Inédit à Mayotte. Le centre national de recherche scientifique a décidé d’y consacrer son nouveau site d’étude en écologie globale. Concrètement, des chercheurs locaux et nationaux seront chargés d’étudier les modifications de l’environnement naturel mahorais, et l’impact que celles-ci peuvent avoir sur la population insulaire. Les premiers travaux concernent la subsidence de l’île et les dynamiques épidémiologiques.
Ils sont moins d’une dizaine dans le monde. Pourtant, c’est bel et bien à Mayotte que le nouveau site d’étude en écologie globale (SEEG) du centre national de recherche scientifique (CNRS) est dédié depuis le 29 juin. Derrière ce nom un peu alambiqué, une équipe de chercheurs locaux et métropolitains, chargés d’étudier, depuis leurs laboratoires respectifs, l’environnement et la biodiversité du 101ème département au sens large, et surtout, l’impact de leurs modifications sur la population. Une approche scientifique holistique inédite pour le territoire.
« Dans ce terme, ce n’est pas forcément le mot écologie qu’il faut retenir », explique Matthieu Jeanson, maître de conférences en géographie au CUFR de Dembéni, et chercheur pour ce nouveau SEEG. « Notre approche intègre la géographie, l’anthropologie, l’économie, le social et le sociétal… Mayotte est un territoire à fort potentiel de recherches et ses habitants sont très demandeurs, comme nous l’avons vu avec la crise sismo-volcanique. » Une crise, d’ailleurs, qui a accéléré le phénomène naturel de subsidence de l’île, au point que le centre universitaire de formation et de recherche ait décidé de lancer une vaste étude afin d’envisager les différents scénarios d’évolution du territoire du fait de son enfoncement, en analysant la situation sur le plan naturel et social. Un travail précieux, puisque jamais un phénomène d’une telle ampleur n’avait été observé auparavant sur une île habitée.
« On étudie les possibles conséquences de cette subsidence, mais le CUFR n’a pas les moyens d’envoyer un sous-marin en mer, alors que les autres structures du site d’étude en écologie globale, si », commente encore Matthieu Jeanson. D’où l’intérêt de cette nouvelle fédération de structures en tout genre, parmi lesquelles le CUFR et le CNRS, évidemment, mais aussi la Deal, la Daf, le BRGM et le conseil départemental. « Tous les acteurs sont invités à participer à la réflexion, et des chercheurs viendront de l’extérieur pour monter des projets, ce qui nous permettra de mener des études bien plus larges et de mutualiser nos moyens », sourit le conférencier. « Le CNRS et nous-même sommes bien conscients de tout ce qu’il y à faire à Mayotte. »
Mayotte, un joyau de biodiversité… et d’humanité
En effet, le 101ème département constitue « la plus orientale, la plus australe et la plus ancienne (environ huit millions d’années) terre émergée de l’arc volcanique des Comores », rappelle le centre national de recherche scientifique. « Cette histoire géologique, sa position géographique et la diversité des influences humaines ont façonné un paysage très singulier avec une diversité biologique et sociale exceptionnelle. » D’autant plus que le lagon constitue le seul parc marin français avec une double barrière de corail, fait naturel extrêmement rare à l’échelle du globe, et qui permet de nourrir et de protéger un large réservoir de biodiversité animale, végétale, mais aussi humaine, l’histoire de l’archipel ayant été marquée par des flux migratoires venus d’Afrique, de Madagascar, d’Europe et d’Asie.
Alors, au même titre que la résilience des mangroves face aux changements climatiques, l’évolution de la situation sanitaire sera aussi au cœur des préoccupations scientifiques de ce tout nouveau SEEG. « Il s’agit de décrire et comprendre les processus infectieux et chroniques en lien étroit avec les bouleversements environnementaux et sociétaux de l’île », vulgarise le CNRS. Ainsi, le rôle de vecteurs que sont les moustiques, les rongeurs, les chauves-souris ou les oiseaux marins dans l’émergence de certaines pathologies seront à l’étude pour mieux comprendre les dynamiques épidémiologiques et la façon dont elles impactent les sociétés locales. Inévitablement, la diffusion du Covid-19 à Mayotte et Madagascar sera également prise en compte, et même modélisée, à l’instar de la prévalence des maladies chroniques comme l’obésité et le diabète, largement influencés par des facteurs socio-culturels.
L’ensemble de ces travaux s’étalera sur quatre années, durée de vie classique d’un site d’étude en écologie globale. « Mais il pourra être renouvelé si, en fonction de la production scientifique, les recherches sont toujours actives », précise le CUFR. « Certains durent depuis dix ans, et à Mayotte, on ne doute pas qu’il y ait suffisamment de matière ! » Une aubaine, alors que rares sont les témoignages de chercheurs dans la littérature insulaire.
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