Drames à Majunga puis Nosy Be
Très tôt le 20 mai dernier, une embarcation avec 17 personnes à bord, 20 selon les premières informations qui avaient été données, a fait naufrage au large des côtes malgaches après avoir quitté Nosy Be vers 3 heures du matin, heure locale. Ces personnes, des émigrants, voulaient rejoindre clandestinement Mayotte. Le bilan est lourd puisque 4 enfants et 5 femmes, tous de nationalité malgache, ont trouvé la mort. En pleine mer, une heure après le départ, l’embarcation à bord de laquelle ils se trouvaient s’est arrêtée suite à une panne mécanique. C’est une vedette rapide passant au niveau d’un lieu appelé Ambariomitonga, près de l’îlot Nosy Sakatia, qui a donné l’alerte en avisant le fokonolona de Madirokely ainsi que les autorités locales.
L’embarcation, elle, a fini par chavirer. Un îlot se trouvant à proximité des lieux du naufrage, les migrants ont cherché à la rejoindre à la nage.
Des 8 survivants, 3 se sont échappés une fois débarqués sur la terre ferme, 3 ont été hospitalisés, tandis que les 2 restants ont été retenus par la police pour enquête. Le propriétaire de l’embarcation, qui ne serait pas malgache, ainsi que le commandant de la vedette ont été arrêtés par la gendarmerie. Pour assurer leur sécurité, ils ont été transférés à Antsiranana où ils sont interrogés. Suite à des recherches difficiles, des bagages et dix-sept bidons de carburant ont été repêchés. L’Agence portuaire maritime et fluviale (APMF), chargée de coordonner l’opération, a mobilisé sur les lieux du naufrage le navire d’intervention Tosca ainsi que le détachement de Nosy Be dont le rôle maintenant est de récupérer l’épave.
Ce drame intervient après le naufrage du boutre “Colonel Sébastien”, dans la nuit de dimanche à lundi de la semaine dernière, au large de Majunga avec marchandises, mais aussi passagers à bord. Si un père de famille et son fils ont pu être là secourus par les membres d’équipage d’un bateau de pêche qui croisait non loin, 9 personnes ont été portées disparues.
La migration clandestine s’amplifie et prend un autre visage
La migration clandestine par bateau vers Mayotte génère un business lucratif pour les passeurs, qu’ils soient comoriens ou malgaches, surtout depuis que l’île a acquis le statut de département français (31.03.11) et de région ultrapériphérique (01.01.14) devenant, de ce fait, une sorte de terre “d’espoir” de l’océan Indien.
Les “tarifs” pratiqués par les passeurs comoriens sont variables, mais comparables aux deux millions d’ariarys minimum [560 euros] que les migrants malgaches paieraient pour rejoindre
Mayotte alors que le trajet est 5 fois plus long [Majunga/Mahajanga se trouvant à environ 350 km des côtes mahoraises].
Selon des rumeurs graves et accusatrices de la presse malgache, il serait possible que certains membres de la police des frontières mahoraise soient de mèche avec les passeurs. Seulement, doit-on dire malheureusement pour les candidats à cette émigration, c’est bien souvent la désillusion une fois débarqués sur leur “terre promise”, et c’est le retour sans gloire à Madagascar.
Qu’en pensent les Mahorais d’origine malgache ?
Nous avons interviewé 4 personnes de milieux différents (secteurs privé et associatif, fonction publique d’État ou territoriale) toutes sensibilisées du fait de leurs racines ou attaches malgaches.
Toutes sont évidemment peinées pour les familles qui ont perdu des leurs dans les conditions dramatiques relatées précédemment.
Pour elles, même si les migrants malgaches ont pris quelques renseignements sur Mayotte, ils ignorent tout de la vie clandestine, imaginant un avenir forcément meilleur qu’on leur a sans doute fait miroiter.
“C’est un trafic récent. Ils voient des images à la télé, des Africains qui fuient la guerre et la famine.
À Mada, ce n’est quand même pas ça ! Et dire que nous sommes un pays avec plein de ressources et de richesses ! Et puis même, avec peu d’argent, on y vit. Ce qui est condamnable, ce sont ces gens qui organisent et collectent des fonds” dit l’une des personnes interrogées.
“Ils paient très cher, une fortune même, alors que, pour le même argent, ils peuvent voyager de façon légale, partir de Mada avec des papiers en règle. Et avec l’argent dépensé pour le voyage, ils auraient pu vivre longtemps. Je ne comprends pas”, dira une autre.
“Il faudrait que les côtes malgaches soient mieux surveillées. Malgré ces drames, je crains que le phénomène ne prenne de l’ampleur. Certaines familles doivent être vraiment dans la misère pour prendre de tels gros risques ! Ils croient qu’ils vont vivre mieux.
Moi, je préférerais rester dans mon pays, quitte à devoir me révolter. Les présidents se succèdent et il faut bien dire que rien ne change à Madagascar.”
La dernière, avec plus de recul, s’offusque : “Nous, nous ne sommes pas musulmans et avons une approche différente de la Mort. C’est immoral de faire ça, c’est suicidaire. En plus, la démarche est illégale. Je suis farouchement contre”.
Voilà l’ajout d’un afflux migratoire prévisible pour la France entière, l’Union européenne et, très certainement, un problème épineux supplémentaire à résoudre urgemment pour Mayotte.
Jacques Girauld
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