas ces dernières années, faute de moyens, faute de foncier, faute de travail sérieux des uns et des autres !, le retard s’est accumulé, et les enfants sont à la rue à tour de rôle : la moitié le matin, l’autre moitié le soir. Avec des enseignants qui se débattent comme ils peuvent, et des contractuels par centaines ou milliers, faute de titulaires attirés par Mayotte, comme à l’hôpital, et cela provoque des dégâts, parfois irrémédiables, dramatiques.

Et quelques milliers d’enfants vivent carrément sans parents, abandonnés, livrés à eux-mêmes, dérivant lentement, avec la délinquance et la violence pour toute porte de sortie de l’enfance.

Les Mahorais se sont engouffrés par milliers dans les administrations locales, dans les mairies, engorgeant ces services avec des agents de catégorie C à plus de 80%, désormais intégrés et indexés, grâce au combat des syndicats, empêchant de fait les dossiers d’avancer vraiment, et les autres sont dehors, sans emploi et regardent le spectacle sans avoir le droit, ou les moyens, de toucher au gâteau.

Pour financer tous ces emplois, il faut désormais taxer, imposer toutes les activités économiques, tous les travailleurs, toutes les marchandises qui entrent sur le territoire, toutes les parcelles de terrain construites ou non, provoquant de fait la colère de beaucoup et la vie chère pour tous.

Avec un tiers de la population vivant dans une clandestinité toute relative – au vu et au su de tous, sur les hauteurs des villes – le revenu médian à Mayotte, même s’il augmente de 8% par an, reste dramatiquement bas. Avec une mission sénatoriale il y a quelques années qui avait établi que près de 80% des habitats étaient indignes sur l’île, on imagine difficilement la vie de cette jeunesse, de la majorité de cette jeunesse. Et ce qu’elle va pouvoir devenir, avec le regard qui se porte sur elle depuis sa naissance.

Conditions de vie difficiles, terribles, confort inexistant, habitats indignes. Pas d’eau et/ou pas d’électricité pour certains. Pas de chambre et de lit douillet, pas de bureau, de livres. Pas d’espoir. Des parents parfois absents, parfois inconnus. Une alimentation… réduite. Un accès à la santé… limité. Et on voudrait renvoyer une belle image de Mayotte ?…

Quand en face, à tous ces enfants, on leur propose des établissements surchargés, engorgés, qui donc ne peuvent pas proposer tout le suivi, l’attention dont ils auraient besoin, le soutien scolaire et les activités extra-scolaires proposées ailleurs, alors l’échec scolaire se développe, la violence s’invite dans les établissements.

Faute de place dans les établissements, on ne fait plus redoubler les enfants, ils passent, ils avancent… Et ils arrivent trop nombreux au collège sans savoir lire ou écrire… Ce n’est pas grave, on avance et on se tait dans les rangs ! Les bataillons de générations sacrifiées s’accumulent. Nous avons trop titré là-dessus à la Une de Mayotte hebdo, comme sur les enfants des poubelles, sur la montée de la violence…

La pauvreté, la misère, l’insécurité, la clandestinité des parents, l’échec scolaire, la violence… Les ingrédients du cocktail sont rassemblés. Et le chômage arrive en ligne de mire, pour ces enfants qui grandissent.

En face, les efforts des autorités pour améliorer le niveau de l’éducation sont dérisoires au vu des besoins, des miettes sont versées ça et là pour répondre à une école fermée par des parents dépités.

L’attractivité du territoire est une notion encore trop floue semble-t-il. Les compétences ne sont pas suffisamment là, pas suffisamment utilisées. Beaucoup pensent encore à se servir avant de penser à servir.

Et face à cette situation terrible, la guerre devrait être déclarée, le combat devrait être engagé, pour l’emploi, en appuyant le développement du tourisme, des entreprises… Au lieu de cela, ceux qui disposent d’une once de pouvoir semblent trop souvent incapables d’appréhender cette situation complexe, avec des équipes qu’ils ne parviennent pas à mobiliser, à activer.

Des têtes se lèvent, des citoyens s’activent, se bougent, se débattent, pour essayer de faire avancer certains dossiers, mais ils sont parfois dépités face à des dépenses choquantes, des choix surprenants, des projets à l’arrêt et des besoins criants qui ne sont pas satisfaits.

L’école et la santé sont la base… Alors que des investissements y sont consacrés, le fonctionnement fait apparaître de graves problèmes, le suivi n’est pas assuré. Améliorer l’attractivité du territoire devrait être le leitmotiv, le credo de nos dirigeants. Séparer les ingrédients de ce cocktail explosif devrait constituer une urgence, un combat de chaque instant, sur tous les fronts. La mobilisation devrait être décrétée.

Améliorer le niveau de l’éducation, la qualité du système de santé hypertrophié par la maternité et les naissances. Améliorer l’attractivité du territoire, développer des secteurs d’activités, se battre pour chaque emploi créé, travailler dur pour faire honneur à son mandat, à son travail, à son territoire.

Les ingrédients d’un cocktail explosif se rassemblent, la moindre étincelle menace, paralyse.

Mayotte mérite assurément bien mieux que ça !

Laurent Canavate

Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.

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