Édito : Deux ministres à Mayotte

Sur la place de la mairie ce jeudi vers midi, si on enlève les chanteuses et danseuses de la troupe de m’biwi et les forces de l’ordre, il ne restait qu’une ou deux dizaines de badauds. Ils ont d’ailleurs été bien déçus, car les discours se sont déroulés à l’intérieur de la mairie, et un haut-parleur n’avait même pas été prévu dehors. Des passants rue du Commerce se demandaient pour certains ce qu’il se passait à la mairie, pour qu’il y ait autant de policiers et gendarmes devant.

La ferveur des grands déplacements ministériels, la chaleur de l’accueil sont des éléments en voie de disparition. C’est ainsi. Mayotte se « normalise » peut-être. La population deviendrait-elle « insensible » à ces déplacements longs, coûteux, protocolaires et porteurs de si peu de promesses, voire aucune cette fois-ci ? La population se détournerait-elle de promesses non tenues, comme la scolarisation des enfants dès 3 ans, la fin des rotations dans les écoles, la rocade de M’tsapéré à Dembéni, un musée, un établissement de l’Ifremer, la piste longue et autres rêves du siècle passé ?…

Deux ministres à Mayotte

Les partis politiques, les élus ne mobilisent plus pour accueillir ces représentants du Gouvernement. C’est étonnant, volontaire, ou un signe de leur faiblesse. D’ailleurs, qu’espéraient-ils ?

Il y a quelques années, le maintien dans la France et la départementalisation cristallisaient toutes les attentes. A chaque visite on espérait un mot, un geste, une déclaration forte. Et un mot déchainait les foules, les youyous. Une envolée lyrique et le messager de Paris avait tout le monde avec lui. Les colliers de fleurs étouffaient presque nos invités. Puis ce fut un temps l’espoir de la piste longue… oubliée depuis dans les oubliettes de la crise.

Mais cette fois, qu’attendaient les élus, qu’espéraient-ils de cette venue ? Avaient-ils transmis une liste de doléances, de demandes, de projets ? Une annonce allait-elle combler leurs attentes ? Je l’ai demandé à certains, mais j’ai eu peu de réponse… Peut-être aurait-il fallu préparer un dossier complet, argumenté, sur la situation de la scolarisation à Mayotte, sur les rotations, les rythmes scolaires, les résultats catastrophiques, l’inégalité face à l’Ecole de la République. Peut-être aurait-il fallu demander 300 salles de classe, et en espérer 150, voire 50… Au moins quelque chose…

Mais rien de tout cela. Il n’y a pas eu de demande, et donc pas d’annonce. Nos ministres sont venus, ils ont vu et sont repartis. L’Etat sera là, il remplira son rôle, de moins en moins, confiera des taches aux collectivités locales, de plus en plus, avec ou sans les moyens. C’est la crise ! Et en plus, les collectivités locales vont devoir elles-aussi « dégraisser le mammouth » ! Faire plus avec moins. Il faut s’habituer à entendre ce discours, il risque de revenir souvent à nos oreilles. Surtout que là on avait rien demandé, alors si on demande quelque chose…

Maintenant il faut s’adresser à Bruxelles, à l’Europe pour (re)mettre Mayotte à niveau. L’Etat a lui aussi tourné la tête vers ce veau d’or, pour financer les projets structurants dont Mayotte a toujours besoin. C’était peut-être ça le message. Bougez-vous si vous voulez que ça bouge ! Débrouillez-vous avec vos impôts locaux, avec l’octroi de mer, pour financer vos milliers d’agents publics… et si ça ne suffit pas… réfléchissez encore !

Deux ministres à Mayotte, sans ferveur populaire, sans espoir, sans attente, sans promesse. Deux ministres de passage, qui sont déjà repartis, en attendant le Président de la République le 27 juillet.

 

Laurent Canavate

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